François Gillet est né le à Bully dans les monts du Lyonnais, aîné de trois enfants de parents paysans, modestes et analphabètes[1]. Il débute un apprentissage de tisseur en milieu rural, puis le poursuit chez un cousin teinturier en soie, installé rue des Trois-Maries à Lyon, spécialisé dans les soiesteintes en noir[1]. Après être passé chez d'autres maisons de teinture, il s'installe à Lyon à son compte en 1838[1]. Pour satisfaire à l'exigence des fabricants de soieries de la place de Lyon, il met au point un nouveau procédé permettant d'obtenir un noir au chatoiement jugé sans égal, le « noir impérial », sommet de la mode sous le Second Empire. Grâce à cette innovation, l'affaire passe de 70 à 350 salariés en trois ans, de 1850 à 1853, puis à 1 200 en 1870, devenant une entreprise de taille nationale[1].
Dès 1853, les Gillet cherchent des terrains pour implanter leurs usines. Ils investissent notamment à Vaise et précédemment sur des terrains en bord de Saône, au pied de la colline de la Croix-Rousse, actuellement sur le quai Joseph Gillet (anciennement quai de Serin). Dès 1880, l'usine de teinturerie du quai de Serin fabrique les « flottes en noir ».
François Gillet participe à un bouleversement de la profession de teinturier en passant d'une palette de matières végétales, animales et minérales, à l'usage de la chimie, avec des bains successifs de rouille et de carbonate de chaux, des solutions de sels d'étain et de prussiate de potasse, entre autres.
À sa mort, le , soit 3 ans après celle de sa femme, Marie Gillet (née Pierron), la succession de François Gillet est évaluée à plus de six millions de francs[1],[2].
Son fils Joseph Gillet, après un parcours de formation incluant en 1862 un stage à l'École de chimie de Wiesbaden, développe l'entreprise paternelle en fondant à Villeurbanne une immense usine de 13 hectares et en investissant dans des secteurs nouveaux, tels que la soie artificielle ou la viscose. Il joue également un rôle décisif, avec Jules Raulin et Edmond Coignet, dans la création de l'École de chimie industrielle de Lyon en 1883.
Au faîte de leur puissance à la fin des années 1950, les Gillet anticipent le déclin de leur activité, en prolongeant une politique de partenariats, de prise de participation croisées et d'échanges d'actions avec d'autres groupes. Ils fusionnent l'activité « textiles artificiels » avec Rhodia puis cèdent l'ensemble à Rhône-Poulenc en 1971. L'activité « chimie » est également cédée à Rhône-Poulenc en 1968. La teinture, le métier de départ de cette histoire industrielle, est cédée en 1976 aux Chargeurs réunis. À la faveur de ces accords financiers, les Gillet deviennent des actionnaires de ces mêmes groupes, en particulier de Rhône-Poulenc.
Liens de filiation entre les personnalités notoires
Généalogie de la dynastie industrielle lyonnaise Gillet[3] (descendance agnatique de l'industriel François Gillet) :
Edmond Gillet (1873-1931), industriel, président du Comptoir des Textiles Artificiels (CTA) et du Syndicat des Textiles artificiels, administrateur de sociétés (Crédit lyonnais, Rhône-Poulenc, Compagnie des produits chimiques d'Alais et de la Camargue, etc.), régent de la Banque de France, maire de Bully de 1925 à 1931, marié à Léonie Clémence Marie-Josèphe Motte (1883-1965), fille d'Albert Motte (1858-1918), président de société (Mines de Lens) et nièce d'Eugène Motte, industriel et député du Nord[6],[7],[8].
Marguerite Gillet (1904-1986), mariée à Ennemond Bizot (1900-1988), président de sociétés, membre du Conseil d'Escompte de la Banque de France.
Bernard Gillet (1919-2016), marié à Hélène Janoray.
François Gillet (1846-1897), industriel, médecin, chimiste, maire d'Izieux de 1887 à 1892, vice-président de la Société d'études économiques de la Loire, marié en premières noces en 1874 à Marie Mas (?-1877) puis en secondes noces en 1882 à Jeanne Humblot (1859-?)[9],[10].
Henri Gillet (1885-1955), marié à Suzanne Pelvoisin.
Pierre Gillet (1886-1915), marié à Thérèse Auloix.
Thérèse Gillet (née en 1887-décédée), mariée au général Louis Jamont (1873-1951), fils du général Édouard-Fernand Jamont, cinq enfants.
Marie-Pierre Jamont (1920-1990), mariée à Jean Sangnier (1912-2011), journaliste et patron de presse.
Suzanne Gillet (1889-1987), mariée à Constant Balaÿ (1879-1930).
Geneviève Gillet (née en 1893-décédée), mariée à André Coulombel (1887-1957).
Marie Joséphine Gillet (1852-1889), mariée à Henri de Montgolfier (1847-1914), officier.
Marcel Peyrenet, La dynastie des Gillet : les maîtres de Rhône-Poulenc, Paris, Le Sycomore, (ISBN978-2-86262-011-4).
Jean Lambert-Dansette, La vie des chefs d'entreprise : 1830-1880, Paris, Hachette, coll. « Histoire de l'entreprise et des chefs d'entreprise en France », , 302 p. (ISBN978-2-01-018393-5 et 2010183932).
Bernadette Angleraud et Catherine Pellissier, Les dynasties lyonnaises : des Morin-Pons aux Mérieux : du XIXe siècle à nos jours, Paris, Éditions Perrin, (ISBN978-2-262-01196-3).
Jean Lambert-Dansette, Histoire de l'entreprise et des chefs d'entreprise en France : L'entreprise entre deux siècles (1880-1914) - Les rayons et les ombres - Volume 5, Éditions L'Harmattan, 2009.
Pierre-Yves Saunier et Ludovic Tournès, Rockefeller, Gillet, Lépine and Co. : une joint venture transatlantique à Lyon (1918-1940) dans L'argent de l'influence Les fondations américaines et leurs réseaux européens, 2010.
↑Pierre Cayez et Serge Chassagne, Les patrons du Second Empire: Lyon et le lyonnais, Éditions Picard, , « La succession de François Gillet est évaluée à plus de 6 millions de francs où, à côté des actions, obligations et du compte courant, s'alignent les biens immobiliers, en particulier les propriétés autour de Bully (...) prouvant ainsi que François Gillet a pris sa revanche sociale en devenant par ailleurs le « châtelain » de son village natal. Sa fortune est comparable à celle de ses fils dont les participations communes dans le capital de l'entreprise en 1895 est aussi de 6 millions de francs ».