Recife, 1980. Clara, qui vient de réchapper d'un cancer du sein, organise la fête d'anniversaire de sa tante âgée de 70 ans.
De nos jours, sexagénaire et ancienne critique musicale, Clara habite toujours dans « l'Aquarius », immeuble de caractère des années 1940 situé en bord de mer.
Un promoteur a racheté tous les autres appartements et les a vidés de leurs occupants. Clara est la seule à refuser de partir. S'ensuivent harcèlement et intimidation qui troublent Clara et l'amènent à repenser à sa vie.
Le film y est interdit au moins de 18 ans alors que « les producteurs affirment que le film ne comporte aucune scène de violence et très peu de sexe. La presse locale quant à elle soupçonne le gouvernement d'avoir instauré cette censure en réaction aux pancartes engagées brandies par l'équipe du film sur les marches du festival français. Les artistes protestaient contre la procédure de destitution de Dilma Rousseff, l'ex-Présidente du Brésil, lancée en avril dernier par la Chambre des députés du pays en vue d’empêcher le renouvellement de son mandat présidentiel. [...] L’équipe d'Aquarius a comparé cet acte à un coup d'État »[1].
Le film qui était le grand favori dans la profession pour être le candidat brésilien à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, est écarté par le comité de sélection. Le gouvernement avait intégré au comité de sélection le critique Marcos Petrucelli, qui avait déclaré lors du Festival de Cannes que « l'équipe était partie en vacances à Cannes aux frais de l'État, pour humilier publiquement le pays par ses déclarations tout en revenant bredouille »[2] et « en fait ça s’est passé ainsi : un film fait avec l’argent public va à Cannes pour représenter le Brésil et repart bredouille. Donc, mentir à propos du soi-disant coup d’État dans le pays via des phrases écrites sur des bouts de papier n’aura eu pour conséquence que de ridiculiser le pays »[3].
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Accueil critique
L'accueil critique est globalement très positif : le site Allociné recense une moyenne des critiques presse de 4,4/5, et des critiques spectateurs à 3,9/5[4]. Le site américain Rotten Tomatoes décerne une note moyenne de 8.2/10, avec 96 % de bonnes critiques sur un total de 57[5].
Pour Laura Tuillier des Cahiers du cinéma, « le matérialisme hanté [du film] est peut-être la plus belle piste d'Aquarius, en ce qu’elle permet de faire cohabiter la précision de l’ethnologue avec la spiritualité du mage »[6].
Pour Elisabeth Franck-Dumas de Libération, Aquarius est à la fois une « splendide métaphore du marasme qui plombe le Brésil (et) aussi un solaire portrait de femme. »[7].
Pour Etienne Sorin du Figaro, le film est un « magnifique portrait de femme (qui) n'est pas une sainte et, notamment à travers ses rapports avec sa bonne, Kleber Mendonça Filho montre tout en finesse que le Brésil est une société de classes où seuls les riches peuvent lutter contre les riches »[8].
Dans Télérama, Jacques Morice déclare que « sa force est de faire de la situation de Clara une allégorie plus large sur le Brésil d'aujourd'hui, sur la corruption qui gangrène ses fondations, sur les nouvelles formes de domination, la tendresse paternaliste entretenue avec les employés de maison »[9]. Pour Laurent Rigoulet du même Télérama, le film montre qu'« il reste quand même des résistants. L'héroïne inventée par Kleber Mendonça Filho en est une. Cet amoncèlement de classeurs et de papiers, elle va prendre le temps de le retourner pour gagner son combat contre les promoteurs qui réinventent le paysage brésilien au profit des plus riches. Elle peut passer pour folle auprès de tous, y compris de ses proches, elle s'en moque. C'est parfois le prix à payer quand on veut défendre ses convictions politiques et qu'on réfléchit à long terme. Le cinéaste de Recife est intransigeant. Son Aquarius est un réquisitoire contre le libéralisme qui laisse en plan une grande partie du peuple brésilien et assèche sa culture »[10].
Pour Isabelle Regnier du Monde, Aquarius était le plus beau film en compétition au Festival de Cannes 2016. Deuxième film de Kleber Mendonça Filho après Les Bruits de Recife en 2012, il « en est en quelque sorte le prolongement sous une forme beaucoup plus ample, plus riche, à la fois plus foisonnante sur le plan narratif, et plus resserrée. [...] Aquarius offre une image surréaliste de la violence aveugle que peut produire un système capitaliste en roue libre, et la renvoie in extremis à l'envoyeur, à la faveur d’un retournement vengeur qui vous laisse pantelant. A ce mouvement mortifère qu’elle donne à voir, la mise en scène oppose des cadrages d’une sophistication plastique extrême, qui font communiquer l’intérieur et l’extérieur, des plans-séquence sensuels, amples, fluides, qui unissent les couples sur la piste de danse, d’incroyables panoramiques à la grue, qui fabriquent du lien là où la ville et les puissances de l’argent œuvrent à le détruire… Loin d’être gratuite, cette splendeur plastique est un geste politique »[11].
Influences
Kleber Mendonça Filho a déclaré que pour concevoir son film il s'était inspiré des films italiens des années 1950 avec Anna Magnani, des films américains des années 1970 avec Jane Fonda, ainsi que des œuvres d'Alfred Hitchcock, notamment pour les séquences de cauchemar[12].