Le , lors d'un Conseil des ministres, le gouvernement Reynaud, replié à Bordeaux, se déchire. D'un côté, les membres (dont Reynaud) favorables à une continuation de la lutte qui pourrait être dirigée hors de la métropole. De l'autre, les partisans de l'armistice représentés par Philippe Pétain. Au terme d'échanges tumultueux, la proposition d'union franco-britannique défendue par de Gaulle est rejetée, Reynaud mis en minorité et remplacé par Pétain à la tête d'un nouveau gouvernement.
Toutefois, l'idée d'un départ de membres du gouvernement et de parlementaires vers l'Afrique du Nord n'est pas abandonnée. À titre d'exemple, le président de la République Albert Lebrun pense que : « le gouvernement aura toujours avantage pour négocier librement [l'armistice] à se trouver hors de portée des troupes ennemies »[3]. Finalement, après de nombreuses défections, ce ne sont que quelques hommes politiques sans pouvoir de décision qui embarqueront le à bord du Massilia, dont 27 parlementaires, à destination de Casablanca.
Histoire
Après son lancement en 1914, la Première Guerre mondiale interrompt sa construction, qui n'est achevée qu'en 1920. Il est exploité sur la ligne de l'Atlantique-Sud par la Compagnie de navigation Sud-Atlantique jusqu'à la Seconde Guerre mondiale[4] (Bordeaux - Lisbonne - Rio de Janeiro - Santos - Montevideo - Buenos Aires).
Le départ de 1940 a été organisé par Édouard Barthe[8]. Nul doute que les volontaires au départ auraient été plus nombreux si l’information avait été connue plus tôt et si Pétain n'avait pas interdit à tous les membres du gouvernement sur le départ de quitter la ville[9].
Parmi les passagers les plus connus (par ordre alphabétique) :
Embarqués du port du Verdon en aval de Bordeaux, le Massilia reste d'abord bloqué un jour en raison d'une grève de l'équipage qui refusait d'appareiller par hostilité envers les parlementaires[11] et n'appareille que le [12], soit quatre jours après la formation du gouvernement Pétain et la veille de la signature de l'armistice.
Les voyageurs montèrent à bord parmi une centaine de civils, les autres des 500 passagers étant des militaires et des matelots. Dans l’atmosphère d’anti-parlementarisme qui sévissait à l’époque, cette arrivée impromptue fut particulièrement mal vécue. Sifflets et insultes de l’équipage saluèrent ceux qui étaient considérés comme des « fuyards ». Les mécontents étaient peu sensibles à l’argumentation selon laquelle un gouvernement ne pouvait prendre de décisions sereines sous la pression de l’ennemi. Il est vrai aussi que bon nombre de membres d’équipage, qui arrivaient d’Alger, ne s’attendaient pas à repartir illico en Afrique du Nord.
Il n'arrive à Casablanca que trois jours après, le , car certains députés ayant envisagé de faire route vers l'Angleterre et de s'y réfugier, le paquebot a dû attendre en mer des autorisations du consul du Royaume-Uni qui n'ont pas été accordées.
À leur arrivée, une foule hostile les attend sur les quais et les passagers sont consignés pour les protéger dans un grand hôtel de Casablanca par le Résident général Noguès, mais pour Raymond Forni c'est à la suite d'un contre-ordre de l'amiral Darlan[13].
Ceux qui étaient considérés comme mobilisés en tant qu'officiers, Pierre Mendès France, Pierre Viénot, Alex Wiltzer et Jean Zay, sont arrêtés par le nouveau pouvoir le à Casablanca, rapatriés en métropole et traduits devant le Tribunal militaire de Clermont-Ferrand pour « désertion devant l'ennemi » (alors qu'ils voulaient au contraire poursuivre le combat depuis l'Afrique du Nord). Trois d'entre eux sont condamnés le à des peines de prison et à dix ans de privation de droits civils.
Le , les vingt-trois autres parlementaires étaient autorisés à regagner la France, soit sept jours après le vote des pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain. Les parlementaires embarqués étaient quasiment tous de gauche ou de centre-gauche, qui se sont trouvés de ce fait absents des débats. Certains, comme Édouard Daladier et Georges Mandel, sont accusés par le régime de Vichy d'être responsables de la défaite et jugés avec d'autres officiers comme le général Maurice Gamelin au cours du Procès de Riom en 1942. Ces décisions ont été annulées en 1946.
Le Massilia sert ensuite de transport de troupes du Régime de Vichy entre la France et l'Afrique du Nord. En 1944, il est pris et coulé par les Allemands à Marseille afin de bloquer le port[4].
Marie-Anne Lambert, cantatrice, fille de Charles Lambert et qui sera connue plus tard sous le nom de scène de Deva Dassy, maîtresse à cette époque de Georges Mandel
↑(es) Bárbara Ortuño Martínez, « «En busca de un submarino». Crónica a bordo del buque insignia del exilio republicano en Argentina: el Massilia », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine. De 1808 au temps présent, no 9, (ISSN1957-7761, DOI10.4000/ccec.4242, lire en ligne, consulté le )
↑Celui-ci était questeur de la Chambre lorsque celle-ci s'était réunie à l'École Anatole-France à Bordeaux le pour débattre de l'opportunité de demander un armistice à l'initiative de Jean Mistler ; parmi les parlementaires favorables à continuer le combat depuis l'Afrique du Nord, citons : Paul Giaccobi, Paul Ramadier, Michel Tony-Révillon, Camille Blaisot ou encore André Le Troquer