L'ivraie, Lolium, ou encore anciennement Zizanie[1], est un genre de poacées (graminée) sauvage ou cultivée comme plante fourragère. Elle est originaire des régions tempérées chaudes d'Eurasie. Certaines espèces sont considérées comme des adventices.
Il existe une trentaine d'espèces du genre Lolium, appelé en anglais Ryegrass, d'où le terme de « ray-gras » ou « ray grass » sous lequel sont désignées en français les espèces les plus couramment cultivées.
Les principales espèces cultivées sont les suivantes :
Lolium multiflorum, ivraie multiflore ou ray-grass d'Italie ,
Lolium perenne, ivraie vivace ou ray-grass anglais.
On a longtemps cru que l'ivraie enivrante, Lolium temulentum, était la seule espèce d'ivraie dont les graines étaient toxiques à hautes doses, induisant à faible dose des effets comparables à l'ivresse. Or la découverte d'un champignon endophyte, vivant en parfaite symbiose avec Lolium / Lolium temulentum par P. Guérin[2] fut vérifiée, confirmée en tant qu'infection artificielle et fait régulièrement l'objet d'études approfondies[3],[4].
Étymologie et références historiques
« Ivraie » vient du latin ebrietas, ivresse, reflétant les propriétés enivrantes attribuées à la plante, tandis que « zizanie » vient du grec zizanion, un mot d'origine sumérienne qui a pris le sens de division en grec, la plante étant considérée comme une « mauvaise herbe » semant la zizanie dans les champs de céréales. L'ivraie est documentée tant dans des sites archéologiques que dans les textes anciens (comme illustration dans la parabole du bon grain et de l'ivraie dans l'Évangile)[5]. Les graines de l'ivraie enivrante (appelée aussi herbe d'ivrogne) étaient souvent infestées par un champignon, Neotyphodium coenophialum (proche de l'ergot du seigle) qui produit des alcaloïdes toxiques, notamment la témuline, causant des vertiges lorsque l'on consommait de la farine dans laquelle se trouvait mêlée cette plante[6].
Au IVe siècle av. J.-C., en Grèce antique, Théophraste indique « il y a des blés sans ivraie, comme ceux du Pont et d’Égypte. Celui de Sicile est relativement pur et surtout celui d’Agrigente n’est pas sujet à être mêlé d’ivraie »[7], et au Livre IV de l'ouvrage, le compare au ὁρίζων[8]. Une loi de taxation des grains promulguée à Athènes en -374/-373 prévoit que le blé et l’orge devront être « exempts d’ivraie ». Il compare les écorces - celle de l'ivraie est formée d'une seule couche[9] ; il dit plus loin que de grosses pluies peuvent changer le blé et l'orge en ivraie[10].
Pline explique que le malheur (infelix) de l'ivraie tient à la rapidité avec laquelle elle envahit un champ de blé, froment, entre autres.[réf. nécessaire]Virgile signale qu'elle abonde dans les champs et conseille au laboureur de se défaire de la « malheureuse (stérile) ivraie » (infelix lolium)[11]. Et de fait, 1/9 de farine d'ivraie dans la farine de blé empêche la fermentation du pain lors de la fabrication de la levure.[réf. nécessaire]
Galien confirme les vicissitudes épisodiques[12] : « Quand l’année a pris un mauvais tour, l’ivraie pousse à foison dans le blé, et comme les paysans négligent de l’éliminer soigneusement au moyen de cribles spéciaux, vu la faible quantité totale de blé récolté, et les boulangers pareillement pour la même raison, aussitôt bien des gens souffrent de maux de tête ».
L'ivraie est la « mauvaise herbe » utilisée dans la parabole du bon grain et de l'ivraie[13] au chapitre 13 de l'Évangile de Matthieu[14] pour décrire ce que le diable sème. Cette parabole donne en français l'expression « Séparer le bon grain de l'ivraie », mais aussi « semer la zizanie » (le texte de l'évangile en grec utilise le mot zizanion pour l'ivraie[13]).
Une loi romaine réprime et interdit expressément de semer de l'ivraie dans le champ d'un ennemi (Digeste de Justinien, livre IX, tit 2, loi 27 alinéa 14)[15]. Cela témoigne que cette pratique de sabotage devait être répandue. La parabole de l'Évangile fait donc référence à une situation connue des auditeurs du monde romain antique pour illustrer par analogie un message spirituel[16].
Caractères généraux du genre Lolium
Les ivraies sont des plantes herbacées généralement annuelles ou bisannuelles.
Génétique
L'ivraie est naturellement diploïde avec 2n = 14. Elle est génétiquement proche du genre Festuca qui regroupe au moins trois-cent espèces de poacées.
Distribution
Ces plantes sont originaires des régions tempérées chaudes : Europe, Afrique du Nord, Asie occidentale et sous-continent indien. Les espèces cultivées ont été naturalisées dans toutes les régions tempérées du monde : elles réclament en général un climat doux, ensoleillé et relativement humide.
Les espèces de Lolium sont très proches et s'hybrident facilement entre elles. Certaines peuvent s'hybrider également avec des espèces du genre Festuca.
Utilisation
Plusieurs espèces ont une certaine importance en agriculture et horticulture, soit comme plantes fourragères, soit comme plantes à gazons d'agrément. Certaines sont aussi des mauvaises herbes, notamment adventices du blé et du lin.
La surface des terrains de tennis « gazonnés » est parfois constituée d'ivraie, notamment à Wimbledon.
Dans la littérature et la culture populaire
« À vouloir l'ivraie, on saccage le blé », proverbe peut-être inspiré par la parabole sur le bon grain et l'ivraie dans les Évangiles.(Matthieu 13:24-30)
”ma doctrine est en danger, l’ivraie veut passer pour bon grain” F.Nietzsche dans Ainsi parla Zarathoustra, deuxième partie, l’enfant au miroir.
Les enfants et les jeunes filles traditionnellement arrachaient les épillets alternés l'un après l'autre en disant « marirai, marirai pas » (je me marierai, je ne me marierai pas), aussi la plante était souvent appelée du « marierai-marierai-pas ».[réf. nécessaire]
La mort de Daphnis aurait (selon « Ménalque et Mopsos », églogue 5 des Bucoliques de Virgile) entraîné l'infécondité de l'ivraie à la suite du retrait de Pales et Apollon des champs après que « le destin eut ravi » le légendaire berger.
↑Dictionnaire universel de la langue française, avec la prononciation, les étymologies, un relevé critique et raisonné des fautes échapées aux écrivains les plus célèberes, etc, Claude-Marie Gattel, 5e édition, Éditions Chateauvieux, 1838, Universität Gent
↑Sur la Présence d'un Champignon dans l'Ivraie (Lolium temulentum L.). Par M. P. Guérin Journal de botanique, 12e année, no. 15-16, 1er - 16 août 1898, p. 230-238.. Gallica [1]
↑Contribution à l'étude de l'ivraie enivrante Lolium temulentum L., Irmgard Katz, Ed. Beyer & Söhne, Langensalza, 1949, Pruefschrift/Dissertation Zürich, [2]
↑Ergot Alkaloids Produced by Endophytic Fungi of the Genus Epichloë, Philippe Guerre, Toxins (Basel) 2015 March; 7(3): 773–790. Published online 2015 March 6, [3]
↑Lire aussi "Le pain des Romains à l'apogée de l'Empire. Bilan entomo- et botano-archéologique", article de Danielle Gourevitch, in Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Année 2005, Vol. 149, Numéro 1, p. 27-47
↑Bernard Bertrand, , p, L’herbier toxique, Plume de carotte, , p. 122
↑ Galien, VI, 553 Kühn - Lire aussi Suzanne Amigues, « L’Exploitation du monde végétal en Grèce classique et hellénistique. Essai de synthèse », Topoi, vol. 15, no 1, , p. 75-125 (DOI10.3406/topoi.2007.2233, lire en ligne)
↑(fr + la) trad. Henri Hulot, Jean-François Berthelot, Pascal-Alexandre Tissot et Alphonse Bérenger, Digeste - Pandectes de Justinien, Metz, Portail Numérique d'Histoire du Droit, traduction française 1803 (lire en ligne), p.18
↑(en) Khatry, Ramesh, The Authenticity of the Parable of the Wheat and the Tares and Its Interpretation, Universal. (ISBN1-58112-094-X, lire en ligne), p. 21