La littérature camerounaise est l'ensemble des textes littéraires d'auteurs originaires du Cameroun, de toute langue, puisé aux sources d'une riche tradition orale[1].
Jusqu'à une époque très récente, les débuts de la littérature écrite d'origine camerounaise furent à tort fixés au sein des luttes pour l'indépendance du Cameroun qui virent paraître une série de textes dont la plus plupart sont d'expression française. En effet, s'il est indéniable que la littérature camerounaise écrite se développe dans le contexte colonial (d'abord allemand), il n'en demeure pas moins que ses premiers textes précèdent les administrations coloniales britannique et française au Cameroun en 1919[2].
De 1887 à 1945, le régime de l'indigénat s'applique aux colonies françaises, dont le Cameroun.
Littérature de l'époque coloniale
Isaac Moumé Etia publie dès 1920, plusieurs tomes de Quelques renseignements sur la coutume locale chez les Doualas (Cameroun) (1927-1928), puis un recueil de poèmes Les Fables de Douala (1930), en deux langues : français-douala[3],[4].
Jean-Louis Njemba-Medou, auteur de l'œuvre Nnanga kon (1932), dont un prix porte désormais le nom (Prix Nnanga kon)[5].
Évolution
La littérature camerounaise, entendue comme des textes écrits originaires du Cameroun, s'étend sur plusieurs langues et écritures, dont celles inspirées de l'alphabet latin, arabe, ou encore de l'écriture bamoun. Ses auteurs écrivent ou ont écrit en allemand[6], en anglais[7], en français, mais aussi dans les langues locales[8]. Comme dans beaucoup de pays d'Afrique subsaharienne, elle connaît un certain essor avec la période post-indépendance[9], la publication d'un ouvrage constituant alors à l'époque une marque d'intelligence qui généralement pouvait valoir l'octroi d'un poste de responsabilité dans l'administration. Et à lire certains auteurs de l'époque, on pourrait se demander si la vocation était leur seule motivation, sauf le respect dû à nombre d'entre eux passés à la postérité.
La majorité des auteurs des années 1960, 1970, 1980, sont pour la plupart des fonctionnaires. Dans les années 1990 et 2000, la littérature camerounaise connaît un certain relâchement[9]. Écrire un livre n'est plus alors forcément une preuve de génie, le nombre d’intellectuels s'étant exponentiellement multiplié, en comparaison des années pré- et post-indépendance. La production livresque n'est pas non plus la priorité du gouvernement, préoccupé par des problèmes d'ordre économique. On note alors une baisse de publication de qualité, un manque de motivation des promoteurs culturels à encourager la littérature.
Cependant depuis le début des années 2010, la littérature camerounaise semble de nouveau sur la pente ascendante. Les sponsors et mécènes, jusqu'ici indifférents, commencent à montrer un certain intérêt. Les Grands Prix des associations littéraires, pour exemple, bénéficient du soutien des Brasseries du Cameroun, la principale entreprise brassicole du pays. Le mécénat est certes rare mais un peu plus présent que dans les dernières années: en 2014, le mécène Pierre Flambeau Ngayap, membre du Jury qui a consacré le jeune auteur Eric Mendi aux GPAL 2013[10] pour son roman Opération Obama, s'est permis de financer l'achat d'une centaine d'exemplaires de cet ouvrage pour les offrir à des étudiants de l'Université de Yaoundé II-Soa[11].
Littérature par genre
La littérature commence donc à n'en pas douter par des œuvres telles que Die Jaunde-Texte, ouvrage en allemand et en ewondo publié en 1913 par Charles Atangana et son neveu Paul Messi, « Quelques renseignements sur la coutume locale chez les Doualas (Cameroun) » publié en français en 1927 par Isaac Moumé Étia ou le Sa'angan du sultan Njoya publié en shü-mom, communément appelée écriture bamoun. Même s'ils n'ont pas tous les attributs nécessaires pour faire partie de ce que la conception moderne ou postmoderne regroupe sous le terme de littérature, ces textes pourraient bien être considérés comme littéraires. Ils furent suivis en 1932 par Nnanga kon, un texte de fiction en langue boulou rédigé par un certain Jean-Louis Njemba-Medou[2]. Cette dernière œuvre est considérée comme la toute première fiction livresque de la littérature camerounaise.
En 1930, Isaac Moumé Etia (1889-1939) publie un recueil de poèmes " Les Fables de Douala, en deux langues : français-douala"[3],[4]. En 1947[14], Louis-Marie Pouka (1910-1991) publie un recueil de poèmes. Il préside la première séance de l'Association nationale des poètes et écrivains camerounais, fondée en 1960 par René Philombé (1930-2001).
Parmi les poètes : François Sengat Kuo (1931-1997, Fleurs de latérite (1954)), Charles Ngande, Jean Claude Awono, Étienne Noumé, Jean-Paul Nyunaï, Emmanuel MAYO (Rhapsodies pour remonter les caractes, Que ma flûte impose son chant), Patrice Kayo (1942-2021, Hymnes et Sagesses (1970)), Samuel-Martin Eno Belinga (1935-2004, Masques nègres (1972)), Fernando d'Almeida (1955-2015, Au seuil de l'exil (1976)), Francis Bebey (1929-2001), Paul Dakeyo (1948-, Soweto ! Soleils fusillés (1977)). Parmi les femmes, peuvent être citées Jeanne Ngo Maï (1933-2008), et Werewere-Liking (1950-), créatrice du « chant-roman » (Orphée-Dafric, 1981), Jeanne-Louise Djanga, (Au fil de Wouri (2007), Éclats de vers de voix de rires (2009)).
Essais
Beaucoup des auteurs précités ont également écrit des essais :
Thomas Melone (De la négritude dans la littérature négro-africaine),
Marcien Towa (Léopold Sédar Senghor : négritude ou servitude),
L'époque coloniale établit une forme de théâtre, d'abord religieux ou missionnaire, dont témoignent au moins trois textes : Les dix vierges (1870, Alfred Tongo Diboumbou), L'annonce de la naissance de Jésus (1912, anonyme), Une famille dans l'attente de Noël (1918, Kingue Kwedi), puis scolaire, avec la mise en scène de fables et de pièces du répertoire français. Il a existé un théâtre anglais et un théâtre allemand. En langues nationales, le premier texte connu est Mabarga Essono (1943, Jean-Baptiste Obama).
Depuis 2013, le Cameroun est présent dans le paysage des prix littéraires au niveau africain et même mondial, avec les Grands Prix des associations littéraires (GPAL). Certains auteurs très doués jusque-là ignorés ou peu connus du public ont été révélés et consacrés par ce prix, qui a également l'avantage d'être bilingue, accueillant des livres écrits en français ou en anglais. On pourrait citer Eric Mendi, pratiquement inconnu jusqu'à sa distinction aux GPAL 2013 dans la catégorie Belles-Lettres pour son roman «Opération Obama»[20], Charles Salé consacré aux Gpal 2014 pour «La'afal. Ils ont dit...», et le romancier congolais Fiston Mwanza Mujila, honoré aux GPAL 2015 pour « Tram 83 ». Les GPAL décernent également diverses autres récompenses littéraires[21].
↑ a et bAlbert S. Gérard, African language literatures: an introduction to the literary history of Sub-Saharan Africa, Longman, 1981, p. 283 lire sur Google Livres
↑Anthologie de la littérature camerounaise : des origines à nos jours, Afrédit, Yaoundé, 2007, (ISBN9956-428-14-0)
↑Jacques Bessala Manga, « Les amazones de la littérature camerounaise », Langaa, (lire en ligne)
↑Anthologie de la poésie camerounaise (Collection of Poetry), Patrice Kayo, Presses Universitaires de Yaounde, 2000)
↑(Dictionnaire des œuvres littéraires négro-africaines de langue française, des origines à 1978)
↑Regards historiques et critiques sur le théâtre camerounais, Jacques Raymond Fofie, Études africaines, éditions L'Harmattan, (ISBN978-2-296-54281-5), .
Christophe Cassiau-Haurie, Histoire de la bande dessinée au Cameroun, L'Harmattan, Paris, 2016, 234 p. (ISBN978-2-343-08333-9)
Philippe Decraene, « Sa littérature est l'une des plus riches de toute l'Afrique francophone », Le Monde, (lire en ligne).
Pierre Fandio, La littérature camerounaise dans le champ social : grandeurs, misères et défis, l'Harmattan, Paris, Budapest, Kinshasa, 2006, 244 p. (ISBN978-2-296-02370-3)
Pierre Fandio, Les lieux incertains du champ littéraire camerounais : la postcolonie à partir de la marge, l'Harmattan, Paris, 2012, 273 p. (ISBN978-2-296-99105-7)
Patrice Kayo, Panorama de la littérature camerounaise, Librairie Panafricaine, Yaoundé, 1978, 62 p.
Romain Konka, Histoire de la littérature camerounaise, I , R. Konka, Paris, 1983, 176 p. (ISBN2-904424-00-8)
Daniel S. Larangé, « La négrattitude féminine : l'éternel féminin face à l'effacement des gen(re)s »', in Dialogues francophones, no 16, 2010, p. 213-226.
Daniel S. Larangé, « Pour un discours social postmoderne : phénomène de média(tisa)tion et d'intermédia(lisa)tion dans l'écriture franco-camerounaise : les exemples de Calixthe Beyala et Léonora Miano », in Dialogues francophones, no 17, 2011, p. 127-149.
Daniel S. Larangé, Le Pari(s) littéraire des écrivaines franco-camerounaises, éd. La Tortue Verte, Dossier no 1, « Ce que Paris fait aux littératures francophones », 2011, p. 66-79
Marcelline Nnomo, Nol Alembong et Faustin Mvogo (dir.), Rupture et transversalité de la littérature camerounaise, Éditions CLÉ, Yaoundé, 2010, 443 p. (ISBN978-995-609178-2)
Alice Delphine Tang et Marie-Rose Abomo-Maurin (dir.), La littérature camerounaise depuis la réunification, 1961-2011 : mutations, tendances et perspectives, l'Harmattan, Paris, 2013, 256 p. (ISBN978-2-343-00781-6)
Raphaël Thierry, Le marché du livre africain et ses dynamiques littéraires : le cas du Cameroun, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, 2015, 368 p., (texte remanié d'une thèse) [notes de lecture par Sarah Burnautzki in Questions de communication, no 30, 2016, p. 395-397, [lire en ligne]]
Mireille Ngo Mbai - Gweth Ndjicki, Discours sur les femmes et discours de femmes : une analyse ethno-sociopragmatique de l'Implicite dans quelques pièces du théâtre camerounais francophone, 2009. Lire en ligne
Pierre Fandio, « Images de Soi, images de l’Autre dans la littérature africaine contemporaine : La langue française comme figuration des postures politiques dans la littérature camerounaise d’expression anglaise ? », dans Margareta Kastberg Sjöblom, Alpha Barry et Andrée Chauvin-Vileno (dir.), Nouvelles voix/voies des discours politiques en Afrique francophone, vol. 1, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, (ISBN978-2-84867-989-1, DOI10.4000/books.pufc.53106, lire en ligne), p. 169-184.