Les Établissements Billard, nom complet : Société Billard, Chatenay et Cie (1920-1928), société anonyme des Anciens Établissements Billard & Cie (1928-1964), sont une entreprise française de construction de matériel ferroviaire basée à Tours et spécialisée dans la construction d'autorails légers et de matériels à voie métrique et étroite.
L'entreprise, créée en 1920, connaît un important développement jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale. Confrontée par la suite à de graves difficultés financières, elle disparaît en 1964. Une partie de son activité est reprise par la société Socofer.
Histoire
Société Billard, Chatenay et Cie
En , la « Société Billard, Chatenay et Cie » est créée à Tours par Pierre Billard (1889-1983), qui en prend la direction[1], Roger Ancelet (1895-1944) et Francis Chatenay (1893-1963), prête-nom de Marcelle Ancelet-Billard (1890-1983).
Avant la Grande guerre, Pierre, Roger et Marcelle ont le projet de créer ensemble un atelier d'assemblage d'automobiles et de construction de pièces pour automobiles. Mais les événements les en empêchent. Pierre Billard étant électricien dans les chemins de fer est incorporé dans un régiment destiné au transport ferroviaire où il acquiert des compétences, avant de les sanctionner par un diplôme d'ingénieur ferroviaire.
Francis Chatenay déjà dessinateur de réseaux ferroviaires reçoit une bourse à la fin du conflit pour devenir lui-aussi ingénieur ferroviaire. Roger Ancelet, atteint de poliomyélite et ayant de grandes difficultés à marcher, ne part pas à la guerre, mais en profite pour acquérir de solides connaissances de gestionnaire par le management des commerces de ses parents et de sa propre entreprise de bois en gros qu'il crée à cette époque. Pour s'assurer des liens familiaux propres à servir la future entreprise projetée, il persuade également sa sœur d'épouser Pierre Billard.
Lors de la création de l'entreprise, Roger Ancelet apporte une partie des capitaux et ses qualités de gestionnaire. Sa sœur Marcelle, apporte elle aussi des capitaux et sera chargée dans l'entreprise de la publicité et de l'événementiel.
Francis Chatenay prête son nom à Marcelle Ancelet-Billard pour que celle-ci puisse investir, car les femmes n'ont pas le droit de participer à la création d'entreprises en ce temps-là. Quant à Pierre Billard, issu d'une famille très pauvre, il apporte ses qualités d'ingénieur, son relationnel avec les ouvriers et ses qualités d'inventeur prolifique.
La production débute, dans un atelier loué près des docks sur la Loire, avec principalement des pièces pour les constructeurs d'automobiles, néanmoins, elle est équipée pour pouvoir répondre à toutes les demandes concernant la mécanique.
Billard s'intéresse aux « petits véhicules automoteurs pour le transport du personnel et du matériel pour les services de la voie des réseaux ferroviaires » qui sont utilisés par les diverses compagnies de chemin de fer.
Pour honorer les commandes de draisines de plus en plus nombreuses, Pierre Billard et Roger Ancelet achètent une maison juste devant la gare de Tours, deux ans plus tard. Ils la font démolir et en reconstruisent une autre, constituée de deux appartements, l'un pour Roger et l'autre pour Pierre et Marcelle, avec en sous-sol, éclairé par de grandes baies vitrées, un bureau d'études, le royaume de Pierre, de ses ingénieurs et dessinateurs industriels.
À la même époque, les deux hommes achètent un terrain derrière la gare et y font construire une première usine raccordée au réseau ferroviaire. Dans la foulée, ils achètent une ligne de chemin de fer désaffectée entre Tours et Loches pour en faire leur ligne d'essais pour tous les nouveaux modèles.
Société des Anciens Établissements Billard & Cie
En 1928, une nouvelle société est créée, la « Société des Anciens Établissements Billard & Cie » pour pouvoir exporter notamment dans les colonies, mais aussi en Europe. Elle absorbe la précédente et est spécialisée dans la construction de draisines et locotracteurs à destination des réseaux de chemins de fer, des industriels pour les embranchements privés et de l'armée française.
Les usines s'agrandissent en 1931 en occupant également les anciens ateliers de la compagnie des chemins de fer de la Vendée, rue Roberpierre à Tours[2].Toute l'activité de construction est transférée sur ce site en 1934[3],[4]. Seul le bureau d'étude et les essais des nouveaux modèles restent sur l'ancien site de Tours au 21, rue du Rempart[5].
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Billard et Cie emploie deux mille salariés, tant dans les bureaux commerciaux à Paris, que dans le bureau d'étude et l'usine à Tours et en Vendée.
À la fin de la guerre, l'entreprise subit plusieurs avanies qui mettent grandement sa continuation en danger : Roger Ancelet, le gestionnaire, meurt de maladie, laissant Pierre seul pour gérer l'entreprise. Pierre étant avant tout un ingénieur très inventif, les bénéfices de l'entreprise s'en ressentent dangereusement.
Puis dans la nuit du 19 au [7], l'usine de Tours est gravement endommagée dans des bombardements alliés et ne reprend une activité normale qu'au milieu de l'année 1945[8].
Elle travaille alors surtout pour les réseaux de chemin de fer étrangers[9]. Durant la même année, l'entreprise doit aussi lutter contre une tentative de nationalisation orchestrée avec le concours de la Banque de France.
Puis en 1957, Marcelle Ancelet et Pierre Billard divorcent, rompant ainsi définitivement l'aspect familial de l'entreprise. En 1956, l'établissement est exproprié dans le cadre de la construction du quartier du Sanitas à Tours[10]. Il est alors envisagé de s'installer dans d'autres locaux (les ateliers du PO à Saint-Pierre-des-Corps[11]), voire de reprendre les établissements Fouga et Cie de Béziers.
Mais Pierre ne parvenant pas à trouver un gestionnaire à la hauteur de ses espérances, les difficultés financières entraînent l'abandon de ses projets et en , l'entreprise cesse son activité, mettant au chômage 250 personnes[11]. Socofer à Tours et Soulé à Bagnères-de-Bigorre poursuivent alors pendant quelques années la fabrication des modèles Billard[12].
Production matériel roulant ferroviaire Billard
Draisines
De 1922 à 1939, Billard produit environ 820 draisines, dont des motolorries (draisine découverte), de touts types[13]. Elles ont été livrées aux différents réseaux de chemins de fer secondaires, aux grandes compagnies puis à la SNCF.
À voie étroite (60 cm), la lettre T indique tracteur, le numéro la puissance du moteur, le D pour diesel (moteur CLM), P pour moteur Panhard ou G pour Génie (militaire) et le dernier numéro pour le nombre d'essieux. Par ordre chronologique de construction, on trouve les : T50D, T50D3, T80D3, T75D, T75P, T75G et T100D. Ils sont avant tout conçus pour l'industrie, en particulier pour le transport de betteraves (T50D2 et T80D3), ou pour les chemins de fer militaires français. Ils seront utilisés entre autres pour la desserte de la ligne Maginot, mais surtout par les troupes d'occupation allemandes et l'organisation Todt. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les T75D et les T100D furent utilisés à leur tour dans les industries betteravières, des carrières, les sablières de Nemours ;
À voie normale, différents types de locotracteurs, dont 130 exemplaires de la série Y 7100, sont réalisés pour la SNCF[12]. Socofer a aussi eu la charge du projet Y9000 pour la livraison de 110 locotracteurs à INFRA, dont 22 réalisés par ses soins, les 88 autres étant faits au Technicentre de Rouen Quatre Mares.
Autorails
Cette production est constituée des autorails à deux essieux et des autorails à bogies, pour la voie métrique et la voie normale. On y trouve de nombreux types :
Autorails à deux essieux : pour voie métrique, de 1932 à 1933, comporte notamment les autorails types : Billard A 50 D et A 65 D (Billard A 50 DL) ; pour voie normale, de 1946 à 1955, les autorails types : FNC, A 75 D et FNC C[14], et les remorques types : FNC, FNC R1, FNC R20 et Type SCCFE Verney[15].
Autorails à bogies : pour voie métrique, de 1933 à 1958, comporte notamment, les autorails types : A 80 D (D1, D2, D3 et D4), A 80 E, A 135 D (D1), A 150 D (D1, D2 articulé, D4, D6, D7 et D8), Billard A 210 D (D1 et D2), A 250 D, Micheline type 52[16] ; et les remorques : R 210 (type A, type B, D1 et D2) et RM[17] ; pour voie normale, s'échelonne de 1933 à 1939 : A 100 D, A 150 D3 et D5, Micheline type 21 et type 22[14].
En Éthiopie : le Chemin de fer franco-éthiopien recevra également en 1964 deux rames automotrices de 550 ch, pour sa ligne Djibouti - Addis-Abeba[18]. Divers réseaux européens : Grèce et Espagne
En France ; une Micheline a été construite dans les années 1930, pour le PO . Trois autorails à bogies sur châssis long ont été livrés au Nord-Est. Une série d'autorails à deux essieux a été réalisée pour les CFD et la SNCF en 1949-50. Une série d'autorails FNC a été livrée à la SNCF.
Matériel Billard préservé
La solidité du matériel et la simplicité de la construction font que beaucoup d'engins de cette firme circulent encore aujourd'hui.
XR 113, « Cercle Ferroviaire Corse » à Calenzana-Lumio, ex-no 113 CFD Corse de 1938.
Remorques issues de la transformation d'autorail A 80 D
XBD 242, MTVS (arrivée sur le site de Crèvecœur-le-Grand le 4 février 2016), ex-A80D no 32 de 1937 ayant roulé sur les CFD Charentes,les CFD Yonne, le BA, le POC et sur les chemins de fer Corse en tant que remorque après démotorisation.
XRD 1337 (Chemins de fer de Provence), ex-RL7, origine CFD Vivarais 33, transformé par Garnéro, messagerie
XR 104 (Chemins de fer de la Corse) ex-autorail A 210 D1, no 105, transformé par Garnéro, prêté aux CP mais mis à la ferraille en avant son départ sur le continent à la suite d'un incendie
↑Monteil, Bernard; Colombier, Christine et al., « Les ateliers du chemin de fer de Tours et de sa région », Revue d’histoire des chemins de fer, AHICF, nos 28-29, , p. 73–99 (ISSN0996-9403, DOI10.4000/rhcf.1755, lire en ligne, consulté le ).
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Yves Broncard, Autorails de France, t. IV : Les autorails légers des années 1930 - Les autorails légers des années 1940 - Billard, Paris, Les Éditions La Vie du rail, , 279 p. (ISBN978-2915034684), chap. III (« Billard : Société anonyme des anciens établissements Billard & Cie »), p. 59-104.
Jacques Chapuis, « Billard, un grand nom pour les secondaires », La Vie du Rail, no 1784, , p. 39-44.
Bernard Monteil et Christine Colombier, « Les ateliers du chemin de fer de Tours et de sa région », Revue d'histoire des chemins de fer, nos 28-29, , p. 73-99 (ISSN0996-9403).
Jean-Claude Riffaud, « Les automotrices Billard », Magazine des tramways à vapeur et des secondaires, no 24, .