En héraldique, les armoiries sont des emblèmes[Note 1], en couleurs, soumis dans leur disposition et dans leur forme à des règles spéciales (celles du blason). Ces marques distinctives ont pour fonction initiale de dire l'identité d'une personne physique ou morale (famille, corporation, collectivité, État) qui les portent puis deviennent des marques de propriété apposées sur des biens meubles ou immeubles[Note 2] possédés par leurs porteurs[2].
Les armoiries, peintes, gravées ou sculptées[Note 3], peuvent être représentées sur un écu, un sceau, une armure, une bannière, un tabar, un bâtiment…
Le blason est l'ensemble des couleurs, des figures et des règles qui régissent la composition des armoiries, c'est en quelque sorte la « grammaire » du langage héraldique.
En français, le mot armoiries et son doublet armes (certains héraldistes réservent ce deuxième mot à la seule représentation de l'écu et appellent armoiries l'écu accompagné d'ornements extérieurs) présentent l'inconvénient de n'exister qu'au pluriel, si bien que des héraldistes ont décidé dans les années 1970 d'employer le mot armoirie au singulier et, « pour pallier cette difficulté, font du terme blason un synonyme d'armoiries, mais c'est là un abus de vocabulaire[2] ».
Histoire
En Europe occidentale, les armoiries se développent au XIIe siècle. Essentiellement représentées sur des écus, elles sont marquées par une grande évolution de leur adoption, de leur port, de leur répertoire[Note 4] et de leur emploi par les différentes classes sociales (héraldique nobiliaire et roturière). Elles atteignent leur apogée au XVIIe siècle[Note 5] et connaissent depuis le milieu du XVIIIe siècle un certain déclin (notamment en France et en Angleterre), devant de plus affronter la concurrence de formules emblématiques auxquelles elles ont souvent donné naissance (insignes, devises, formules identitaires qui ornent livres et vêtements à partir du XIVe siècle, puis initiales, chiffres et monogrammes)[5]. Parallèlement à la renaissance de l'héraldique communale, on assiste à un lent renouveau des armoiries depuis la seconde moitié du XIXe siècle alors qu'elles sont discréditées par leur association à une aristocratie déclinante. Communes et régions redécouvrent la valeur des armoiries qui sont l'expression de l'identité et de l'autorité d'un territoire face à l'interventionnisme de l'État. Des érudits redonnent un essor à l'héraldique. Au siècle suivant, l'héraldique familiale reprend sa place grâce à ces signes d'identité, ces marques de distinction[6].
En France, les armoiries ont théoriquement été abolies à la Révolution française par l'Assemblée le en même temps que tous les symboles de la noblesse[7]. Sous la restauration, Louis XVIII émet une ordonnance le 26 septembre 1814, qui restaure les armoiries municipales, à charge pour les villes de se pourvoir devant la commission du Sceau. La suppression du Conseil du Sceau en 1872 « n'est suivie d'aucune législation nouvelle en matière d'armoiries. Si bien que depuis cette date le principe en vigueur est de nouveau celui de la libre adoption et du libre port[8] ».
Les armoiries ont « donné naissance, au fil des siècles, à toutes sortes d'images héraldisantes (pavillons, drapeaux, insignes, uniformes, logos, marques, panneaux de signalisation routière, maritime, ferroviaire, aérienne, etc.) qui ont rempli et continuent de remplir, dans la vie sociale et quotidienne, un rôle essentiel[9] ».
Notes et références
Notes
↑L'emblème est un signe (nom, uniforme, armoiries, attribut iconographique) qui dit l'identité d'une personne physique ou morale. Il se distingue du symbole qui a pour signifié non pas une personne mais une entité abstraite (l'amour, le courage, la mort, le temps). « Parfois, certaines figures, certaines couleurs, certains objets sont ambivalents, à la fois emblème et symbole. Le drapeau tricolore bleu-blanc-rouge, par exemple, est à la fois l'emblème de la France et le symbole d'une certaine idée de la République, de la démocratie, des libertés. De même, au Moyen Âge, les armoiries des rois capétiens, d'azur semé de fleurs de lis d'or, constituent un emblème, c'est-à- dire un signe d'identité aidant à reconnaître le roi de France ; mais les figures et les couleurs qui composent de telles armoiries — l'azur, l'or, les fleurs de lis et même la disposition en semé — sont investies d'une fonction symbolique[1] ».
↑Armoiries sur des bijoux, des livres, des armes, des meubles, des donations dans les églises (vitraux, retables), du commanditaire d'une tenture, d'un édifice, du propriétaire d'une terre marquée par des bornes…
↑Exemples de peintures (écus, peintures murales, manuscrits), de gravures (pierres tombales, cachets, jetons, médailles, sceaux), de sculptures (armoiries sculptées au-dessus des portes, au pied des statues, sur les corbeilles des chapiteaux ou les clefs de voûte).
↑Au Moyen Âge occidental, le répertoire des figures est constitué pour un tiers d'animaux (avec en tête le lion), pour un tiers de figures géométriques fixes (grandes bandes ou cases qui divisent l'écu), et pour un dernier tiers des petites figures plus ou moins géométriques, des végétaux, des objets (armes, outils)[3].
↑Dans les pays méridionaux, cet apogée quantitatif a lieu au XVe siècle : peut-être 8 ou 10 % des individus masculins portent des armoiries, ce qui constitue une sorte de « record d’Europe »[4].
Références
↑Michel Pastoureau, L'art héraldique au Moyen Âge, Seuil, , p. 9