Intuitivement, la mesure d'un ensemble ou sous-ensemble est similaire à la notion de taille, ou de cardinal pour les ensembles discrets. Dans ce sens, la mesure est une généralisation des concepts de longueur, aire ou volume dans des espaces de dimension 1, 2 ou 3 respectivement.
Définition — Soit un espace mesurable, c'est-à-dire, un couple où est un ensemble et est une tribu sur . Une application définie sur à valeurs dans est appelée mesure lorsque les deux propriétés suivantes sont satisfaites :
L'ensemble vide a une mesure nulle, autrement dit,
.
L'application est σ-additive, c'est-à-dire que, si est une famille dénombrable de parties de appartenant à et si ces parties sont deux à deux disjointes alors,
.
Terminologies connexes
Lorsqu'on dispose d'une mesure μ sur un espace mesurable, on dit que le triplet est un espace mesuré[1] ;
Pour S ensemble mesurable (c'est-à-dire pour ), la valeur μ(S) est appelée la mesure de S[2] ;
Lorsque μ(X) est fini, on parle de mesure finie ou mesure bornée[3] ;
Lorsqu'il existe un recouvrementdénombrable de X par des sous-ensembles de mesure finie, c'est-à-dire, plus formellement, lorsqu'il existe une suite d'éléments de la tribu, tous de mesure finie, avec
,
on parle de mesure σ-finie[4]. Quitte à remplacer chaque par on peut supposer que la suite de sous-ensembles figurant dans la définition est croissante pour l'inclusion[5].
Un sous-ensemble S de X est dit négligeable lorsqu'il est inclus dans un T appartenant à la tribu et de mesure nulle[6].
La mesure μ est dite complète lorsque tout ensemble négligeable appartient à la tribu [7].
Monotonie : Si E1 et E2 sont deux ensembles mesurables tels que E1 est un sous-ensemble de E2, alors μ(E1) ≤ μ(E2).
Continuité à gauche : Si E1, E2, E3, … sont des ensembles mesurables et si En est un sous-ensemble de En+1 pour tout n, alors la réunion E des ensembles En est mesurable et μ(E) = lim μ(En).
Continuité à droite : Si E1, E2, E3, … sont des ensembles mesurables et si, pour tout n, En+1 est un sous-ensemble de En, alors l'intersection E des ensembles En est mesurable ; de plus, si au moins l'un des ensembles En a une mesure finie, alors μ(E) = lim μ(En).
Exemples
Voici quelques exemples importants de mesure :
la mesure de dénombrement (ou mesure de comptage) est définie par μ(S) = nombre d'éléments dans S[9] ;
la mesure de Dirac μa associée à un point a de X est définie par μa(S) = χS(a), où χS est la fonction indicatrice de S. En d'autres termes, la mesure d'un ensemble est égale à 1 si celui-ci contient le point a et à 0 sinon ;
la mesure de densité une fonction mesurable positive ƒ par rapport à une autre mesure positive μ est souvent notée ƒ.μ ;
Il existe principalement trois manières, détaillées par la suite, de généraliser la notion de mesure. La première consiste à alléger la structure de tribu sur laquelle est définie la mesure, la seconde consiste à alléger l'hypothèse de σ-additivité et la troisième consiste à agrandir l'espace dans lequel la mesure prend ses valeurs.
Dans certains contextes, il est agréable de disposer d'une définition plus générale de mesure pour énoncer brièvement divers résultats. C'est le cas, par exemple, lorsque l'on cherche à construire une mesure, au sens classique, par extension d'une fonction σ-additivite définie sur un ensemble qui n'est pas une tribu. Selon les sources le mot « mesure » est employé pour des fonctions vérifiant la propriété de σ-additivité sur des algèbres d'ensembles, anneaux d'ensembles voire semi-anneaux d'ensembles qui sont plus généraux que les tribus. Plus précisément, on pourra utiliser la définition suivante[10] :
Définition — Soit un ensemble et un ensemble de parties de contenant l'ensemble vide. Une application définie sur à valeurs dans est appelée mesure lorsque les deux propriétés suivantes sont satisfaites :
L'ensemble vide a une mesure nulle, autrement dit,
.
L'application est σ-additive, c'est-à-dire que, si est une famille dénombrable de parties de appartenant à , si ces parties sont deux à deux disjointes et si leur réunion E est aussi un élément de , alors la mesure μ(E) de cette réunion est égale à la somme des mesures des parties, en somme,
.
Les mesures simplement additives généralisent la notion de mesure dans le sens ou la σ-additivité est remplacée par l'additivité finie. De plus, il n'est plus nécessaire que l'ensemble de définition soit une tribu. Il est en général seulement supposé que cet ensemble soit un anneau d'ensemble. La densité asymptotique est un exemple de fonction vérifiant l'additivité finie. Il faut cependant faire attention car l'ensemble des parties d'entiers qui ont une densité asymptotique définie n'est pas stable par union finie, ce n'est donc pas un anneau d'ensembles.
↑ a et bMarc Briane et Gilles Pagès, Théorie de l'intégration, Vuibert, coll. « Les grands cours Vuibert », , 2e éd., 302 p. (ISBN978-2-7117-8946-7), p. 61
↑(en) Achim Klenke, Probability Theory : A Comprehensive Course, Springer, (ISBN978-1-84800-047-6), p. 12.
↑Ainsi par exemple Briane et Pagès 2000, p. 195, posent cette condition à première vue supplémentaire dans la définition de la σ-finitude.
↑La définition qui suit est celle donnée dans (en) Inder K. Rana, An Introduction to Measure and Integration, AMS Bookstore, , 424 p. (ISBN978-0-8218-2974-5, lire en ligne), définition 3.3.1, p. 59. D'autres auteurs parlent plutôt de « prémesure » dans ces contextes plus généraux, ainsi Klenke 2008, p. 12 (lorsque la classe est un anneau d'ensembles).