Gaston Fessard entre dans la Compagnie de Jésus en 1913 à Cantorbery. À la fin de la Première Guerre mondiale, il se retrouve à Jersey pour ses études de philosophie et théologie. Il prolonge ses études par une licence de philosophie à la Sorbonne. Au terme de ses études il est ordonné prêtre en 1928. Il est d'abord nommé prefet du collège jésuite de Poitiers puis père spirituel au collège Saint-Louis-de-Gonzague à Paris[2].
Au milieu des années 30 il est nommé rédacteur à la revue Etudes. En novembre 1941, il rédige le premier numéro des Cahiers du Témoignage chrétien, intitulé « France, prends garde de perdre ton âme », qui appelait à s'opposer au nazisme au nom des valeurs chrétiennes. Il contesta également l'obligation d'obéir au régime de Vichy en élaborant la théorie du « prince esclave », empruntée à Clausewitz : il convient d'obéir au prince lorsqu'il reste souverain et agit au nom du bien commun, mais la résistance s'impose au prince-esclave dont la souveraineté est limitée et l'action dictée par l'occupant.
À ce titre, l'historien Roland Hureaux voit en Fessard le « théoricien du gaullisme » par l'importance qu'il accorde à la légitimité du pouvoir politique[3].
La rigueur de ses analyses, son souci de confrontation au monde contemporain – à la lumière de sa foi catholique –, lui donnent une clairvoyance exceptionnelle (par ex. temporalité et péché originel), en philosophie politique (échec annoncé du nazisme comme du communisme...). L'une de ses caractéristiques est une approche par la voie dialectique : par exemple celle du maître et de l'esclave, inspirée de Hegel[4], ou encore celles de l'homme et de la femme, ou du juif et du païen.
Gaston Fessard fut, au cours du XXe siècle, un analyste remarqué des grands phénomènes politiques mondiaux, à l'égal d'un Raymond Aron, dont il fut l'ami pendant près d'un demi-siècle et dont il baptisa même une des filles. Raymond Aron dit du père Fessard lors d'une conférence à Rome : « si l'on se souvient de ses prises de positions successives, il est difficile de ne pas admirer sa clairvoyance et son courage »[5].
L'éthique sociale a une grande place dans sa pensée, mais l'axe essentiel serait tout ce qui se rapporte à l'histoire et à l'historicité.
Choix de publications
Autorité et Bien commun, Paris, Aubier, 1944 ; édition révisée, augmentée et introduite par Frédéric Louzeau, Paris, Ad solem, 2015.
Chrétiens marxistes et théologie de la libération : itinéraire du Père J. Girardi, Paris, Lethielleux, 1978.
Correspondance inédite du P. Teilhard de Chardin et de Gaston Fessard, Toulouse, Institut Catholique de Toulouse, 1989, 264 p.
Bibliographie
José Sols, Filosofía y teología de Gaston Fessard acerca de la actualidad histórica en el período 1936-46, Pensamiento 205 (1997), Madrid, pp. 65-88. (ISSN0031-4749).
Gérard Reynal (dir.) Dictionnaire des théologiens et de la théologie chrétienne, Bayard Éditions / Centurion, Paris, 1998.
Michèle Aumont, Que l'homme puisse créer, l'humanisme de Gaston Fessard, Paris, Cerf, coll. « Histoire de la morale », , 327 p. (ISBN2-204-07387-3).
Michèle Aumont, Philosophie sociopolitique de Gaston Fessard, S.J., « Pax nostra », Paris, Cerf, coll. « Histoire de la morale », , 524 p. (ISBN2-204-07386-5).
Michèle Aumont, Ignace de Loyola et Gaston Fessard : l'un par l'autre, Paris, L'Harmattan, coll. « Ouverture philosophique », , 289 p. (ISBN2-296-00311-7, lire en ligne).
Nguyen Hong Giao, Le Verbe dans l'histoire : la philosophie de l'historicité du P. Gaston Fessard, Beauchesne, coll. « Bibliothèque des archives de philosophie ». Nouvelle série n°17, 1974.
Michel Sales, sj, Gaston Fessard, 1897-1978 : genèse d'une pensée ; suivi d'un résumé du "Mystère de la société" par Gaston Fessard, Culture et vérité, coll. « Présences » n°14, Bruxelles, 1997 (ISBN2872990569).
Frédéric Louzeau, L'Anthropologie sociale du père Gaston Fessard, PUF, « Hors collection », 2009.