En France, l'autorisation environnementale unique (ou permis unique) est un dispositif qui fusionne les différentes procédures et décisions environnementales requises pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumises au régime de l'autorisation[1]. Ce dispositif, qui a été testé dans certains départements de 2014 à 2016 et qui s'inscrit dans le processus de « simplification administrative » et de « modernisation du droit de l'environnement », entre en vigueur le [2].
L'autorisation environnementale unique est cadrée par l'ordonnance no 2017-80 du [3] et deux décrets d'application[4],[5], dont l’un précise le contenu du dossier de demande d’autorisation et l’autre liste les pièces que celui-ci doit contenir, en fonction du type d’installation prévue[6].
Cette réforme, en accompagnement de celles liées à l'étude d'impact et de l'enquête publique, a « un impact considérable sur de très nombreux projets »[7].
Historique et contexte
En 2013, le comité de pilotage des « États généraux de la modernisation du droit de l'environnement » mis en place par la ministre de l'environnement Delphine Batho émet des propositions de simplification administrative, qui concernent notamment les différentes autorisations environnementales[8].
Une triple expérimentation a été conduite de 2014 à 2016 dans quelques départements, afin de mesurer la faisabilité d'un dispositif de « certificat de projet », d'autorisation unique en matière d'ICPE et d'autorisation unique IOTA. Une évaluation interministérielle, et un rapport (janvier 2016) ont servi à préparer le cadrage juridique et technique du projet, avec l'aide d'un groupe de travail (présidé par le préfet Jean-Pierre Duport, qui avait déjà produit un rapport sur la simplification des procédures environnementales en avril 2015 pour les ministres de l’Écologie et du Logement).
À la suite de ces expérimentations, les textes juridiques permettant d'étendre le dispositif à l'ensemble du territoire français (ordonnance no 2017-80, décrets no 2017-81 et no 2017-82) ont été publiés le et sont entrés en vigueur le . L'ordonnance no 2017-80 a été ratifiée par l'article 56.III de la loi no 2018-727 du 10 août 2018.
Objectifs
La création de l’autorisation environnementale poursuit trois objectifs principaux[1],[2] :
Apporter une simplification des procédures et des délais réduits pour les pétitionnaires, sans diminuer le niveau de protection environnementale.
Apporter une meilleure vision globale de tous les enjeux environnementaux d’un projet pour les services instructeurs, comme pour le public.
Renforcer le projet en phase amont, par une anticipation, une lisibilité et une stabilité juridique accrues pour le porteur de projet.
L'autorisation environnementale, qui se présente sous la forme d'un arrêté préfectoral, inclut l’ensemble des prescriptions de différentes législations applicables et relevant de différents codes[1],[2] :
Le service de l’État désigné par l’autorité administrative compétente, dans les autres cas.
Cadrage amont et certificat de projet
Dans le cadre d'un « cadrage amont », les porteurs de projet peuvent désormais solliciter de l’administration soit des échanges (entretien, réunion, etc.), soit un « certificat de projet » qui identifie les régimes et procédures dont relève le projet, précise le contenu attendu du dossier et surtout peut fixer, en accord avec le porteur de projet, un calendrier d’instruction dérogatoire aux délais légaux, s'il y a accord entre le pétitionnaire et l’administration. L’objectif est d’améliorer la qualité des dossiers pour fluidifier leur instruction et limiter les demandes de compléments[1],[2].
Contentieux
Le nouveau régime contentieux vise à concilier le respect du droit au recours des tiers et la sécurité juridique du projet[1],[2],[15] :
La décision peut être déférée à la juridiction administrative par les pétitionnaires dans un délai de 2 mois et par les tiers dans un délai de 4 mois à compter de la publication de l’autorisation (contre un délai de 12 mois après publication et 6 mois après mise en service dans le droit commun).
Les pouvoirs du juge sont aménagés : il peut surseoir à statuer, annuler ou réformer totalement ou partiellement la décision, en fonction du droit applicable au moment du jugement (sauf pour les règles d’urbanisme pour lesquelles il prend en considération le droit applicable au moment de la décision).
À la suite d'une réclamation gracieuse formulée par un tiers à compter de la mise en service, l’autorisation environnementale peut faire l’objet d’une modification par arrêté complémentaire du préfet pour ajuster les prescriptions.
L’autorisation environnementale est articulée avec les procédures d’urbanisme[1],[2] :
Le porteur de projet choisit librement le moment où il sollicite un permis de construire et ce dernier peut être délivré avant l’autorisation environnementale, mais il ne peut être exécuté qu’après la délivrance de cette dernière. Pour les éoliennes, l’autorisation environnementale dispense de permis de construire. Quant au permis de démolir, il peut recevoir exécution avant la délivrance de l’autorisation environnementale si la démolition ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par cette autorisation.
Dans le cas où la modification d’un document d’urbanisme est nécessaire à la réalisation du projet, celle-ci peut intervenir en même temps que l’instruction de l’autorisation environnementale.
L’enquête publique est dite unique lorsqu’elle est requise par les deux décisions.
Délais de procédures
L’objectif est de 9 mois d’instruction dans le cas général contre 12 à 15 mois auparavant, tout en respectant les règles de fond et en protégeant les intérêts fondamentaux visés par les législations applicables[1],[2].
Période de transition
Dans les 4 mois suivant l’entrée en vigueur de la réforme, c’est-à-dire jusqu’au 30 juin 2017 (ou plus longtemps dans certaines situations), les porteurs de projet conservent le choix d’appliquer la nouvelle procédure ou d’appliquer les procédures antérieures, sauf quand une demande relevant de l’une des législations intégrées a été déposée, voire approuvée antérieurement[1],[2].
La liste des catégories de projets entrant dans le champ de l’évaluation environnementale figure au tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l'environnement[18],[17]. Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements peuvent être soumis de façon systématique à évaluation environnementale ou après examen au cas par cas[19]. Dans cette dernière situation, seuls les projets identifiés par l’autorité environnementale comme étant susceptibles d’avoir des incidences négatives notables sur l’environnement doivent être soumis à évaluation environnementale[20],[21].
L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases[3],[2], dont l'objectif est de ne pas dépasser neuf mois d'instruction (quand aucun élément complémentaire n'est exigé du demandeur)[22].
Phase d'examen
Le dépôt du dossier sous format électronique et papier lance la phase d'examen qui comprend :
L'instruction interservices
Les consultations obligatoires des instances et commissions concernées
Cette phase dure 4 mois au niveau local ou 5 mois au niveau national si un avis de l'autorité environnementale ou d'un ministre est nécessaire, sans compter les délais liés aux éventuelles demandes de compléments. Elle dure huit mois en cas de régularisation.
A l'issue de cette phase, soit le dossier est déclaré complet et régulier et il passe en phase d'enquête publique, soit la demande peut directement être rejetée par le Préfet, dans certains cas particuliers prévus par le code de l'environnement, notamment lorsque l'autorisation environnementale ou, le cas échéant, l'autorisation d'urbanisme nécessaire à la réalisation du projet, apparaît manifestement insusceptible d'être délivrée eu égard à l'affectation des sols définie par le plan local d'urbanisme ou le document en tenant lieu ou la carte communale en vigueur au moment de l'instruction, à moins qu'une procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité du document d'urbanisme ayant pour effet de permettre cette délivrance soit engagée.
Cette phase, qui s'étend sur environ 3 mois, aboutit à la rédaction d'un rapport par le commissaire enquêteur, avec des conclusions motivées, et s'achève avec la mise à disposition du public de ce document.
La signature de l'arrêté préfectoral et la réalisation des mesures de publicité.
Cette phase dure 2 mois, voire 3 mois en cas de consultation du CODERST ou de la CDNPS. À noter que le silence de l'administration vaut rejet de la demande.
Autorisation par tranches
Certains projets nécessitant une étude d'impact unique, comme les grandes infrastructures linéaires, peuvent bénéficier de plusieurs autorisations environnementales de manière simultanée ou échelonnée dans le temps, si le pétitionnaire en formule la demande, en justifiant le périmètre de chacune des autorisations au regard de critères fonctionnels et environnementaux[3].
La procédure d'autorisation unique par tranches comporte deux spécificités. La première tient à ce que l'étude d'impact est jointe à chacune des demandes d'autorisations environnementales. Elle est actualisée d'une procédure à l'autre, le cas échéant. La deuxième spécificité tient à ce que l'administration peut modifier les autorisations déjà délivrées « afin de prendre en compte les incidences environnementales cumulées à l'échelle du projet »[23].
Critiques
La mise en place de l'autorisation environnementale unique est réclamée de longue date par les acteurs économiques, qui se plaignent de la lenteur d’examen de leurs projets, mais elle est vivement contestée par des associations environnementales qui dénoncent un affaiblissement des lois qui protègent l’environnement. Deux associations anti-éolien avaient déposé un recours devant le Conseil d’État contre le texte donnant le feu vert aux expérimentations, qui a été rejetée en décembre 2015[24].
Par ailleurs, le bilan des expérimentations d'autorisations uniques, effectué en décembre 2015 par les services d'inspection de cinq ministères, ont pointé un faible taux d'intégration des procédures sur le terrain ainsi qu'une mauvaise adaptation des services déconcentrés à une organisation en mode projet[25],[26].
Le , Marc Mortureux, en tant que directeur général de la prévention des risques, indique que « structurellement, c'est une bonne approche » mais que « c'est un défi managérial et organisationnel ». De ce fait, il insiste sur la qualité de la relation humaine, l'évolution culturelle et le besoin d'accompagnement que sa réussite implique, ce qui explique que les services du ministère de l'Environnement ont d'ores et déjà engagé plusieurs actions de sensibilisation et de formation des fonctionnaires chargés de la mettre en œuvre[26].
Boivin Jean-Pierre, Pennaforte Manuel et Vérot Yvan, La réglementation des installations classées, éditions du Moniteur, Paris, 2002 (ISBN2-281-12366-9).
Bonnaud (L.) (2002), Experts et contrôleurs d'État : les inspecteurs des installations classées de 1810 à nos jours, Sciences sociales, Cachan, École normale supérieure de Cachan
CCI, La création d’une, ICPE Installation Classée pour la Protection de l’environnement. Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris.