Eugène Rose de Beauharnais, né le à Paris et mort le à Munich, est un membre de la famille impériale française, fils adoptif de l'empereur Napoléon Ier, avec qualification d'Altesse impériale, vice-roi d'Italie, prince de Venise, grand-duc de Francfort, duc de Leuchtenberg et prince d'Eichstätt. Il est également l'un des plus fidèles et des plus talentueux subordonnés de Napoléon qui le fait général en chef. Il commande le IVe corps d'armée lors de la campagne de Russie. Au cours de l'hiver 1812-1813, après le départ de Napoléon pour Paris et la fuite de Murat, c'est le prince Eugène qui ramène avec beaucoup d'habileté et d'audace stratégique les restes de la Grande Armée jusqu'à faire sa jonction avec les nouvelles troupes en Saxe, malgré les tentatives d'anéantissement menées par les Russes et leurs nouveaux alliés prussiens.
Il est également l’oncle du dernier empereur des Français, Napoléon III.
Les premières années
Origines
Eugène de Beauharnais naît le à Paris. Il est le fils d'Alexandre de Beauharnais, un jeune gentilhomme, sous-lieutenant au régiment du duc de la Rochefoucauld, le Sarre-Infanterie, et de Marie-Josèphe Tascher de la Pagerie, plus connue sous le prénom que lui donne son second époux : Joséphine.
Une famille noble ralliée à la Révolution française
Il grandit dans une période historiquement très troublée. Pendant les années 1789 et 1790, alors que sa mère et sa jeune sœur Hortense de Beauharnais sont en Martinique, il assiste aux séances de l'Assemblée constituante auxquelles participe son père qui en est élu président en . Le , lors de la tentative de fuite de la famille royale, ce dernier, comme président de l'Assemblée nationale constituante, fait tout ce qu'il faut pour rattraper le roi en fuite.
L'avènement de la Convention modifie considérablement la situation de la famille. Alexandre doit rejoindre les rangs de l'armée du Nord puis de l'Est où il est général en chef avant de perdre la ville de Mayence.
Quittant alors l'armée sans autorisation, il regagne son fief de La Ferté-Beauharnais près de Romorantin avant d'être mis en accusation et arrêté en 1794. Il est enfermé à la prison des Carmes à Paris où sa femme le rejoint quelques semaines plus tard. Alexandre de Beauharnais est guillotiné le , juste avant la chute de Robespierre le 9 thermidor (27 juillet 1794). Joséphine étant en prison, ses deux enfants Eugène et Hortense ont été confiés à des mains étrangères, Mlle Lannois, une gouvernante prend soin de la jeune Hortense ; Eugène est mis en service et en apprentissage chez un menuisier. Joséphine est relâchée après Thermidor. À l'automne 1795, Eugène et Hortense sont mis en pension à Saint-Germain-en-Laye, lui au collège irlandais McDermott, elle chez MmeCampan.
Carrière militaire
Rencontre avec Napoléon
Sous le Directoire, la « veuve Beauharnais », qui tient salon à Paris, rencontre le général Napoléon Bonaparte. Ils se marient le à Paris. Le jeune général doit partir quelques jours plus tard pour le front d'Italie et fait venir quelques mois plus tard Eugène comme aide de camp. Eugène entre dans la carrière militaire en qualité d'aide de camp de son beau-père ; mais avant de partir pour la campagne d'Italie, il complète son éducation imparfaite.
Eugène suit Bonaparte dans l'expédition d'Égypte. Il participe à l'attaque de Suez où il entre le premier, à la tête de l'avant-garde, le , et mérite le grade de lieutenant, puis à la bataille d'Aboukir.
Promotion rapide sous le Consulat et l'Empire
De retour en France, le coup d'État du 18 Brumaire fait de lui le beau-fils du Premier Consul et lance le jeune officier de 18 ans dans le monde. Il est fait chef d'escadron sur le champ de bataille de Marengo au cours de la campagne d'Italie de 1799-1800. En 1802, il est nommé colonel.
La proclamation de l'Empire, le [réf. nécessaire], profite à Eugène de Beauharnais qui est nommé grand-officier de la Légion d'honneur, général de brigade et colonel-général des chasseurs de la Garde le . Napoléon lui fait confiance et n'hésite pas à s'appuyer sur un prince dont la devise est « Honneur et Fidélité ». Le 1, jour anniversaire de Marengo, Napoléon, empereur, donne à son beau-fils le titre de prince français. Le [réf. nécessaire], il est promu général de brigade. En 1805, il obtient les dignités d'archichancelier d'État et de Grand aigle de la Légion d'honneur ; il n'a encore que 24 ans.
D’abord président, Napoléon transforme la République italienne en royaume d’Italie, se nommant roi le . Le couronnement a lieu le dans le « Duomo » de Milan. Le , Napoléon, qui se fie aveuglément à son beau-fils dont il est sûr de ne pas avoir à craindre les ambitions politiques, désigné Eugène comme vice-roi. Il est ainsi chargé de l'administration du royaume où il passe presque la moitié de son temps. Il établit sa nouvelle résidence principale dans la villa royale de Monza, qu'il voulait doter du plus grand parc clos d'Europe.
L'organe central du royaume était le Conseil d'État, créé par décret royal du 9 mai 1805, tandis qu'avec le troisième statut constitutionnel, promulgué le 5 juin suivant, son organisation et ses compétences ont été définies. Le Conseil, présidé par le vice-roi, rassemblait l'ensemble de tous les hauts fonctionnaires, tout en restant uniquement une institution consultative, le pouvoir exécutif étant totalement entre les mains du souverain.
Mariage et adoption par Napoléon
Après la campagne d'Italie de 1805, Napoléon, désirant mettre en place une alliance matrimoniale avec une dynastie royale allemande, l'adopte officiellement comme son fils en 1806[1], puis le fait marier à Munich, le [2], à la princesse Augusta-Amélie, fille du roi Maximilien Ier de Bavière, allié de la France. Napoléon l'investit du titre de prince de Venise, le déclare son fils adoptif et l'héritier présomptif de la couronne d'Italie.
La vie privée d'Eugène de Beauharnais n'est pas moins dépendante de l'Empereur que sa vie professionnelle. L'union entre Eugène de Beauharnais et Augusta-Amélie de Bavière, bien qu'arrangée pour des raisons politiques, est particulièrement heureuse. Ils donnent naissance à sept enfants :
À l'initiative du ministre de la Guerre, le 17 juillet 1805, après la proclamation du Royaume, les gardes d'honneur de la ville ont été dissous afin d'établir une Garde royale italienne dans les territoires du nouveau royaume. La Garde royale, sous les ordres du vice-roi, était composée de 6 régiments d'infanterie de ligne, 3 régiments d'infanterie légère, un régiment d'infanterie dalmate, 2 régiments de dragons et 2 régiments de chasseurs à cheval.
Un contingent de troupes italiennes de la Garde royale, sous le commandement du général Giuseppe Lechi, a participé aux guerres napoléoniennes. En décembre 1805, certains départements participent à la bataille d’Austerlitz.
Pendant qu'il poursuit sa marche victorieuse vers les frontières de la Hongrie, il apprend que le général autrichien Franjo Jelačić cherche à se réunir à l'archiduc Jean. Eugène l'attaque et l'oblige à poser les armes avec la totalité des troupes qu'il commande. Le succès de cette journée décisive lui permet d'opérer sa jonction avec la Grande Armée sur les hauteurs de Semmering. Les 5-, il participe ensuite à la bataille de Wagram.
C'est à l'occasion de cette marche d'Eugène que l'Empereur adresse ces paroles aux soldats du vice-roi : « Soldats de l'armée d'Italie, vous avez glorieusement atteint le but que je vous avais marqué, soyez les bienvenus ! Je suis content de vous ».
Comme vice-roi d'Italie, il est ensuite chargé de réprimer la rébellion du Tyrol où les montagnards, commandés par l'aubergiste Andreas Hofer, refusent leur cession au royaume de Bavière, allié de Napoléon.
Divorce de l'empereur et réticences d'Eugène
À l'époque de la répudiation de Joséphine, en , il vient à Paris, mandé par l'Empereur, et prie Napoléon de lui accorder une explication en présence de l'Impératrice. Dans cette circonstance, où Napoléon ne pouvait motiver sa résolution qu'en faisant valoir l'intérêt de la France, Joséphine sait se taire et se résigner ; mais tremblant de voir l'avenir de son fils compromis, et portant ses yeux remplis de larmes sur Eugène, elle dit à l'Empereur : « Une fois séparés, mes enfants ne seront plus rien pour vous. Faites Eugène roi d'Italie, et votre politique, j'ose le croire, sera approuvée par toutes les puissances de l'Europe. » — Le prince dit alors vivement : « Ma bonne mère, qu'il ne soit nullement question de moi dans cette triste occurrence. Votre fils ne voudrait pas d'une couronne qui semblerait être le prix de votre séparation. » Napoléon, que la noblesse de ce discours émeut profondément, tend la main au vice-roi, la serre avec force et répond avec gravité : « Je reconnais Eugène dans ces paroles ; il a raison de s'en rapporter à ma tendresse. » Après le divorce de sa mère, qui le navre, Eugène veut renoncer aux affaires mais, vaincu par les instances de Joséphine et de Napoléon lui-même, il sacrifie ses ressentiments personnels. Dès lors, il refuse toute faveur nouvelle qui n'aurait été pour lui que le prix du divorce de sa mère.
Campagne de Russie et retraite de Pologne (1812-1813)
En 1812, il obtient le commandement des troupes italiennes, françaises et bavaroises du 4e corps d'armée dans la campagne de Russie. Il se signale à la bataille d'Ostrovno (25-). Après l'évacuation de Moscou, il cherche à ouvrir une voie de retraite par Kalouga : lors de la bataille de Maloïaroslavets (), il livre un combat acharné aux Russes de Dokhtourov mais n'a pas assez de réserves pour percer ; Napoléon finit par renoncer à suivre la route du sud et repart vers l'ouest par la grande route de Smolensk, dans un pays déjà ravagé à l'aller[5].
Eugène commande le 4e corps, entièrement détruit au cours de la retraite. Les conditions épouvantables de la retraite de Russie assombrissent son caractère et le vieillissent prématurément. La défection de Murat le laisse à la tête des débris de la Grande Armée, réduite à quelques milliers d'hommes dénués de tout. Il est menacé d'encerclement par des armées russes supérieures en nombre ; heureusement pour lui, les troupes russes sont presque aussi épuisées que les siennes et commandées par deux chefs prudents, le maréchal Koutouzov et l'amiral Tchitchagov, qui hésitent à s'aventurer hors de Russie, tandis que le roi de PrusseFrédéric-Guillaume III craint encore de se déclarer contre Napoléon. Eugène, en évitant les batailles rangées, conduit une retraite habile vers Poznań, puis vers l'Oder et l'Elbe en abandonnant aux Russes le duché de Varsovie et en laissant quelques garnisons françaises encerclées à Dantzig et autres places. Son armée, grossie de recrues polonaises et autres unités recueillies en route, arrive à Leipzig le : elle compte alors 50 000 hommes avec lesquels Eugène peut tenir la ligne de l'Elbe, menacée par 150 000 Russes et Prussiens, jusqu'au retour de Napoléon avec la nouvelle armée levée en France[6]. Napoléon aura plus tard ce propos élogieux : « Nous avons tous commis des fautes, Eugène est le seul qui n'en ait pas fait. »
Chute de l'Empire français et du royaume d'Italie
En 1813, le vice-roi doit retourner en Italie pour empêcher les révoltes anti-françaises et maintenir l'ordre et la sécurité. Après la défaite de Napoléon dans la campagne d'Allemagne, les Autrichiens menacent la plaine du Pô, cependant que Murat oscille entre les deux camps avec l'espoir de régner sur toute l'Italie. Eugène doit affronter seul les armées autrichiennes. Il abandonne rapidement les provinces illyriennes après des revers de ses subordonnés mais il oppose une défense tenace à l'Autriche en Italie et retarde l'échéance inéluctable grâce à sa victoire lors de la bataille du Mincio, le . Il sait résister aux pressions de son beau-père Maximilien, qui lui laisse espérer le royaume d'Italie s'il trahit Napoléon. Pourtant, le fait qu'il ne donne pas suite à l'ordre de l'Empereur, au mois de , de laisser l'Italie, lui vaut l'accusation de trahison par quelques généraux.
Au congrès de Vienne, il attend une principauté et une rente annuelle. On lui propose Pontecorvo, dont Bernadotte était précédemment prince héréditaire. Eugène se trouve toujours dans la capitale autrichienne, lorsque l'Empereur débarque de l'île d'Elbe à Golfe Juan le .
Au retour de Napoléon, en 1815, il ne prend aucune part à la guerre. Il est obligé, pour ne pas être arrêté, de s'engager sur parole à ne pas quitter Vienne. Il assiste en spectateur aux Cent-Jours, à la défaite de Waterloo, et à la seconde abdication. Le 6 avril[7], il quitte Vienne avec son beau-père pour attendre à Munich la nouvelle de l'abdication de Napoléon. Il ne joue plus aucun rôle ni politique ni militaire et se contente, après avoir reçu de son beau-père le duché de Leuchtenberg, de gérer sa fortune et de placer sa nombreuse progéniture.
Mort et descendance
Eugène de Beauharnais meurt le à Munich, d'une attaque d'apoplexie, à l'âge de quarante-deux ans. Ses funérailles sont grandioses, le deuil étant conduit par son beau-père, le roi de Bavière.
Le couple ayant particulièrement bien marié ses enfants, Eugène de Beauharnais est un ancêtre de la plupart des dynasties régnantes d'Europe : Norvège, Suède, Danemark, Belgique (via Astrid de Suède), Luxembourg, anciens rois de Portugal et de Grèce…
Les lettres patentes, du , accordant le duché de Navarre à l'Impératrice Joséphine indiquaient expressément que celui-ci devait être reversé, à la mort de l'impératrice répudiée, à Eugène. Néanmoins, en 1814, ce furent les fils du prince Eugène qui succédèrent à leur grand-mère : Auguste (1814-1835), puis son frère Maximilien (1817-1852).
Qualifications
1804 – 1805 : Son Altesse Impériale Eugène, prince français
1805 – 1807 : Son Altesse Impériale Eugène, prince français et vice-roi d'Italie
1807 – 1810 : Son Altesse Impériale Eugène, prince français, vice-roi d'Italie et prince de Venise
1810 – 1814 : Son Altesse Impériale Eugène, prince français, vice-roi d'Italie, prince de Venise et grand-duc de Francfort
1817 – 1824 : Son Altesse Royale Eugène, duc de Leuchtenberg et prince d'Eichstätt
Sous le Second Empire, l’empereur Napoléon III donna en 1857 le nom de son oncle au boulevard du Prince-Eugène nouvellement percé à Paris, qui devint le boulevard Voltaire le 25 octobre 1870.
D’argent à la fasce de sable surmontée de trois merlettes du même.[8]
Sous le Premier Empire :
D'azur à l'aigle d'or empiétant un foudre du même, le foudre chargé d’un médaillon ovale d’argent surchargé d’un E de sable.[9].
On trouve aussi parfois :
D'azur à l'aigle d'or empiétant un foudre du même, brisé par l'écu de Lombardie (d'or à Couronne de fer (« sommée » de six pièces), à la bordure de gueules chargée de huit anneaux d'argent[10].
Ecartelé : I, (de Leuchtenberg) ; II, de gueules au mur d'argent flanqué de deux tours, le tout maçonné d'argent et ouvert de sable, posée sur une terrasse de sinople, deux arbres de sinople issants des tours (d'Eichstätt) ; III de sinople, à l'épée haute d'argent, garnie d'or, accompagnée de 7 étoiles du même ; IV, d'argent à la fasce de sable accompagnée en chef de trois merlettes du second (de Beauharnais)[11].
↑Le voyage de noces, de Munich à Milan, en passant par Venise, est triomphal et la princesse semble très éprise de son époux. En 1814, elle écrit à son père : « Je le suivrai partout, bien sûre qu'il ne s'écartera jamais du chemin de la vertu et de l'honneur ». Après la perte du trône d'Italie, c'est en Bavière, à Munich, que vivent le prince Eugène et son épouse. Ils s'y font construire un palais où le prince installe sa bibliothèque ainsi qu'une collection de tableaux qu'il ouvre au public, constituée en partie par l'héritage de sa mère. Lui-même pratique le dessin et la musique. Goethe, lorsqu'il le rencontre à Marienbad, le juge « un grand caractère ».
↑Daniel Ligou, Dictionnaire de la Franc-maçonnerie, Presses universitaires de France, 3e éd., 1991, p. 118.
↑Voir le site Napoleon & Empire pour un panorama de la franc-maçonnerie sous le Consulat et le Premier Empire (consulté le 9 août 2010)
↑Curtis Cate, La Campagne de Russie - 1812, Tallandier, 2006, p. 354-357.
↑Jean-François Brun, « Du Niémen à l’Elbe : la manœuvre retardatrice de la Grande Armée », Revue historique des armées, 267 | 2012 [1]
↑Michel Kerautret, Eugène de Beauharnais, Fils et vice-roi de Napoléon, Paris, Tallandier, , p.255, p. 397p.
A. Lievyns, Jean Maurice Verdot, Pierre Bégat, Fastes de la Légion d'honneur, biographie de tous les décorés accompagnée de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre, vol. 1, [détail de l’édition] (BNF37273876) ;
Jean-Claude Fauveau, Joséphine l'impératrice créole. L'esclavage aux Antilles et la traite pendant la Révolution française Editions l'Harmattan 2010. 390 pages. (ISBN978-2-296-11293-3).
Michel Kerautret, Eugène de Beauharnais. Fils et vice-roi de Napoléon, Tallandier, 2021 (Grand prix de la Fondation Napoléon).
Rois d'Italie souverains du Saint-Empire (951–973)
Otton Ier (951-973) Désormais le titre de roi d’Italie se confond avec celui de roi des Romains que prend le souverain du Saint-Empire avant son couronnement comme empereur.
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