Joséphine Bakhita (Giuseppina Bachita), dite la "Madre moretta" ("Petite Mère noire"), dont la date de naissance est estimée à 1869 au Soudan, province du Darfour, à Olgossa, et morte le à Schio en Italie, est une ancienne esclave devenue religieuse canossienne.
Bakhita, dont le nom de naissance reste inconnu, est née aux alentours de 1869 au Soudan dans le village d'Olgassa dans la province du Darfour à l'ouest de Nyala, près du mont Agilerei, où son oncle est un chef tribal dans la tribu nubienne des Dadjo[1]. Elle a trois sœurs, dont une jumelle, et un frère. À cinq ans, en 1874, elle assiste à l'enlèvement de sa sœur Kishmet, 14 ans, mariée et mère, par des trafiquants d'esclaves[2]. Vers 1877, elle est elle-même enlevée, à l'âge d'environ sept ans, par des négriers musulmans[1],[3]. Elle parcourt alors pieds nus les plus de 900 kilomètres qui la séparent d'El Obeid, elle est vendue plusieurs fois pendant ce trajet. Entre son enlèvement et sa vente à Calisto Legnani en 1883, on estime que Joséphine Bakhita est vendue au moins quatre fois[4], si ce n'est une douzaine[1], sur les marchés d'El Obeid et de Khartoum. Elle subit pendant cette période de nombreux mauvais traitements[4]. Le traumatisme est si grand qu'elle en oublie son nom de naissance. C'est ainsi qu'on lui donne le nom de Bakhita, qui signifie « la chanceuse » en arabe.
On sait que Bakhita a notamment appartenu à un riche arabe qui la destinait à être la domestique de sa fille, puis pendant quelques années à un général turc. Ce dernier ordonne que Bakhita soit scarifiée selon la méthode du tatouage par incision. Une femme dessine des motifs sur sa peau avec de la farine, coupe sa peau avec une lame en suivant ces motifs, puis emplit les plaies de sel pour que les cicatrices restent marquées. Le général turc vend tous ses esclaves au début de la guerre des mahdistes[1].
Bakhita, alors âgée de 14 ans, est acquise en 1883 par le consul d'Italie à Khartoum, Calisto Legnani qui lui donne le second prénom de Joséphine et la traite plus humainement[2].
Arrivée en Italie
En 1885, le consul Legnani quitte le Soudan à cause de la révolution mahdiste. Bakhita lui demande de l'emmener. Il refuse tout d'abord puis accepte devant l'insistance de Bakhita. Ils embarquent à Suakin dans le même navire qu'une autre famille italienne, les Michieli. Arrivés à Gênes, Madame Maria Turina Michieli demande à garder Bakhita à son service. Le consul Legnani accepte. Bakhita suit donc les Michieli jusqu'à Zianigo(it), près de Mirano, dans la province de Venise[3],[5].
Madame Michieli accouche d'une petite fille, Alice, surnommée Mimmina. Sa garde est confiée à Bakhita. Ensemble, elles retournent brièvement au Soudan, à Suakin, où les Michieli tiennent un hôtel, avant de revenir à nouveau en Italie[5]. Alors que Madame Michieli doit se rendre à nouveau à Suakin, elle confie sa fille et Bakhita à l'institut des Catéchistes de Venise, tenu par les religieuses canossiennes. Elles y restent neuf mois pendant lesquels Bakhita découvre la foi catholique et commence son éducation religieuse. Au retour de Madame Michieli, Bakhita refuse de quitter l'institut. L'affaire est portée en justice et le le procureur déclare Bakhita libre de choisir où elle veut rester puisque l'esclavage n'existe pas en Italie. Bakhita a alors vingt ans[1],[3],[5].
Le , ayant exprimé son souhait de devenir religieuse, Bakhita rejoint le noviciat des Sœurs de la Charité à l'institut de catéchuménat de Venise[2]. Elle prononce ses premiers vœux le , à Vérone[1]. En 1902, elle est transférée à Schio, province de Vicence dans le Nord-Est de l'Italie où, pendant plus de cinquante ans, elle s'occupe de la cuisine, de la lingerie et de la conciergerie[1],[3]. Elle voyage aussi dans d'autres couvents pour partager ses connaissances de l'Afrique et préparer d'autres sœurs à s'y rendre[1]. En 1927, elle prononce ses vœux perpétuels[5]. On lui donne le surnom de Petite Mère Noire (Madre Moretta)[3]. En 1910, à la demande de sa Supérieure, sœur Margherita Bonotto, elle écrit son histoire [5].
Pendant la Seconde Guerre mondiale, bien que la ville de Schio soit bombardée, aucun habitant ne périt. Bakhita est considérée comme leur protectrice[1].
D’après les témoignages recueillis à l’époque, le corps de Bakhita reste tiède et souple jusqu’au moment de la fermeture du cercueil. Les miracles commencent rapidement après son décès puisqu'en 1950 le bulletin canossien publie six pages de témoignages de noms de personnes affirmant avoir reçu des grâces par l’intercession de Bakhita[6].
En 1958, sous le pontificat de Jean XXIII, commence le procès pour la cause de canonisation. Le , l’Église publie le décret sur l'héroïcité de ses vertus[1],[5]. Béatifiée le , elle est canonisée par Jean-Paul II le [7],[6].
Le pape dit à cette occasion : « Cette sainte fille d'Afrique montre qu'elle est véritablement une enfant de Dieu : l'amour et le pardon de Dieu sont des réalités tangibles qui transforment sa vie de façon extraordinaire[5],[8]. » Le pape Benoît XVI, qui la mentionna dans son encyclique Spe Salvi[5], avait pour elle une affection particulière.
« Ô Seigneur, si je pouvais voler là-bas, auprès de mes gens et prêcher à tous à grands cris ta bonté : Oh, combien d'âmes je pourrais te conquérir ! Tout d'abord ma mère et mon père, mes frères, ma sœur encore esclave... tous, tous les pauvres Noirs de l'Afrique, fais, ô Jésus, qu'eux aussi te connaissent et t'aiment ! »
Hommages
La première semaine du mois de février 2022 est dédiée à Sainte Joséphine Bakhita en l'honneur de l'accueil des migrants, répondant au grand élan de fraternité et de solidarité proposé par le pape François[9],[10].
Elle est citée dans le livre L'Afrique est l'avenir de l'Église du père Rodrigue Gbéjinou, un prêtre béninois docteur en théologie dogmatique dans le but d'une réévangélisation de l'Europe[11].
En son honneur, une classe de 3ème (collège) porte son nom dans la commune de Saint-Laurent du Maroni au sein de l'Ensemble Scolaire Cécile Cheviet.
Une rue, Via Santa Giuseppina Bakhita, porte son nom à Vérone.
Une église de São-Domingos dans le Nord de la Guinée-Bissau, porte son nom[12].
Annexes
Bibliographie
Armel Brice Adanhounme, « Du bon usage de la mémoire de l’esclavage des Noirs comme un possible capital de rédemption : L’exemple de Bakhita », Théologiques, vol. 13, no 2, , p. 133–163 (lire en ligne)