La Rumeur (The Children’s Hour) est un filmaméricain réalisé par William Wyler et sorti en 1961, s'inspirant de l'histoire de Jane Pirie (1779-1833) et Marianne Woods, deux Britanniques (respectivement Écossaise et Anglaise) ayant ouvert une école de filles.
Résumé
Dans une région huppée des États-Unis, Karen et Martha, deux amies de longue date (elles se sont connues lors de leurs études), réussissent, après des débuts difficiles, à rentabiliser leur pensionnat privé pour filles. Karen est fiancée au docteur Joe Cardin dont Martha est un peu jalouse. Les deux directrices surprennent fréquemment une de leurs petites pensionnaires, Mary Tilford, en train de mentir effrontément. Punie, et irritée contre ses professeurs, la fillette, soutenue par l'une de ses compagnes de chambre, Rosalie, sur laquelle elle exerce un chantage après avoir découvert la kleptomanie de celle-ci, raconte à sa richissime grand-mère Amelia Tilford qu'elle a vu les deux directrices avoir des rapports inavouables. La rumeur se répand comme une trainée de poudre ; tous les parents retirent leurs enfants du pensionnat. Après un procès perdu, les deux jeunes femmes, dont la réputation est détruite, sont encore confrontées à d'autres épreuves : un trouble s'est installé entre Karen et Joe et leurs fiançailles sont rompues, tandis que Karen et Martha sont l'objet du voyeurisme de la gent masculine du coin. Dans leur isolement et sous cette pression, Martha perd pied et avoue à Karen qu'elle lui voue depuis toujours cet amour interdit dont elles ont été accusées. Après que les mensonges de la fillette responsable de la rumeur ont été fortuitement découverts par sa mère et qu'Amélia Tilford est venue faire amende honorable, Martha se suicide. Après les obsèques, sans un regard pour Joe ni pour ceux qui ont brisé son existence et celle de son amie, Karen sort du cimetière et s'en va seule sur la route.
Ce film est un remake de Ils étaient trois (1936), également réalisé par William Wyler. Dans la première version du récit, deux femmes sont amoureuses du même homme. Miriam Hopkins y tenait le rôle de « Martha Dobie » alors que dans ce remake, elle y interprète sa tante « Lily Mortar ».
Scénario et montage
Shirley MacLaine, dans des mémoires[2], considère que l'œuvre de Lillian Hellman a été trahie par le réalisateur William Wyler qui « pris de panique à l'idée d’avoir traité une histoire de lesbiennes, coupa toutes les scènes où l'on sentait l'amour de Martha pour Karen, par exemple quand elle repassait amoureusement ses vêtements, lui brossait les cheveux ou lui confectionnait des petits plats ». La plupart de ces scènes ont été restituées dans la version DVD2004.
Variety[4] : « Audrey Hepburn et Shirley MacLaine, dans les principaux rôles, se complètent admirablement. La délicate sensibilité d'Hepburn, sa merveilleuse expression émotionnelle toute en retenue est mémorable comme l'est également MacLaine, substantiellement riche et profonde. James Garner est efficace en fiancé d'Hepburn et l'interprétation de Fay Bainter est remarquable en grand-mère funestement manipulée par une méchante enfant. »[5]
The Cinematic Threads[6] : « Je dois admettre avec Lillian Hellman ce qui me semble être une question opportune : que des enfants rusés sont capables de « sciemment » tromper et manipuler les autres. Maintenant, les droits des enfants surpassent ceux des adultes dans la cellule familiale et l'histoire de Lillian Hellman n’occulte pas le fait que les enfants sont très souvent conscients du pouvoir qu’ils exercent sur leurs aînés. »[5]
Thèmes et contexte
Ce film a été occulté depuis ses premières exploitations avec des critiques le qualifiant d'empesé et de démonstratif. Deuxième adaptation de la pièce de Lillian Hellman (après Ils étaient trois en 1936, toujours de Wyler), cette version souffre, selon Variety, d'être datée[7].
Ce film en noir et blanc se déroule presque exclusivement en intérieurs, ce qui confère une certaine austérité à une histoire déjà difficile à traiter[8],[9],[2]. Mais l'action est constamment relancée par maints ressorts dramatiques en évitant manichéisme et numéros mélodramatiques d'acteurs qu'il aurait été tentant de déployer. Il y a beaucoup de gestes esquissés, de regards intenses et amoureux jamais explicités par des dialogues. Par moments, le film a des fulgurances de Nouvelle Vague comme la scène de la révélation dans la voiture d'Amelia Tilford, ou les gros plans hachés de Karen. La séquence du choc de « l'explication », où Karen est abasourdie et Martha interrogative, la première à l'extérieur et la seconde à l'intérieur, est une scène entièrement muette où les plans fixes rappellent ceux d'Antonioni dans son film La Nuit sorti au début de la même année. La réalisation et l'atmosphère sont plus britanniques qu'américaines. À part Miriam Hopkins, qui reste hollywoodienne dans la composition de son personnage décalé, les actrices ont été justement appréciées. Bien sûr, en première ligne, Hepburn et MacLaine sont constamment remarquables, mais il faut également mentionner la performance de Fay Bainter, sobrement Actors Studio. Quant aux jeunes filles, on pourra préférer le jeu retenu de la Britannique Veronica Cartwright alias « Rosalie » (et future « Lambert » d'Alien - Le huitième passager) à celui, très ostentatoire, de Karen Balkin, la « méchante Mary ».[Interprétation personnelle ?]
« If there is a fault to be found with the new version, it is that the sophistication of the modern society makes the events... slightly less plausible in the 1961 setting into which it has been framed »
↑William Wyler a décidé de réaliser le remake de sa version de 1936 (Ils étaient trois) en respectant, cette fois-ci, l'intrigue originale de la pièce de théâtre. Dans sa première version, il avait inversé les rôles : deux femmes étaient amoureuses du même homme, ce qui en fit un film conventionnel et facile à traiter.
↑Ce que relate Shirley MacLaine dans ses mémoires (extrait p. 284) : « Ma plus grande déception, au début de ma carrière, fut le remake par William Wyler de son film Ils étaient trois. […] À la fin du tournage, Willy fut pris de panique à l'idée d'avoir traité une histoire de lesbiennes. Il coupa toutes les scènes où l'on sentait l'amour de Martha pour Karen. […] Le public était censé comprendre tout seul ce qui se passait. Or, il ne se passait rien, car, en éliminant ces scènes du film, Willy l'avait vidé de sa substantifique moelle. En fin de compte, il a trahi l'œuvre de Lillian Hellman, et le résultat fut un véritable désastre que soulignèrent les critiques. […] J'étais effondrée, Willy aussi, mais c'était sa faute puisqu'il avait refusé d'aller jusqu'au bout. »