Ivan Stepanovytch Mazepa (en ukrainien : Іван Степанович Мазепа, en russe : Иван Степанович Мазепа), francisé en Jean Mazeppa dans les sources anciennes[1], né le et mort le , est un hetman des cosaques d'Ukraine, militaire, mécène et héros de la nation ukrainienne.
Sa vie mouvementée est devenue source d'inspiration à l'époque romantique.
Biographie
Origine et formation
Né le 1639 (le selon le calendrier julien) dans une famille noble mais pauvre de la voïvodie de Podolie, Ivan Mazepa étudie au collège de Kiev puis chez les jésuites de Varsovie avant de devenir page du roi de Pologne, Jean II Casimir Vasa[2]. À la cour, il acquiert des connaissances qui lui seront utiles plus tard. Il voyage beaucoup durant sa jeunesse, notamment en France, Italie et Hollande[2].
Débuts
Selon une tradition[1],[3] reprise par Voltaire dans son Histoire de Charles XII (1731)[4], puis entre autres par André-Guillaume Contant d'Orville (1764), c'est au cours de son séjour en Volhynie (entre 1659 et 1663 ?) qu'il noue une liaison avec l'épouse d'un gentilhomme polonais nommé Falbowski, son employeur[3] : ce dernier l'ayant surpris en flagrant délit d'adultère, Mazepa est attaché entièrement nu, le corps enduit de goudron, sur le dos d'un cheval sauvage qui l'emporte au loin dans les steppes ukrainiennes. Recueilli par des paysans, il se remet de cette aventure grâce à leurs bons soins. Il s'établit parmi eux, découvrant la vie guerrière de ce peuple en proie aux invasions, rapines, raids et brigandages les plus divers. Cette vie mouvementée est l'occasion rêvée pour lui de démontrer ses qualités[5].
Au service de Pierre le Grand
Il devient d'abord secrétaire puis adjudant de l'hetmanIvan Samoïlovitch (1630-1690). Mais celui-ci est déposé le en raison de son impéritie, qui a coûté la vie à une partie de l'armée cosaque en Crimée[1]. Mazepa est élu à sa place[3] non sans avoir œuvré à discréditer Ivan Samoïlovitch auprès du prince Golitsyne[2]. Parmi ses réussites, on remarque particulièrement l'expédition d'Azov. Il transforme le Collège de Kiev en Académie, s'évertuant à former une élite en Ukraine, en encourageant la construction d'écoles et de lieux de culte, modifie la Forteresse de Kiev en vue de son indépendance[2].
Son habileté lui permet d'acquérir la confiance de Pierre le Grand, qui lui décerne le cordon de Saint André ainsi que le titre de conseiller privé pour vingt ans de services loyaux et efficaces. Il est même fait prince de l'Ukraine, mais ses ambitions ne sont pas satisfaites.
Il médite longtemps et manœuvre habilement pour préparer sa trahison visant à acquérir l'indépendance alors que les signes venant du tsar sous-tendent plutôt une incorporation toujours plus importante de l'Ukraine à Moscou, notamment à travers l'idée de suppression même de son titre d'hetman[2]. En particulier, il se fait passer pour un vieil homme proche de la mort, perpétuellement entouré de médecins, et fait construire des églises ici et là.
Mais ses plans sont dénoncés au tsar par le général cosaque Vassili Leontievitch Kotchoubeï et le colonel Ivan Ivanovitch Iskra. Mazepa, ayant intercepté le courrier, fait décapiter les dénonciateurs (). Se sachant découvert, il essaie de se préparer à la guerre. Sa capitale Batouryn est détruite par les armées du tsar menée par Alexandre Menchikov. Mazepa est tout juste capable de rassembler une poignée d'hommes pour aller rejoindre Charles XII[1], alors que celui-ci compte sur la totalité de l'armée que lui a promise Mazepa. Ils se rejoignent à Poltava, où l'armée suédoise subit une grave défaite lors de la bataille de Poltava (8 juillet 1709). Mazepa n'a pu rallier à lui le sultan malgré une lettre adressée à Constantinople soulignant la nécessité d'une Ukraine indépendante au risque pour l'empire Ottoman de perdre la Crimée en faveur des Russes, chose qui sera réalisée quelque soixante-dix ans plus tard.
Après la déroute, Mazepa se réfugie en Valachie, puis à Tighina (Bender) en Moldavie[3], où il meurt le ( c.j.) 1709. Peu avant la mort de Mazeppa, Pierre Ier de Russie lui décerne un titre d'infamie, l'Ordre de Judas, créé spécifiquement pour lui et qualifier ainsi sa traîtrise[6].
Le musicien d'origine irlandaise Michael William Balfe compose une cantate en 1861 (The Page) et Tchaïkovski, l'opéra Mazeppa de 1881 à 1883. Franz Liszt : Mazeppa, poème symphonique (1851)
Peinture
Dans les années 1820, des peintures représentent l'épisode supposé de la vie de Mazepa, celui de la punition infligée par le noble polonais : on compte, outre la dernière toile de Théodore Géricault (1823, MET), celles d'Eugène Delacroix (1824, galerie nationale de Finlande), d'Horace Vernet (1826, musée Calvet), Louis Boulanger (1827, musée des Beaux-Arts de Rouen) auquel Hugo dédie son poème, toutes inspirées par le mythe du cavalier cosaque se battant pour la liberté, qui connaissait alors un gros succès en France.
En août 2009, un monument à l'hetman, œuvre du sculpteur Giennadij Jerszow(en), est dévoilé au parc Dytynets à Tchernihiv. L'ouverture s'est accompagnée d'affrontements entre la police et les opposants au Mazepa[9].
Odonymie
Des rues à Kyiv, Poltava, Tcherniyv lui sont dédiées, ainsi que la croix Ivan Mazepa.
↑Les péripéties édioriales de cet ouvrage de Voltaire se trouvent résumées par Éric Schnakenbourg dans Dix-Huitième siècle, 40, Paris, 2008 — sur Cairn.
↑Voltaire (édition de 1820), op. cit., tome I, pp. 260-262.
↑Par exemple page 179 dans Œuvres complètes de Victor Hugo. Poésie II. ; recueil publié en 1882 par J. Hetzel et A. Quantin.
↑(en) Patricia Mainardi, Husbands, Wives and Lovers: Marriage and its Discontents in Nineteenth-Century France, New Haven, Yale University Press, 2003, p. 6 [?].
Voltaire, Histoire de Charles XII, Paris, 1731-1768 — lire du Gallica (édition de 1820 en 2 tomes).
Aubry de La Mottraye, Voyages, en anglois et en françois, d'A. de La Motraye en diverses provinces et places de la Prusse ducale et royale, de la Russie, de la Pologne, etc., La Haye, Adrien Moetjens, 1732 — édition bilingue corrigée dédiée au comte de Chesterfield : en ligne, 492 pages.
André-Guillaume Contant d'Orville, Memoires d'Azéma, contenant diverses anecdotes des regnes de Pierre le Grand, empereur de Russie, & de l'impératrice Catherine son epouse, Amsterdam [Paris, Pierre-Guillaume Simon], 1764.
Elie Borschak et René Martel, Vie de Mazeppa, Paris : Calmann-Levy, « Nouvelle Collection Historique », 1931