1er janvier André Breton s'installe au 42 rue Fontaine[1], au-dessus de deux cabarets appelés « Le Ciel » et « L'Enfer » et en face d'un troisième appelé « Le Néant »[2].
Breton annonce dans la revue Comœdia l'ouverture pour le mois de mars d'un « Congrès international pour la détermination des directives et la défense de l'esprit moderne » : « Il s'agit avant tout d'opposer à une certaine formule de dévotion au passé - il est question constamment de la nécessité d'un prétendu retour (?) à la tradition - l'expression d'une volonté, qui porte à agir avec le minimum de références, autrement dit, à se placer au départ en dehors du connu et de l'inconnu. »[3]
Le comité du Salon des Indépendants dirigé par le peintre Paul Signac refuse deux œuvres de Francis Picabia dont Le Chapeau de paille mais accepte La Danse de Saint-Guy. Protestation de Picabia sous la forme d'un tract qu'il distribue à l'entrée du salon[4].
Tristan Tzara refuse de participer à ce congrès : « Je préfère me tenir tranquille plutôt que d'encourager une action que je considère comme nuisible à cette recherche du nouveau que j'aime trop, même si elle prend les formes de l'indifférence. »Breton réagit par une malheureuse mise en garde « contre les agissements d'un personnage connu pour le promoteur d'un "mouvement" venu de Zurich qu'il n'est pas utile de désigner autrement. »Paul Eluard, Théodore Fraenkel, Benjamin Péret et Jacques Rigaut, rejoints par Jean Cocteau, soutiennent Tzara contre Breton. Seul Louis Aragon reste fidèle[5].
Aragon lâche définitivement la médecine. Jacques Doucet l'engage et, avec Breton, ils rassemblent dans la bibliothèque de leur mécène les ouvrages qui ont contribué « à la formation de la mentalité poétique de leur génération. »[6]
Jacques Rigaut rédige un texte annonçant la mort de Dada, sous la forme d'un fait divers : « On a trouvé hier dans le jardin du Palais-Royal, le cadavre de Dada. On présumait à un suicide (car le malheureux menaçait depuis sa naissance de mettre fin à ses jours) quand André Breton a fait des aveux complets. »[8]
Mars
Interrompue depuis le mois d', la revue Littérature reparaît sous une nouvelle présentation. Breton et Soupault en sont les directeurs[9]. Note de Francis Picabia : « Ne pas s'admirer, ne pas s'enfermer dans l'école révolutionnaire devenue pompier, ne pas admettre de spéculation mercantile, ne pas chercher la gloire officielle, ne s'inspirer que de la vie, n'avoir comme idéal que le mouvement continu de l'intelligence. »[10]
Breton publie dans Cœmedia l'article Après Dada… dans lequel il attaque Tristan Tzara et fixe la mort de Dada aux alentours de mai 1921, c'est-à-dire au moment du Procès Barrès. C'est probablement au même moment que Jacques Rigaut écrit sous la forme d'un fait divers ironique : « On a trouvé hier dans le jardin du Palais-Royal, le cadavre de Dada. On présumait un suicide (car le malheureux menaçait depuis sa naissance de mettre fin à ses jours) quand André Breton a fait des aveux complets. »[11]
Tzara répond à Breton dans les colonnes de Cœmedia : « un jour ou l'autre, on saura que avant dada, après dada, sans dada, envers dada, pour dada, contre dada, avec dada, malgré dada, c'est toujours dada. Mais que cela n'a aucune importance. »[11]
André Breton fait publier dans Littérature, Lâchez tout en réponse à l'article de Tristan Tzara du 7 mars : « Le dadaïsme, comme tant d'autres choses, n'a été pour certains qu'une manière de s'asseoir. »[13]
À Berlin publication du premier numéro de la revue Perevoz Dada (Transbordeur Dada) par Serge Charchoune[18].
Dans le quatrième numéro de la nouvelle série de la revue Littérature, André Breton (désormais seul directeur de la revue) fait paraître un texte hostile à Tristan Tzara improprement signé Raoul Huelsenbeck (au lieu de Richard Huelsenbeck). Même le mot Dada y est banni[19].
Juillet
Publication dans la revue Vanity Fair à New York de souvenirs de Tristan Tzara quant à la naissance de Dada. Le projet avait été demandé par le couturier et mécène Jacques Doucet[20].
À l'exposition coloniale de Marseille, Antonin Artaud est impressionné par un spectacle de danses cambodgiennes[21].
Aragon est à Berlin. Il y écrit Les Plaisirs de la capitale - ses bas-fonds, ses jardins secrets[22].
À Lyon, parution du premier numéro de la revue Manomètre par Émile Malespine[18].
Jacques Doucet propose à Breton son soutien financier à Littérature et Gaston Gallimard accepte d'en assurer la diffusion. Ces dispositions provoque la rupture avec René Hilsum, jusqu'alors éditeur et diffuseur de la revue. De son côté Soupault abandonne la codirection de la revue en raison de son hostilité envers Francis Picabia dont l'importance grandit aux yeux de Breton[23].
Septembre
À l'initiative de René Crevel, début des expériences des sommeils hypnotiques chez Breton[23]. Breton : « Après dix jours, les plus blasés, les plus sûrs d'entre nous demeurent confondus, tremblants de reconnaissance et de peur, autant dire ont perdu connaissance devant la merveille. »
Robert Desnos tient une place prépondérante dans l'expérience des sommeils hypnotiques : il dessine, peint et profère les aphorismes de Rrose Selavy par communication télépathique avec Marcel Duchamp qui est à New York[24].
Congrès Constructivisme-dadaïsme à Weimar à l'initiative de Theo van Doesburg qui invite les Dadas Hans Arp, Hans Richter et Tristan Tzara ce qui en surprend quelques uns qui ne voient dans le dadaïsme qu' « une force destructrice et déclassée en regard des nouvelles perspectives constructivistes. »[25]
À Vienne (Autriche) publication du livre Buch neuer Kunstler (Le Livre des nouveaux artistes) avec une préface de Lajos Kassák enthousiaste pour les Dadas : « Les dadaïstes affirment le fanatisme de la destruction [...] Et leur travail fut une action des plus révolutionnaires, ils l'accomplirent non pas dans l'intention de vivre dans un monde meilleur, mais parce que la vie dans ce monde dans de telles conditions, ils ne pouvaient plus la supporter. »[18]
Octobre
Lettre de Tristan Tzara à Jacques Doucet : « J'étais en correspondance avec A. Savinio qui vivait à ce moment avec son frère G. De Chirico à Ferrare. Par lui, mon adresse se répandit en Italie comme une maladie contagieuse. Je fus bombardé de lettres de toutes les contrées d'Italie. Presque toutes commençaient avec « caro amico » mais la plupart de mes correspondants me nommaient « carissimo e illustrissimo poeta ». Cela me décida vite de rompre les relations avec ce peuple trop enthousiaste. »[26]
Bien qu'il se juge « impropre à de telles manifestations », Robert Desnos participe aux expériences de sommeils hypnotiques. Dans une lettre à Denise Lévy, Simone Breton témoigne : « Desnos apporte, endormi, un ton de prophète qui énonce dans un style mystérieux, symbolique, des choses mieux que la vérité si elles ne sont pas la vérité. Ce n'est pas une femme nerveuse qui parle, mais un poète imprégné de tout ce que nous aimons et croyons s'approcher du fin mot de la vie. » En communication « télépathique » avec Marcel Duchamp, à New York, Desnos dicte des jeux de mots, des à-peu-près et autres homophonies autour du nom de Rrose Sélavy[27].
Breton prononce une conférence intitulée Caractère de l'évolution moderne et de ce qui y participe[23] : « J'estime que le cubisme, le futurisme et Dada ne sont pas, à tout prendre, trois mouvements distincts et que tous trois participent d'un mouvement plus général dont nous ne connaissons encore précisément ni le sens ni l'amplitude. C'est la première fois peut-être que s'impose si fort en art un certain côté hors-la-loi que nous ne perdrons pas de vue en avançant Dada, sa négation insolente, son égalitarisme vexant, le caractère anarchique de sa protestation, son goût du scandale pour le scandale, enfin, toute son allure offensive, je n'ai pas besoin de vous dire de quel cœur longtemps j'y ai souscrit. Il n'y a qu'une chose qui puisse nous permettre de sortir, momentanément au moins, de cette affreuse cage dans laquelle nous nous débattons et ce quelque chose c'est la révolution, une révolution quelconque, aussi sanglante qu'on voudra, que j'appelle encore aujourd'hui de toutes mes forces. Tant pis si Dada n'a pas été cela, car vous comprenez bien que le reste m'importe peu. Il ne serait pas mauvais qu'on rétablît pour l'esprit les lois de la Terreur. »
À Barcelone, Breton écrit le poème Le Volubilis et je sais l'hypoténuse dont le titre a été noté lors d'une séance d'hypnose de Desnos.[réf. nécessaire]
Décembre
L'adaptation théâtrale du roman de Raymond RousselLocus Solus est sifflée par le public et défendue par les surréalistes[23].
Lâchez tout : « Lâchez votre femme, lâchez votre maîtresse. Lâchez vos espérances et vos craintes. Semez vos enfants au coin d'un bois. Lâchez la proie pour l'ombre. Lâchez au besoin une vie aisée, ce qu'on vous donne pour une situation d'avenir. Partez sur les routes. »
Champs délicieux, album de rayographes, préfacé par Tristan Tzara : « Une éclipse tourne autour de la perdrix, est-ce un étui de cigarettes ? Le photographe tourne la broche des pensées au crépitement de lune mal graissée[53]. »
La Marquise Casati, photographie noir et blanc[54]
Westwego : « Je me promenais à Londres un été / les pieds brûlants et le cœur dans les yeux / près des murs noirs près des murs rouges / près des grands docks / où les policemen géants / sont piqués comme des points d'interrogation. »
↑Texte qui paraîtra dans Le Libertinage sous le titre de Paris la nuit. Jean-Paul Clébert, Dictionnaire du Surréalisme, Éditions du Seuil & A.T.P., Chamalières, 1996 (ISBN978-2-02-024588-3), p. 49.
↑Adam Biro et René Passeron, Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs, Office du livre/Presses universitaires de France, (ISBN2-13-037280-5), p. 279.
↑ Giovanni Lista, Dada libertin et libertaire, L'Insolite, Paris, 2005, p. 175.
↑54 × 46 cm. Museum for Kunst, Copenhague. Reproduction dans (fr + en) Alix Agret (dir.) et Dominique Païni (dir.), Surréalisme au féminin ?, In fine, (ISBN978-2-38203-116-2), p. 95.
↑87 × 59 cm. Civica museo d'arte contemporanea, Milan. Reproduction dans Dossier de l'art n° 160, février 2009, p. 46.
↑25 × 19,5 cm. Il ne reste qu'une reproduction conservée à la Bibliothèque nationale de France selon Didier Ottinger (sous la direction de), Dictionnaire de l'objet surréaliste, Gallimard & Centre Pompidou, Paris, 2013. (ISBN978-2-07-014181-4), p. 308. Reproduction dans André Breton, Le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, 1928-1965, p. 90.
↑Dachy 2005, p. 323 et reproduction du premier rayogramme dans René Passeron, Surréalisme, 2005, éditions Terrail/Edigroup (ISBN2-87939-297-7), p. 106.