Une étude sur la période de veille précédant le sommeil chez les insomniaques, menée par des chercheurs de l'université d'Oxford, au Royaume-Uni, a démontré que cette technique produisait l'effet inverse du but recherché. Les sujets comptant des moutons mettaient plus de temps à trouver le sommeil que des sujets n'ayant reçu aucune instruction[1],[2].
Les origines de cette pratique sont incertaines. Certains pensent qu'elle aurait un lien avec un système de comptage ancien utilisé par les bergers en Grande-Bretagne[2]. En effet, dans certaines régions d’Angleterre, en particulier dans l’Yorkshire Dales, l’on comptait les moutons en utilisant des anciens mots d’origine celtique, commençant par “yan, tan, tethera, methera”[3], qui correspondent aux premiers chiffres de notre langage, possiblement facile à retenir en vertu de la rime entre tous les deux mots. Employant des sons similaires, des comptines débutant entre autres par "eeny, meeny, minry, moe" étaient chantées aux enfants depuis au moins les années 1880 en Angleterre, Irlande, Écosse et les États-Unis[4]. Des systèmes chiffrés de la même origine, qui auraient été transmis par les colons anglais, ont été repris par des Indiens nord-américains, les Wawenoc du Maine[5]. À relever que la première mention que l’on connait dans la littérature anglophone de la notion d’imaginer, pour s’endormir, des moutons sautant une barrière provient d’un humoriste ayant vécu dans le Maine, Seba Smith[6]. Malgré l’inefficacité évidente de cette méthode, ou possiblement en raison de cette inefficacité, progressivement, “counting sheep” est devenu un équivalent anglo-saxon d’insomnie, dans la littérature[7], chansons[8], dessin de presse[9]et la publicité et noms de produits[10].
En milieu francophone, « compter ses moutons » signifiait exécuter une tâche fastidieuse et peu appréciée[11]. Sûrement sous l’influence médiatique d’expression anglaise, “compter les moutons” a pris le sens que l’on donne actuellement à cette phrase[12].
Notes et références
↑(en) AG Harvey et S. Payne, « The management of unwanted pre-sleep thoughts in insomnia: distraction with imagery versus general distraction », Department of Experimental Psychology, University of Oxford, (lire en ligne)
↑Yan Tan Tethera. Cette tradition serait, dans le Yorkshire Dales et en Cumbrie, conservée jusqu’à nos jours. Yorkshire Walks - Counting Sheep, 2012, www.yorkshirewalks.org/diary06/count.html
↑Anatoly LIBERMAN, « What Can We Expect from a New Dictionary of English Etymology? », Euralex 1998, pp. 459-65, www.euralex.org/.../Euralex1998.../...
↑« A Dutch weding », Way down east; or portraitures of Yankee life, Derby & Jackson, 1857 : "… the evening before the wedding day… he shut his eyes with all his might, and tried to think of sheep jumping over a wall. But do all he could, sleep wouldn’t come.", p. 273
↑Oxford English Dictionary, Oxford University Press, 2003, XV, p. 216
↑en particulier à contenu politique : Hitler dans son lit, rêvant de moutons défilant au “pas de l'oie », par Alfred Joseph Frueh, 1942, www.loc.gov/pictures/item/acd1998007453/PP/ ; Charlie Daniel Jr, « Even counting sheep seems to keep me awake », insomnie de Nikita (Khrouchtchev), par Charlie Daniel Jr, 1959, kiva.lib.utk.edu/omeka153/items/show/1097
↑« Une fois mariée, sa vie serait une succession de semblables départs, et son rôle d’attendre, comme les autres femmes… User son énergie à faire reluire ses meubles. Compter ses moutons… », critique du roman d’Ouessant “Dans l’Ile, « Les Dimanches de la femme : supplément de la "Mode du jour",, 1932/07/05 (Gallica N539). “Oui. Oui, Carthage ressuscitée connaît maintenant une gloire nouvelle… Ninelle Dulac n'a rien à voir avec l'antiquité romaine. Qu'elle reste à compter ses moutons ! Chacun son métier !», Pierre de Trévières, Mirage d’Orient – roman exotique complet et inédit, paru également dans « Les Dimanches de la femme : supplément de la « Mode du jour » 1937/12/26 (Gallica A16, N99)
↑“Ferme les yeux. Compte des moutons. Un mouton, deux moutons, trois moutons. Tu les vois s'enfoncer dans la barrière blanche? », Jacques Audiberti, « Le mal court », pièce de théâtre, 1947. CNRTL, article « mouton »