Jan Niecisław Baudouin de Courtenay est un linguistepolonais, né le à Radzymin et mort le à Varsovie. Il est connu pour sa théorie du phonème et de l'alternance phonétique[1].
Jan Niecisław Ignacy Baudouin de Courtenay est né le à Radzymin, près de Varsovie, dans une famille d'origine française dont le fondateur est Pierre, plus jeune fils de Louis VI le Gros. L'un de ses ancêtres servit comme colonel de la garde étrangère du roi de Pologne Auguste II le Fort. Son père était géomètre à Radzymin. En 1862, Baudouin entre à l'université de Varsovie, appelée à l'époque École principale. En 1866, il obtient une maîtrise d'histoire et de philosophie et gagne une bourse d'études du ministère de l'Éducation de la Russie impériale. Quittant la Pologne, il étudie dans différentes universités étrangères, dont l'université Charles de Prague, l'université d'Iéna et l'université Humboldt de Berlin. En 1870, il obtient le doctorat de l'université de Leipzig pour son mémoire sur la langue polonaise : Sur l'ancienne langue polonaise antérieure au XIVe siècle.
Les travaux de Baudouin ont eu un impact décisif sur la linguistique du XXe siècle et servirent de fondement à différentes écoles de phonologie. Il est un précurseur de la linguistique synchronique, l'étude des langues parlées contemporaines. Il a une influence importante sur le structuralisme, tel qu'il sera développé à la fin des années vingt par N. S. Troubetzkoï et Roman Jakobson. Parmi les plus notables de ses travaux se trouve la distinction entre statiques et dynamiques des langues et entre langue, groupe d'éléments abstraits, et parole, son application individuelle. Avec son étudiant Mikołaj Kruszewski(en), il invente aussi le terme phonème.
Trois écoles importantes de phonologie du XXe siècle sont directement nées de sa distinction entre alternances phonologique physiophonétique et morphophonologique psychophonétique : l'École de phonologie de Leningrad, l'École de phonologie de Moscou et l'École de phonologie de Prague. Ces trois écoles développent différentes théories sur la nature de la dichotomie de Baudouin. L'École de Prague est plus connue pour ses travaux linguistiques sur les langues slaves. Tout au long de sa carrière, Baudouin écrit des centaines d'articles scientifiques en polonais, russe, tchèque, slovène, italien, français et allemand.
En dehors de son travail académique, Baudouin de Courtenay était en faveur du renouveau des différentes minorités nationales et des groupes ethniques. En 1915, il a été arrêté par l'Okhrana, la police secrète russe, pour avoir publié une brochure sur l'autonomie des peuples sous gouvernance russe. Il passa trois mois en prison. En 1922, sans qu'il en sache quoi que ce soit, les minorités nationales de Pologne le proposèrent comme candidat pour la présidentielle, mais il fut battu au troisième tour au Parlement polonais et Gabriel Narutowicz fut choisi. Il fut aussi un espérantiste actif et président de l'Association polonaise d'espéranto. En 1907, il avait été élu au Comité de travail de la Délégation pour l'adoption d'une langue auxiliaire internationale dont il fut l'un des deux vice-présidents, puis à la Commission permanente chargée de modifier l'espéranto selon les idées du projet Ido, dont il démissionna, en en désapprouvant la pertinence.
« À mon avis, la langue internationale de Ido n'existe pas du tout, et je ne peux approuver l’attitude de Monsieur Ido, qui n’a pas rappelé, même par un seul mot, que son projet n’était pas un projet nouveau et indépendant, mais simplement un espéranto modifié dans quelques détails, et pas toujours de manière heureuse et réussie. (...) Dans l’ensemble, je ne vois pas de réelle amélioration dans l'Ido par rapport à l'espéranto. L'espéranto présente dans son intégralité le cachet d'une indéniable originalité que l'on chercherait en vain dans le projet Ido. Sur de nombreux points, l'Ido vaut moins que l'espéranto et constitue non point un progrès, mais une régression. (…) Quiconque prend la décision de rompre l'unité des espérantistes accomplit un pas très risqué et très lourd de conséquences. De ce fait, voulant éviter une responsabilité aussi grave, je suis obligé de démissionner... »
— Publié dans « Pola Esperantisto », juin 1908[4].
↑Dariusz Adamski, « Baudouin de Courtenay et la linguistique générale », Linx, vol. 23, no 1, , p. 67-80 (lire en ligne)
↑Neil Bermel, Linguistic Authority, Language Ideology, and Metaphor : The Czech Orthography Wars, vol. 17, Walter de Gruyter, coll. « Language, power and social process », , 310 p. (ISBN978-90-04-27679-6, lire en ligne), p. 20