À sa fondation en 1937, Claudie Marcel-Dubois rejoint le Musée national des Arts et Traditions populaires, tandis qu'en parallèle est créé le Musée de l'Homme, où l'ethnomusicologie trouve aussi une place autour d'André Schaeffner et Gilbert Rouget[5]. Elle y développe progressivement un véritable programme qui apparaît comme relever d'une démarche véritablement ethnomusicologique, ce qui est pionnier en France. Sa première grande mission se passe en Bretagne aux côtés de François Falc'hun, en 1939, écourtée par la déclaration de guerre[6].
À compter de 1945, elle entreprend une série de missions sur le terrain, dans lesquels elle est assistée de Marie-Marguerite Pichonnet-Andral. Cette dernière lui succède à son départ en retraite en 1981, à la tête du département d'ethnomusicologie et phonothèque[3]. Sa dernière réalisation professionnelle consiste en l'organisation d'une grande exposition consacrée à « L'instrument de musique populaire : usages et symboles », qui se tient au musée des ATP entre 1980 et 1981[2].
À partir de 1961, elle a la charge d'un séminaire hebdomadaire consacré à l'ethnomusicologie à l'École pratique des hautes études, dans le cadre de la direction d'études de Claude Lévi-Strauss[3]. Ce séminaire du mardi mobilise de nombreux étudiants et chercheurs[2].
Durant sa carrière, Claudie Marcel-Dubois occupe plusieurs fonctions importantes au sein des principales instances relatives à sa discipline ; elle est ainsi vice-présidente de l'International Folk Music Council de 1967 à 1987, présidente de la section Anthropologie-Ethnologie-Préhistoire du Comité national du CNRS de 1967 à 1970, et présidente de la Société d'ethnologie française de 1974 à 1987[3]. En 1960, elle s'implique aussi dans la fondation du Comité international de musique et des collections d'instruments de musique[2].
Travaux et apports
Les travaux de Claudie Marcel-Dubois donnent une grande place aux instruments de musique ; elle a notamment publié sur le triangle[7], mais étudie aussi l'épinette des Vosges, la cornemuse ou le rhombe, ainsi que plusieurs danses et rituels comme la gavotte, la bourrée et le charivari, pratiques sur lesquelles elle laisse d'autres publications[3].
Elle s'intéresse aussi aux mécanismes de l'oralité, aux dispositifs de transmission, à l'improvisation[5].
En 1969, dans une contribution au quotidien Le Monde, elle souligne combien dans l'histoire populations rurales et urbaines et différentes classes sociales se sont alternativement et mutuellement influencées sur le plan musical :
« Les textes, l'iconographie, les œuvres, attestent des mouvements [...] entre mendiants et gens de cour, citadins et paysans. Ce va-et-vient ne demeura pas sans influence sur l'évolution de la musique populaire [...] De ces mouvements, de ces incitations, chaque classe de la musique fut en fait bénéficiaire, l'une fécondant l'autre[5]. »
Très impliquée dans la défense de la légitimité de l'ethnomusicologie, dont elle est la première en France à revendiquer l'existence dès 1954, elle pousse aussi en faveur d'une reconnaissance académique en encourageant sa présence au sein du parcours de formation des ethnologues[3].
Peu accessibles jusqu'alors et peu valorisés par des publications, ce que certains expliquent par les très nombreux engagements pris dans de multiples instances par Claudie Marcel-Dubois[2], et ce qui fait l'objet de critiques importantes à partir des années 1970[4], les résultats des enquêtes et matériaux que celle-ci a collectés avec M. Pichonnet-Andral font l'objet d'un important projet de valorisation intitulé Les Réveillées, lancé en 2016. Cette initiative, portée par les chercheurs Marie-Barbara Le Gonidec, François Gasnault et Florence Neveux, résulte d'un premier programme de recherche du Laboratoire d'anthropologie et d'histoire de l'institution de la culture, qui vise à recontextualiser les collectes autant qu'à rendre accessible au plus grand nombre les documents[8],[9].
↑ abcde et fMonique Brandily, « Nécrologie. Claudie Marcel-Dubois (1913-1989) », Revue de Musicologie, vol. 75, no 2, , p. 317-319 (lire en ligne, consulté le ).
↑ abcdef et gJacques Cheyronnaud, « Une vie consacrée à l’ethnomusicologie », Cahiers d’ethnomusicologie, vol. 3, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et bFrançois Gasnault et Marie-Barbara Le Gonidec, « Enquêter en tandem sur les pratiques musicales de la France rurale pour le Musée des arts et traditions populaires :
variation ou conjuration du collectif ? », ethnographiques.org, no 32, (lire en ligne, consulté le ).
↑Jean-Christophe Maillard, « "Claudie Marcel-Dubois et François Falc’Hun, assistés de Jeannine Auboyer: Les archives de la Mission de folklore musical en Basse-Bretagne de 1939 du Musée national des arts et traditions populaires" », Cahiers d’ethnomusicologie, no 23, (lire en ligne, consulté le ).
↑Claudie Marcel-Dubois, « Le triangle et ses représentations comme signe social et culturel. Réédition présentée par Florence Gétreau », Transposition. Musique et Sciences Sociales, no Hors-série 1, (ISSN2110-6134, DOI10.4000/transposition.1759, lire en ligne, consulté le )
↑François Gasnault, « Du "corpus des musiques ethniques de la France" au projet Les Réveillées », Bulletin de l'AFAS, no 46, (lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
C. Marcel-Dubois, « Les instruments de musique populaires en France », Archives internationales de la danse, vol. 3, no 6, , p. 19-23.
C. Marcel-Dubois, Les instruments de musique de l'Inde ancienne, Paris, Presses Universitaires de France, , 261 p.
C. Marcel-Dubois, « Recherche et maintien de la tradition musicale populaire en France », Journal of the International Folk Music Council, vol. 1, , p. 51-52.
(en) C. Marcel-Dubois et M. Pichonnet-Andral, « Folk songs of France. Folk Songs of Europe », International folk song anthologies, , p. 120-142.
C. Marcel-Dubois, « Principes essentiels de l'enquête ethnomusicologique », Journal of the International Folk Music Council, , p. 13-18.
C. Marcel-Dubois, « Fêtes villageoises et vacarmes cérémoniels ou une musique et son contraire », dans Élie Konigson, Jean Jacquot, Les fêtes de la renaissance, Paris, CNRS, , p. 603-615.
C. Marcel-Dubois, Les grandes collectes du XIXe siècle sur la musique et les chansons traditionnelles : Hier pour demain: arts, traditions et patrimoine, exposition Paris, Grand Palais, juin-sept. 1980, Éditions de la Réunion des Musées Nationaux, , 143-145 p..
C. Marcel-Dubois, « Histoire de l'ethnomusicologie », dans Jacques Chailley, Précis de musicologie, Paris, Presses universitaires de France, , p. 53-61.