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Beneš devient maître de conférences en sociologie à l'université Charles de Prague en 1909. Il adhère au parti progressiste tchèque de Masaryk. Il épouse, le 10 décembre 1909, Hana Vlčková. Grâce à une des tantes de son épouse, il obtient de larges moyens financiers, qui sont mis à contribution pendant la Première Guerre mondiale.
Vouant une véritable haine à l'égard de la monarchie austro-hongroise, il était un ardent défenseur de l'idée de la Tchécoslovaquie, la réunion de la Bohême, de la Moravie et de la Slovaquie, entité sans fondement historique. En effet, même si ces deux peuples parlaient des langues très proches, leurs traditions culturelles et racines historiques étaient très opposées. La Bohême, où la tradition hussite était forte, avait fait partie du Saint-Empire, mais jamais la Slovaquie, très imprégnée de catholicisme. D’autre part, les minorités allemande, hongroise et ukrainienne, encore plus allogènes, étaient hostiles au nouvel État dans lequel les Tchèques étaient minoritaires. Cet État fut néanmoins créé par le traité de Saint-Germain-en-Laye en 1919 et agrandi par le traité de Trianon en 1920 sur les décombres de la double monarchieaustro-hongroise, sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en application du 14e point de la déclaration du président Wilson.
En 1941, Beneš signe avec Staline un traité d’alliance et organise avec l’aide des Anglais l’attentat contre Reinhard Heydrich, Reichsprotektor et bourreau du pays tchèque (mai 1942). Cet attentat est suivi d’une cruelle répression. L’Armée rouge occupe l’est du pays et Prague en avril et mai 1945 (offensive Prague), tandis que l’armée américaine libère l’ouest et Pilsen. La restauration de l'État tchécoslovaque est proclamée, donnant naissance à la « troisième République tchécoslovaque ». Beneš est confirmé dans sa fonction de président de la République à ce moment par le gouvernement intérimaire présidé par le socialiste de gauche Fierlinger et réélu le 19 juin 1946.
Après l’occupation allemande et en l’absence d’un parlement élu, mais en application des décisions prises par les Alliés à la conférence de Potsdam, il signe les « décrets Beneš » dont les plus connus concernent l’expropriation et l’expatriation forcée des Allemands des Sudètes et d'une partie des Hongrois de Slovaquie. L’existence de ces décrets par le biais de l’exploitation qui en est faite par les partis conservateurs de Bavière et d’Autriche continue de polluer l’atmosphère des relations germano-tchèques. En l’état actuel des choses, ces décrets ont été maintenus par les gouvernements qui se sont succédé à Prague depuis 1945 et intégrés dans le corpus juridique de l’Union européenne en 1996.
La victime du coup de Prague
Aux élections de 1946, le Parti communiste tchécoslovaque obtient 38 % des suffrages, domine alors la vie politique. Son secrétaire général Klement Gottwald devient président du Conseil. Beneš se fait beaucoup d’illusions sur ses rapports personnels avec Staline, grâce auxquels il croit pouvoir maintenir une démocratie pluraliste en Tchécoslovaquie. Il sera broyé par la guerre froide.
Gravement affaibli par une série d'attaques cérébrales[7], il laisse les communistes liquider le Parti démocrate slovaque après une violente campagne de presse : ce parti représentait en effet un véritable obstacle à la mainmise des communistes sur la Tchécoslovaquie. Après ce succès, le Parti communiste sait alors que la voie est libre pour son coup de force qui survient en février 1948.
Sous la pression de Staline, reprise par le Parti communiste, Beneš doit refuser l’aide du plan Marshall, qui aurait vraisemblablement conduit le PCT à la défaite aux élections de 1948. Aussi, le 17 février 1948, Gottwald précipite la crise par une mainmise totale des communistes sur la police, ce qui provoque la démission des ministres libéraux, avec l’encouragement de Beneš : Gottwald est aidé par le ministre de la Défense, le général Ludvík Svoboda, membre clandestin du PCT : il procède alors à des arrestations massives dans l’armée, la presse et les partis d’opposition, qui sont alors abandonnés par Beneš. C’est le coup de Prague.
Le 25 février 1948, il accepte, sous la pression de Klement Gottwald, la démission des ministres libéraux du gouvernement de coalition démocratique et confie au Parti communiste le soin de nommer de nouveaux ministres, socio-démocrates et communistes, dans un nouveau gouvernement sous son contrôle quasi-exclusif. Le Parlement, épuré, vote la confiance au nouveau gouvernement à l’unanimité. Après des élections biaisées où seuls le PCT et ses affidés peuvent se présenter, il refuse de ratifier la nouvelle Constitution qui consacre la mainmise totale du PCT sur le pays. Il démissionne alors de son poste de président de la République le 7 juin 1948 et meurt le 3 septembre suivant.
Héritage
Benès a fait preuve de beaucoup d'aveuglement devant la montée du nazisme, jusqu'en 1938, et celle du communisme, jusqu'en 1948. Il refusa systématiquement toute alliance ou même simple coopération entre les pays danubiens par peur de voir se reconstituer l'Autriche-Hongrie. Sa haine des Habsbourg était telle qu’elle lui fit prononcer ce mot : « Plutôt Hitler que les Habsbourg ! »[8]. Ceci en dit long sur le rejet que cette dynastie avait engendré chez Beneš, mais aussi chez les Tchèques qui l’ont constamment réélu.
Il commit la même erreur à partir de 1945 : fort de l'illusion de l'amitié personnelle de Staline, il pensait que les élections anticipées qui auraient dû se tenir après la démission des ministres libéraux au moment du coup de Prague auraient marqué un recul des communistes : « Pas trop ! Sinon Staline se fâcherait ! » croyait-il naïvement. Ce recul aurait permis un recentrage de la politique vers l'Ouest. Or, ni Gottwald ni Staline n’avaient l'intention de lâcher quoi que ce soit. Sa seconde faute fut d'encourager les libéraux dans leur projet de démission avant de les abandonner devant les menaces proférées par Gottwald et l'ambassadeur soviétique Valerian Zorine.
Sa nièce, Émilie-Anna Benès, épouse Zbignew Brzezinski, le conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter.
Ouvrages
Le problème autrichien et la question tchèque – 1908
Le socialisme autrichien et la guerre – Paris 1915
Détruisez l'Autriche-Hongrie – Paris 1916
Vers la paix future – Genève 1916
La Boemia contro l'Austria-Ungeria – Locarno 1917
Bohemia's Case for Independence – Washington 1917
La France et la nouvelle Europe – 1931
Democracy Today and Tomorrow – New York 1939, Londres 1939, 1940 Demokracie dnes a zítra – Londres 1942, Praha 1946, 1948, 1999
Mnichovské dny – Londres, 1948, 1955, 1958, Praha 1968
↑(en) Zbyněk Zeman, Antonín Klimek, « The Beneš Family », dans Zbyněk Zeman, Antonín Klimek, The Life of Edvard Beneš 1884–1948: Czechoslovakia in Peace and War, Clarendon Press, (lire en ligne).