Jodelle appartient à la bourgeoisie parisienne, mais il est attiré par la noblesse. Il est « Sieur du Lymodin ». La mort prématurée de son père alors que Jodelle n'avait que quatre ans forçait sa mère, Marie Drouet, à s'occuper de l'éducation de ses enfants, Étienne et sa sœur. Son oncle maternel, Étienne de Passavant, qui possédait une importante collection de livres, semble avoir été celui qui a enflammé le goût de la littérature chez Jodelle.
Au début de l'année 1553, il fait représenter la première tragédie humaniste, Cléopâtre captive, et la première comédie humaniste, L'Eugène, devant le roi Henri II, à Paris, Collège de Reims, puis au collège de Boncourt. Pour fêter la première représentation (et « baptiser » la naissance du théâtre à l'antique en France), Jodelle et ses amis de la Pléiade se rendent à Arcueil, où ils procèdent à une cérémonie à l'antique connue sous le nom de « pompe du bouc », qui leur attire les foudres des dévots, lorsqu'une chèvre ornée de fleurs fut conduite en procession et présentée à l'auteur, cérémonie exagérée par les ennemis des Ronsardistes dans un renouveau des rites païens du culte de Bacchus.
En 1558, il est chargé par le Prévôt des Marchands et des Échevins de Paris d'organiser un spectacle en l'honneur du roi Henri II qui vient de conquérir Calais, et du duc de Guise. Il n’a que quatre jours pour cela, et ce qui devait être une mise en scène baroque de la légende d’Orphée, avec décor, musique et machines, tourne à l’échec et lui vaut la disgrâce : si Henri II se montre magnanime, Jodelle est moqué de la cour, et les officiers municipaux menacent de le poursuivre en justice pour dilapidation de l’argent public[3]. C'est vers ce temps qu'il aurait été condamné à mort. Il s'éloigne de la Cour, puis il finit par y revenir[4].
Alors qu’il passe pour favorable à la Réforme, il écrit contre les protestants les sonnets de Contre les ministres de la nouvelle opinion. Il fut plus tard accusé d'avoir fait l'apologie du massacre de la Saint-Barthélemy, notamment par Pierre de l'Estoile[3]. Il a peut-être fait partie du cercle littéraire de la maréchale de Retz.
Jodelle reçoit en 1572 cinq cents livres de Charles IX, mais continue à s’endetter, et c’est miséreux qu’il meurt en juillet 1573, dans une masure de la rue Champ-Fleury[2]. Le poète protestant Agrippa d'Aubigné le célèbre dans des Vers funèbres. C'est Charles de La Mothe qui, après la mort du poète, a fait imprimer ses Œuvres et meslanges poëtiques (Paris, N. Chesneau et M. Patisson, 1574).
À l'époque moderne, la contribution de son travail a pris de l'importance, en tant que précurseur du théâtre dans le pays mais aussi dans le développement de ce qui s'appellera plus tard le théâtre classique français[1].
Œuvre et postérité
Ses ouvrages exercent une forte influence sur le développement ultérieur de divers genres de dramaturgie et qui perdure longtemps après lui.
Diidon se sacrifiant, texte édité et présenté par Mariangela Miotti, La tragédie à l'époque d'Henri II et de Charles IX (1573-1575), 1re série, vol. 5, Florence-Paris, Olschki-P.U.F., 1993, p. 359-430.
Œuvres complètes, éditées par E. Balmas, Paris, Gallimard, 1968
L'Amour obscur, Poèmes choisis et présentés par Robert Melançon, Paris, Orphée/La Différence, 1991
Didon se sacrifiant, édité par J.-C. Ternaux, Paris, Champion, 2002
Cléopâtre captive, édité et présenté par Emmanuel Buron, Théâtre tragique du XVIe siècle, Garnier Flammarion, 2020
Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde : sonnets ; édition d'Agnès Rees ; préface de Florence Delay, Gallimard, 2022, 225 p.
↑ a et b« Au chatreau d'Ecouen, théatre toute farce », La Croix, (lire en ligne).
↑ a et bCité dans Charles Marty-Laveaux, Les Œuvres et Mélanges poétiques d'Estienne Jodelle, t. 1, Paris, Alphonse Lemerre, coll. « La Pléiade françoise » (no 3), (lire en ligne), « Notice biographique », p. XXXVII-XXXVIII
↑C'est cet échec de 1558 qui a inspiré à Florence Delay son très beau roman "L'Insuccès de la fête", Paris, Gallimard, 1980.