Abdallah Sadouk naît en 1950 à Casablanca[1]. Après l'obtention du diplôme de l'Institut national des beaux-arts de Tétouan où, de 1967 à 1969, il est l'élève d'Abdellah Fekhar en dessin et de Thami El Kasri Dad en sculpture, il poursuit ses études à Paris, dans l'atelier d'Emmanuel Auricoste à l'École nationale supérieure des arts décoratifs de 1970 à l'obtention du diplôme de décorateur et sculpteur en 1976, ensuite à l'École nationale supérieure des beaux-arts où sa fréquentation de l'atelier de Jean-Marie Granier aboutit à un diplôme en arts plastiques et dessin. Une licence en arts plastiques couronne enfin l'année 1979-1980 qu'il passe dans l'atelier de Paul-Armand Gète à l'Université Paris 1 Sorbonne.
Sa carrière commence en France, jusqu'à ses premières expositions au Maroc en 1995, 1999 et 2002[2]. Sa vie se partage alors entre la province d'Al Haouz de Marrakech, où il installe un atelier en 2007, Casablanca et la région parisienne. « Il y a, constate Véronique Barre une nécessité de déracinement chez Sadouk. Vivre et travailler à Paris furent en quelque sorte la condition du rattachement à sa propre tradition[3] ».
Sadouk demeure un paysagiste abstrait[4] ; les références à ce qu’on pourrait appeler un « cubisme impressionniste » sont toujours présentes dans ses toiles, qui gomment le détail pour dévoiler les lignes de force d’architectures ou de bords de mer baignés de lumière.
Sadouk est également sculpteur, sur bois, sur métal, sur pierre. On peut voir notamment, à Casablanca, la grande façade du siège de la T.G.C.C.[2], qu'il a habillée de sculptures sur métal en 2015-2016[5].
Les œuvres de Sadouk, enracinées dans la culture berbère saharienne, sont résolument modernes : « C'est, estime Edmond Amran El Maleh, le jeu des plans, des figures géométriques qui donne naissance a des structures complexes ; la couleur, la gradation des nuances à dominante ocre sont soumises à ce jeu générateur dont elles forment et informent la matière. On est là bien proche des conceptions du cubisme. Mais ici la référence à l'architecture, à l'environnement naturel, à tout cet art d'inspiration berbère, est sensible »[6]. Farid Zahi, pour sa part, situe Abdallah Sadouk dans un univers qu'il nomme « l'appel du visible, où le réalisme figuratif est stylisé, symbolisé, nuancé. Il y a dans ces œuvres comme une attraction pour la mémoire révélatrice d'un attachement inébranlable à l'émerveillement instantané face à ce qui risque de disparaître »[7].
Parallèlement à ses activités dans le domaine des arts plastiques (peinture et sculpture), Abdallah Sadouk a collaboré avec des poètes et réalisé plusieurs livres d'artiste.
1984 : Andalousies – Portfolio, texte d'Abdelkébir Khatibi enrichies de huit sérigraphies originales signées par quatre peintres marocains et quatre peintres espagnols, atelier Marsam, Rabat.
1993 : Rabat au pas des Siècles et des Saisons, texte de Maurice Druon, quatre dessins et quatre sérigraphies. Edition Marsam, Rabat.
1997 : Imago, poèmes de Fatima Chahid et peintures d'Abdallah Sadouk, Édition Marsam, Rabat.
2001 : Pollen, poèmes de Khireddine Mourad, éditions Al Manar, Neuilly-sur-Seine (tirage courant précédé de trente exemplaires de tête, rehaussés d’aquarelles originales d'Abdallah Sadouk)[26].
2002 : Petit Musée Portatif, poèmes d'Abdellatif Laâbi, tirage courant précédé de dix-huit exemplaires de tête, rehaussés de dix-huit dessins originaux d'Abdallah Sadouk)[27],[28],[29],[30],[31].
Un Pays m’est nécessaire, poème manuscrit d'Abdellatif Laâbi rehaussé d’une aquarelle d'Abdallah Sadouk, douze exemplaires uniques au format 25 × 15 cm, sur Vélin d’Arches, format accordéon, collection « Corps écrit », Editions Al Manar, Neuilly-sur-Seine[32].
2006 : Jessica l’après-midi, d’Alain Gorius, éditions Al Manar, édition originale limitée à cent exemplaires numérotés sur Vélin d’Arches, intervention d'Abdallah Sadouk.
2014 : Il pleut du sable sur Paris de Monique Enckell (tirage courant précédé de vingt exemplaires numérotés de tête, rehaussés d’aquarelles originales d'Abdallah Sadouk, éditions Al Manar, Paris[33].
2018 : Désert au crépuscule de Tahar Bekri, couverture d'Abdallah Sadouk, éditions Al Manar, Paris.
2022 : Le Pier de C. d'Isabelle Junca, douze exemplaires numérotés rehaussés de trois peintures originales d'Abdallah Sadouk, éditions Al Manar, Neuilly-sur-Seine.
« En dehors du côté sacralisant de la lettre arabe, je porte mon intérêt, en tant que peintre, à sa structure qui se modifie pour son autonomie. Je remplis mes toiles jusqu'à saturation, ensuite j'élimine et je nettoie le support qui devient une espèce de palimpseste chargé de suggestions interminables. Comme le monde est plein d'accumulations qui ne cessent de se reproduire, je ne cesse à mon tour de faire, défaire et refaire. Je ne suis que le témoin du chaos quotidien de mon époque »
« Mon sujet principal est le paysage urbain, il est en perpétuelle mutation, il se modifie sans cesse afin d'être habitable et à la dimension de l'homme, je traduis cette métamorphose de différents modes d'expression, avec le dessin, l'aquarelle, la peinture et la sculpture. Les fragments qui constituent l'espace sont une somme d'éléments calligraphiques, du signe et des motifs ornementaux extraits de l'architecture. »
« Abdallah Sadouk, depuis ses intuitions initiales jusqu’au présent épanouissement de formes et de couleurs, procède comme un explorateur élargissant son domaine et sa quête. Il n’oublie rien de son port d’attache, du milieu physique et spirituel où se sont forgées ses interrogations de base, mais ses allers-retours construisent des cercles toujours plus vastes d’identité et d’altérité. »
« Dans cette peinture, la lumière n'est pas une présence environnementale, rebelle ou contraignante, impliquant des accommodements ou des servitudes imposées. La lumière est un marteau central dans la quasi-totalité des tableaux. Domestiquée, intégrée à l'œuvre, cette lumière au lieu d'englober la structure picturale, de l'extérieur, elle la travaille du dedans, l'irradie et fusionne avec elle[40]. »
« Les tableaux de Sadouk sont architecturaux. Les paysages semblent dressés dans l’espace. Ils sont quasi-sculpturaux. Et cette sculpture se voit, se palpe, impose avec netteté sa présence dans les tableaux. Rien d’étonnant à cela, Abdallah Sadouk a commencé sa vie de plasticien comme sculpteur[41]. »
« (...) Quand l'artiste superpose les zones urbaines et naturelles, il semble suggérer une succession temporelle aussi bien que spatiale, une accumulation d’existences dont le passage demeure, imaginaire, dans l’interstice laissé entre les murs. »
↑Issiali Aarab, « Sadouk ou le sacre de la lumière », Al Maghrib-Maroc, Maghreb Agence Presse,
↑Aziz Daki, « La leçon de Sadouk », Aujourd’hui Le Maroc, n° 216,
↑ ab et cMarie-Christine Vandoorne, « Paysage de villes », catalogue d'exposition, Institut français de Tanger,
Annexes
Bibliographie
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, dessinateurs et graveurs, vol.12, Gründ, 1999.
Farid Zahi, Une collection émergente - Présentation de la collection de l'Académie du royaume du Maroc, éditions Marsam, 2002.
Farid Zahi, D'un regard, l'autre - L'art et ses médiations au Maroc, collection « Regards obliques », éditions Marsam, 2007.
Marie Christine Vandoorne, Paysage de villes d'Abdallah Sadouk, éditions de l'Institut français de Tanger, 2011.
Rabia Boujibar, Musée Mohammed VI : art moderne et contemporain, Fondation nationale des musées, Rabat, 2014.
Bouthaïma Azami, L'espace transcendé - Abdallah Sadouk, quarante ans de peinture, éditions So Art Gallery, Casablanca, 2017.
Abdelali Najah, Les arts plastiques au Maroc, Le Lys bleu éditions, 2020.
Claudia Esposito, « Traces of Souffles : on cultural production in contemporary Morocco », Contemporary French Civilization, volume 45, n°3-4, 2020.
Khalid Lyamlahy, « A boundless creative ferocity : the Souffles generation, Moroccan poetry and visual art in dialogue » dans, sous la direction de Jane Hiddleston et Wen-Chin Ouyang, Multilingual literature as world literature, Bloomsbury Academic, 2021.