En , l'armée allemande attaque puis occupe la Pologne. Les Allemands entrent dans Varsovie le [4].
Adam Czerniaków, qui vient d'être nommé le à la tête de la communauté juive de la ville[5], est chargé par les Allemands de constituer un conseil juif (Judenrat)[6]. Ce conseil est chargé de gérer le futur ghetto.
Dès l'hiver 1939 – 1940, les nazis commencent à persécuter les Juifs : obligation de porter un brassard blanc avec l'étoile de David bleue, identification des magasins juifs sur leurs vitrines, confiscation des radios, interdiction de voyager en train ().
L'ordre de transplantation de Juifs est donné le . Puis, le (jour de la fête juive de Yom Kippour), les Allemands annoncent aux Juifs qu'ils n'ont que jusqu'à la fin du mois pour déménager dans le quartier juif.
Le , une « zone d'épidémie » est définie par le gouverneur du district de Varsovie. Interdite aux soldats allemands, elle correspond aux « rues juives ». Deux mois plus tard, le quartier juif devient officiellement une « zone de contagion[7] ».
80 000 non-juifs quittent le secteur, et 138 000 Juifs s'y installent dans la précipitation et la peur. Le ghetto est fermé le [8] et un mur d'enceinte est construit. 40 % de la population de la ville s'entassent dans des conditions insalubres dans 8 % de sa superficie[7].
Localisation géographique
Le ghetto se situe au centre de la ville de Varsovie. Il est initialement composé de deux parties, le grand ghetto et le petit ghetto, reliées par un pont en bois. Le tout est entouré de 18 kilomètres de murs hauts de plusieurs mètres et de fil de fer barbelé. Dans cette enceinte d’une superficie d’environ 300 hectares, on compte 128 000 habitants au km² contre 14 000 environ dans la Varsovie non juive. La population du ghetto, 381 000 personnes enregistrées en , atteint 439 000 en pour retomber à 400 000 en . Ces différences peuvent s'expliquer par l'arrivée de nombreux réfugiés et la surmortalité qui prévaut dans le ghetto. Seul lien avec l’extérieur, un tramway réservé aux Polonais non juifs traverse le lieu. À peu près 80 000 personnes meurent entre et juillet 1942 sans déportation ni fusillade[7].
Humiliation des Juifs par des soldats allemands (automne 1939)
Tramway réservé aux Juifs (25 mai 1941)
Soldats allemands s'amusant à poser avec des Juifs attelés à une charrette à la manière de chevaux (entre 1939 et 1942)
Organisation
La gestion du ghetto est déléguée au conseil juif (Judenrat) par les Allemands. Ce conseil est dirigé par Adam Czerniaków. Il joue un rôle essentiel dans la transmission des ordres des Allemands aux habitants du ghetto. Ses effectifs augmentent entre 1940 et juillet 1942 passant de 1 741 employés à 9 000 en comptant la police juive[7]. Cette dernière, appelée aussi Jüdischer Ordnungsdienst (service d'ordre juif), est chargée de maintenir l'ordre. Elle est rémunérée et possède des avantages comme l’exemption du travail forcé. Elle est très souvent corrompue et participe aux opérations de déportation massive en juillet et . Les occupants emploient la main-d'œuvre du ghetto pour les besoins de l'armée et implantent de nombreux ateliers et usines dans le quartier juif.
Dans le ghetto
Les conditions de vie dans le ghetto sont inhumaines. D'abord, il est trop petit pour accueillir tous les Juifs de Varsovie et des villages environnants (40 % de la population sur 8 % de la superficie, une densité de population de sept personnes par pièce au début du ghetto). Beaucoup ont tout perdu (leurs familles et/ou leurs biens) en arrivant dans ce quartier fermé. Les foyers sont mal, ou presque pas approvisionnés en nourriture et combustible. Dès l'hiver 1940 – 1941, la faim et le froid se font ressentir. Nombreux sont alors ceux qui organisent de petits trafics avec l'extérieur[9]. Certains de ces trafiquants y laisseront parfois leur vie en essayant d'apporter de la nourriture dans le ghetto. Mais il existe aussi une solidarité avec les « comités d'immeubles », une vraie vie culturelle, un réseau d'enseignement clandestin, une vie religieuse[10].
La mort est courante. Elle est causée par la faim, mais aussi par des épidémies de typhus et de tuberculose. Il n'est pas rare de retrouver des cadavres en pleine rue. Une charrette passe alors ramasser les corps, qui sont comptés puis enterrés dans une fosse commune.
Au début de l'année 1942, on compte une naissance pour 45 décès[10].
Grande file d'attente de Juifs pour l'enregistrement au travail forcé du ghetto, devant l'ancienne école de commerce, à l'intersection de la rue Prosta avec Waliców, qui abrite alors différentes institutions gouvernementales (mai 1941)
Marché rue Smocza vue depuis la rue Pawia (mai 1941)
Passants à côté d'un enfant juif en haillons allongé sur le trottoir, endormi, malade ou mourant, rue Leszno (mai 1941)
Point de collecte des cadavres où un homme au brassard frappé d'une étoile de David transporte un bébé mort (25 mai 1941)
Point de collecte des cadavres où deux hommes juifs patientent devant des cadavres qu'un autre homme semble répertorier (25 mai 1941)
Marché à l'intersection de la rue Ksawery Lubecki et de la rue Gęsia (juin 1941)
Enfants livrés à eux-mêmes dans la rue (21 juin 1941)
Juifs en prière - mis en scène pour un film de propagande allemand tourné dans le ghetto (mai 1942)
Section de la rue Żelazna reliant le petit et le grand ghetto (juin 1942)
La déportation
En été 1942, commence le « repeuplement vers l'est », qui est en fait la déportation vers le camp de Treblinka, situé à 80 kilomètres au nord-est de Varsovie. Lancée dans le cadre de l'Aktion Reinhard, elle débute le . Pendant huit semaines, entre 6 000 et 8 000 personnes sont déportées chaque jour. Les rafles se font de jour comme de nuit, aussi bien dans les habitations que dans les usines, où il est plus facile d'arrêter les Juifs. Ceux-ci sont ensuite conduits vers la Umschlagplatz, la gare de triage de Varsovie. Cette première vague de déportations vers les camps de la mort ramène la population du ghetto à 70 000 habitants.
L'Organisation juive de combat naît au cœur de la grande déportation de . C'est la principale organisation de résistance juive. Elle se manifeste une première fois le .
Le soulèvement commence le , veille de Pessa'h, la Pâque juive, en réponse à une dernière grande rafle organisée par les nazis. Destinée à liquider le ghetto des quarante à cinquante mille Juifs restant en les déportant dans les différents camps, et principalement au camp d'extermination de Treblinka, cette rafle se heurte à l'opposition armée juive au grand étonnement des nazis. L'Organisation juive de combat - qui rassemble les communistes, les bundistes et plusieurs courants du sionisme - comporte de 600 à 700 insurgés, tandis que l'organisation de droite AMJ, proche du Betar, en compte une centaine. Ce combat sans espoir « pour votre liberté et pour la nôtre »[11] s'achève le , un mois après son déclenchement, avec la destruction de la grande synagogue de Varsovie. Après cette date, des combats sporadiques ont encore lieu dans le ghetto en ruines.
L'impact psychologique de l'insurrection du ghetto de Varsovie fut très important. La résistance fut plus forte que prévu par les nazis, même si l'issue était certaine vu le déséquilibre des forces.
« Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine[12]. »
Depuis 1999, les archives du ghetto de Varsovie sont classées par l'Unesco sur la Liste Mémoire du monde, qui recense les documents du patrimoine documentaire d'intérêt universel, dans le but d'assurer leur protection.
↑Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN978-2-03-583781-3), p. 245.
↑Proclamation de l'Organisation Juive de Combat. Cité dans la brochure Pour notre liberté et pour la vôtre, Insurrections dans les ghettos, 2003, Éditions du Centre Medem. p. 22.
↑polonais : My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność.
Bernard Goldstein, Marek Edelman (avant-propos) et Leonard Shatzkin (notice biographique) (trad. du yiddish par E. Dal et V. Clerck-Ayguesparse, préf. Daniel Blatman), L'ultime combat : nos années au ghetto de Varsovie [« Finf jor in warshaver ghetto »], Paris, Zones La Découverte, , 266 p. (ISBN978-2-35522-016-6, OCLC750994264, présentation en ligne).
Yankev Celemenski « Coupés du monde » (collection Mémoire de la Shoah - Éditions Le Manuscrit)
Ouvrages historiques
Samuel Kassow(en), Qui écrira notre histoire ? : Les archives secrètes du ghetto de Varsovie, Grasset, 2011.
(pl) Dariusz Libionka, Laurence Weinbaum, Bohaterowie, hochsztaplerzy, opisywacze. Varsovie, Stowarzyszenie Centrum Badań nad Zagładą Żydów, 2011 (ISBN978-83-932202-8-1).
(pl) Barbara Engelking, Jacek Leociak, Getto warszawskie. Przewodnik po nieistniejącym mieście. Varsovie, Stowarzyszenie Centrum Badań nad Zagładą Żydów. 824 p. 2001, rééd. 2013, (ISBN978-83-63444-27-3).
Marek Edelman, l'un des principaux meneurs de l'insurrection.
Michał Klepfisz, organisateur de l'insurrection, spécialiste des explosifs, négociateur pour introduire des armes dans la ghetto en lien avec l'Armia Krajowa.
Ô sympathy, chanson écrite à Varsovie début 1943, par des jeunes du Bund qui ne se faisaient plus d'illusions sur les raisons pour lesquelles on les avait empêchés de se révolter dès le début.