Bill Evans nait dans le New Jersey à Plainfield d’un père alcoolique d'origine galloise nommé Harry L. Evans et d’une mère, Mary Saroka Evans, d'origine rusyne et fervente orthodoxe et pianiste amateur[1]. Tous deux mélomanes, ils lui font étudier le piano à partir de six ans et, en second instrument, le violon — qu'il abandonnera au bout de deux ans — puis la flûte quand il a 13 ans[1]. Sa première inspiration est Harry, son frère de deux ans son aîné, qui a commencé l'étude du piano avant Bill[1]. Ses parents possèdent de nombreuses partitions à la maison, et le jeune Bill Evans déchiffre tout ce qu'il trouve, en particulier la musique classique du XXe siècle : Claude Debussy, Igor Stravinsky et en particulier son ballet Petrouchka, et Darius Milhaud[1].
Démobilisé en 1954, il commence à jouer et à enregistrer avec des orchestres new-yorkais mineurs, le plus connu étant l'orchestre de « variétés » dirigé par Jerry Wald[1], tout en prenant des cours de composition à la Mannes School of Music.
Premiers enregistrements
Il enregistre pour la première fois aux côtés de la chanteuse Lucy Reed en 1955[1].
En 1955, il est remarqué par le compositeur et théoricien du « concept lydien » George Russell qui fait appel à lui pour l'enregistrement de l'album The Jazz Workshop avec son « jazz smalltet » (1956) puis du titre All about Rosie sur l'album collectif Brandeis Jazz Festival (1957). Russell et Evans se retrouveront ultérieurement pour d'autres albums : New York, N.Y. (1959), Jazz in the Space Age (1960), Living Time (1972).
En 1956, le guitariste Mundell Lowe convainc le producteur de Riverside RecordsOrrin Keepnews qu'il faut enregistrer un disque de Bill Evans. Le plus difficile à convaincre sera le timide pianiste lui-même, qui ne se pense pas encore prêt. Finalement, en une journée de , il enregistre New Jazz Conceptions en trio avec Teddy Kotick à la contrebasse et Paul Motian à la batterie[1]. On trouve sur le disque trois compositions d'Evans : Five, No Cover, No Minimum et le futur standardWaltz for Debby[1]. L'album est un succès critique, avec des articles élogieux dans DownBeat et Metronome, avec un article écrit par Nat Hentoff, mais l'album ne se vend qu'à 800 copies dans l'année[1].
Le grand public découvre Evans quand le trompettiste Miles Davis l'engage, entre février et , dans la section rythmique de son sextet avec John Coltrane et Cannonball Adderley[1]. Inspirée par la musique guinéenne, Davis s'intéresse à la musique modale et le pianiste lui semble être le partenaire indiqué[1]. Mais rapidement, Evans, tout comme Adderley et Coltrane, a envie de jouer dans ses propres groupes. De plus, sa position en tant que seul Blanc dans un groupe de Noirs l'expose à la critique, et il décide finalement de quitter le groupe de Miles Davis[1].
En , Evans retourne dans les studios Riverside pour enregistrer un second album en tant que leader. Il s'entoure du batteur de Davis Philly Joe Jones et du bassiste de Dizzy GillespieSam Jones[1]. Sur Everybody Digs Bill Evans, le morceau le plus remarquable est Peace Piece, un morceau en piano solo de plus de six minutes basé sur un ostinato de deux accords[1]. Sur cet album, Evans se détache de l'influence de Bud Powell et d'Horace Silver et son propre style s'y affirme[1].
Bien que Miles Davis ait trouvé un nouveau pour son groupe, Wynton Kelly, le trompettiste fait quand même appel à Evans pour son célèbre album Kind of Blue. Miles Davis a toujours reconnu l'importance de l'apport d'Evans pour ce disque phare du jazz modal[1].
En 1959, il forme un trio régulier avec le contrebassiste Scott LaFaro et le batteur Paul Motian. Les trois partenaires, rompant avec la tradition où contrebassiste et batteur se cantonnaient à un rôle d'accompagnement, se livrent à une véritable « improvisation à trois ». C'est cet « interplay » – cette synergie constante entre les trois musiciens – qui fait la spécificité et la modernité de ce trio.
Profondément affecté par la mort de LaFaro, Bill Evans, même s'il continue sa carrière de sideman (albums comme accompagnateur de Mark Murphy, Herbie Mann, Tadd Dameron, Benny Golson…), n'enregistre rien en trio pendant presque un an. Sous son nom, il enregistre, en duo avec Jim Hall, l'album Undercurrent.
Evans signe avec Verve-MGM. Pour Verve, Bill Evans va continuer à enregistrer avec ses trios réguliers, mais Creed Taylor, alors producteur du label, va le pousser à diversifier sa production : albums avec d'autres vedettes de la marque (Stan Getz, Gary McFarland…), en solo, en re-recording, avec orchestre symphonique…
Entre 1962 et 1969, le personnel du trio « régulier » d'Evans est assez souvent remanié. Entre 1962 et 1965, Chuck Israels est parfois ponctuellement remplacé à la contrebasse par Gary Peacock (Trio '64) et le vétéran Teddy Kotick. À partir de 1966 et pour 11 ans, c'est Eddie Gómez qui occupera le poste de contrebassiste.
Il est à noter que les derniers albums d'Evans pour Verve ne sont plus produits par Creed Taylor mais par Helen Keane (agent artistique d'Evans depuis 1962). À partir de la fin du contrat avec Verve, c'est Helen Keane qui va « coacher » intégralement la carrière du pianiste. C'est elle qui sera la productrice des disques qu'Evans enregistrera pour Columbia, CTI Records, Fantasy et Warner Bros.
En 1976, Marty Morell est remplacé à la batterie par le discret mais subtil Eliot Zigmund. Celui-ci demeurera le dernier rythmicien à parfaitement intégrer l'univers du pianiste. Le trio ainsi composé retrouve un second souffle et enregistre I Will Say Goodbye (1977, édité début 1980) et l'élégiaque You Must Believe in Spring (1977, édité en 1981). Les trois hommes enregistrent aussi Crosscurrents (1977) avec Lee Konitz et Warne Marsh.
La musique de ce trio est le « chant du cygne » du pianiste. Il se produit pour l'avant-dernière fois en au Molde Jazz Festival. Le , à cinquante-et-un ans, souffrant d'une hépatite mal soignée, le corps usé par une trop longue addiction à la drogue (héroïne dans les années 1960-70, cocaïne à la fin de sa vie), Bill Evans meurt des suites d'une hémorragie interne.
Style
S'il n'a jamais fait partie de l'avant-garde, Bill Evans a profondément révolutionné l'approche du trio et du piano jazz. Il a su incorporer dans son discours une certaine couleur harmonique provenant de ses influences classiques (les impressionnistes français : Fauré, Debussy et Ravel, mais aussi Chopin, Scriabine…) Son art du voicing (choix des notes pour les accords) toujours sur la partie médium-supérieure du clavier pour libérer de la place au jeu de basse de son contrebassiste, son sens des subtilités rythmiques (accentuations, polyrythmie, « displacement », etc.) et de la mélodie alliés à une extrême sensibilité font de lui un des pianistes majeurs de l'histoire du jazz[3],[4].
Son répertoire était constitué, en grande partie, de chansons de Broadway et Tin Pan Alley — dont de nombreuses valses — , qu'il reprenait inlassablement, mais il a aussi été un compositeur inspiré. Nombre de ses compositions sont devenues des standards du jazz : Waltz for Debby, Very early, Turn out the stars, Time remembered…
Influence
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La discographie de Bill Evans est particulièrement importante. Outre les enregistrements « officiels » pour des labels comme Riverside, Verve, CTI, Columbia, Fantasy et Warner Bros Records, il existe un nombre important d'albums plus ou moins officiels.
Notes : les titres suivis d'un * sont absents du « Bill Evans fake book ». Certains titres improvisés en studios n'ont pas été retenus (exemples : No cover, no minimum et Time out for Chris ne sont que des blues improvisés, Are you all the things? est une improvisation spontanée sur la grille harmonique de All the Things You Are…)
Selon Peter Pettinger[6], Evans aurait écrit, lors de ses études, des lieders sur des textes de William Blake mais il n'existe ni enregistrement ni partition de ces œuvres.
Partitions de musiques
La grande majorité des partitions des compositions de Bill Evans (60 morceaux sous forme de « lead sheets ») ont été compilées dans l'ouvrage :
Pascal Wetzel. Bill Evans fake book. TRO - The Richmond Organization, 1996 (ISBN0634023896) On trouvera chez le même éditeur et chez Hal Leonard de nombreux recueils de transcriptions (The artristry of Bill Evans, Bill Evans plays standards, The 70's…)
Le volume 45 de la méthode pédagogique Jamey Aebersold (partitions + Cd où une section rythmique joue les accompagnements) est consacré à la musique de Bill Evans.
Hommages
Compositions ou albums en hommage à Bill Evans
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Le poète français Jacques Réda a écrit plusieurs poèmes en hommage au pianiste : Tombeau de Bill Evans (cinq poèmes : Displacement, Conversations With Myself, Peace Piece, Interplay et Explorations, in Jacques Réda, L'improviste II : Jouer le jeu, Gallimard, coll. « Le Chemin », , 216 p. (ISBN9782070704057).
Bruno Krebs a écrit un portrait littéraire du pianiste : Bruno Krebs, Bill Evans live, L'Arpenteur, (ISBN2-07-077500-3).
Owen Martell a écrit un roman racontant « l'année de silence » de Bill Evans : Owen Martell, Intermède, Autrement, (ISBN978-2-74673-368-8).
Voir aussi
Bibliographie
Textes de Bill Evans
Bill Evans est l'auteur de la préface de la biographie de Bud Powell écrite par Francis Paudras : La Danse des infidèles : Bud Powell à Paris, L'Instant, , 528 p. (ISBN978-2869290488).
(en) Chuck Israels, Bill Evans : A musical memoir, Musical Quarterly, .
(en) Peter H. Larsen, Turn out the stars, P. Larsen, .
(en) Gene Lees, Bill Evans : A biography, Thorndike Press, .
(ja) Yasuki Nakayama, Listen To Evans, Goma Books, , 341 p. (ISBN978-4-86212-024-3).
(de) Hans E. Petrick, Bill Evans, Oreos, .
(en) Peter Pettinger, Bill Evans : How my heart sings, Yale university press, , 346 p. (ISBN0-300-09727-1, lire en ligne).
Enrico Pieranunzi (trad. de l'italien par Danièle Robert), Bill Evans : Portrait de l'artiste au piano, Pertuis, Rouge Profond, coll. « Birdland », , 157 p. (ISBN2-915083-05-3).
Jack Reilly, The harmony of Bill Evans, Hal Leonard - Volume 1, 1994 ; Volume 2, 2009
(en) Keith Shadwick, Everything happens to me, Publisher group west, .
(en) Laurie Verchomin, The big love : life and death with Bill Evans, auto-édition, , 144 p. (ISBN978-1-4565-6309-7).
Autres
On trouvera des informations sur le « premier trio » dans :
Helene LaFaro-Fernandez, Chuck Ralston, Jeff Campbell & Phil Palombi. Jade visions : the life and music of Scott Lafaro. University of North Texas Press, 2009 (ISBN9781574412734)
Plusieurs numéros de la revue japonaise Swing Journal sont consacrés au pianiste : no 5 de mai 1979, no 4 de 1999, no 3 de 2002, no 1 et 11 de 2003, no 1 de 2004, no 1 et 6 de 2006, no 1 de 2008, no 6 de 2010.
The universal mind of Bill Evans (DVD Rhaspody films) Sur ce film documentaire de 1966, réalisé pour l'émission du pianiste et critique Steve Allen, le pianiste explique son approche du piano jazz et de la musique en général à son frère Harry.
The 1965 London Concerts (impro jazz) Deux émissions, présentées par Humphrey Lyttelton, enregistrées par la BBC en 1965.
But Beautiful (Nocturne)
European Nights : 1964-1971 (Impro Jazz)
The Evolution of a trio : 1971-1979 (Jazz Music Performances)
Live '64-75 (Jazz Icons)
Live in Iowa : 1979 (Jazz Music Performance) alias Jazz at the Maintenance Shop : 1979 (Rhapsody Films)
Monterey jazz festival : '75 (Nocturne)
Rome concert, 1979 (Impro Jazz)
The Oslo concerts (Shanashie) alias Live in Oslo, 1966 (Impro Jazz)
Waltz for Debby (Nocturne)
De très nombreuses vidéos « inédites » (provenant généralement d'émissions télévisées) sont consultables sur les sites « communautaires » de diffusions de vidéos.
Un documentaire en français de 52 minutes a été diffusé sur la chaine Arte le dans le cadre de la série « Jazz Collection » : Bill Evans par Paul Goldin.
Le pianiste Antoine Hervé a publié un DVD d'un « concert commenté » où il présente et analyse la musique de Bill Evans : La leçon de Jazz : Bill Evans : Turn out the stars (RV product, 2013)