Le Belvédère, actuel Musée Maurice-Ravel, est le nom de la maison située à Montfort-l'Amaury (Yvelines) que le compositeur Maurice Ravel habita pendant seize ans de 1921 jusqu'à l'année de sa mort[2] dans une clinique à Paris en 1937[3],[4].
Historique
La maison
C'est à son amie Georgette Marnold, fille de son ami critique musical Jean Marnold, que revient le mérite d'avoir trouvé le Belvédère en . Le , le musicien lui avait confié la mission de lui trouver une maison en ces termes : « je vais vous prier de vous enquérir d’une bicoque à 30 km au moins de Paris. Vous avez le temps : je ne compte pas rentrer avant fin avril. [...] Je pense quelquefois à un admirable couvent, en Espagne. Mais, sans la foi, ce serait complètement idiot. Et le moyen d’y composer des valses viennoises et autres fox-trotts ? »[5].
Cette maison relativement modeste et exiguë, acquise en , doit son nom à sa situation à flanc de coteau et au panorama qu'elle offre sur la ville de Montfort-l'Amaury et la forêt de Rambouillet en arrière-plan. C'est dans cette maison que le compositeur a composé presque toutes ses œuvres à partir de 1921, notamment L'Enfant et les Sortilèges, les Chansons madécasses, le fameux Boléro, l'orchestration du Menuet antique, le Concerto en sol pour piano et orchestre, le Concerto pour la main gauche.
La maison, héritée par le frère du musicien, Édouard Ravel (1878-1960), resta tout d'abord sous la garde de la fidèle gouvernante d'origine bretonne du musicien, Mme Marie Reveleau (1871-1952)[8],[9]. Pendant cette période, à l’occasion du 10e anniversaire du décès du compositeur, le , la Mairie rendit hommage au compositeur en apposant une plaque commémorative sur la façade du Belvédère, cérémonie qui fut suivie d’un discours de Germaine Beaumont et d’un concert à la Salle des Fêtes de la Mairie[10].
À la mort de Mme Reveleau, Édouard Ravel dut trouver une solution pour la conservation de la maison de son frère. Sur la recommandation probable du DrRobert Le Masle -et/ou, moins probable, du romancier Jacques de Lacretelle-, tous deux proustiens et anciens amis de Maurice Ravel, la garde du Belvédère fut confiée conjointement en 1954 à Céleste Albaret, ancienne gouvernante de Marcel Proust, et à sa sœur Marie Gineste. Une convention de gardiennage fut même signée à Levallois-Perret par les deux sœurs et Édouard Ravel le , pour une durée de vingt ans. Toutefois, Céleste Albaret dut quitter le Belvédère en 1970[11]. À l’occasion de la célébration du 20e anniversaire de la mort du compositeur, le , le Quatuor Serge Blanc donna un concert dans le jardin du Belvédère[12].
Le musée
Dans son deuxième testament authentique du , Édouard Ravel légua le Belvédère à la Réunion des musées nationaux. Trois ans après la mort du frère du compositeur, le , dans un Décret du , le Ministère d’État chargé des Affaires culturelles autorisa la RMN à accepter le legs et à signer un bail emphytéotique avec la Ville de Montfort-l'Amaury[13],[14]. Il fallut toutefois attendre pour la concrétisation du legs puis la signature d'un bail emphytéotique d'une durée de 99 ans au bénéfice de la Ville de Montfort-l'Amaury[15].
Après des travaux en 1972-1973 effectués par la Ville afin notamment d'aménager la cuisine en espace d'accueil pour les visiteurs[16], le musée ouvrit officiellement en tant que tel le , en présence du maire Georges Labadie, qui avait connu Maurice Ravel, et du sous-préfet de Rambouillet, Jacques Gandouin, qui n'a jamais cessé de se battre pour le musée[17]. Il avait d'ailleurs organisé à Montfort-l'Amaury, le , une célébration du 25e anniversaire de la mort de Maurice Ravel (la veille) : au programme préparé par Colette Loubet, une conférence de Vladimir Jankélévitch, et un concert donné par Madeleine de Valmalète, Henri Merckel, Ginette Guillamat, Marie-Louise Pugnet-Caillard et le Quatuor Lœwenguth[18],[19],[20],[21]. Depuis 1973, les guides de la maison-musée ont été Madame Merlin, sa fille Claudine Merlin et, de 1986 à 2017, Mme Claude Moreau (1930-2024)[22],[23],[24],[25],[26],[27],[28],[29],[30]. Les 23, 24 et , la Ville de Montfort-l'Amaury organisa un Festival Maurice Ravel, à l'occasion du centenaire de la naissance du compositeur, le . Un buste de Maurice Ravel, offert par le Secrétariat d'État à la Culture, fut alors inauguré au cimetière-cloître de Montfort-l'Amaury[31].
Grâce notamment à l'action du préfet Jacques Gandouin et de Manuel Rosenthal, respectivement vice-président et président de la Fondation Maurice Ravel jusqu'à leur disparition en 2003, Le Belvédère a été inscrit au titre des Monuments historiques en 1994 et bénéficie du label « Musée de France » depuis 2003[32].
À compter de 1995, des restaurations de mobilier ont été financées par la Ville et par l'association « Maurice Ravel et Montfort-l'Amaury ». À partir de 1996, la Ville finance des travaux de gros œuvre et de second œuvre, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Belvédère, sous le contrôle de la DRAC[16].
En 2000, le jardin a été replanté dans l'esprit japonisant désiré par le compositeur, d'après des documents d'archives et sur les conseils de Marie-Huguette Hadrot, historienne des Yvelines, et du jardinier en chef du jardin Albert Kahn de Boulogne-Billancourt[16].
En 2002-2003, d'importants travaux de restauration du Belvédère ont été réalisés sous l'égide des Monuments historiques et de l'association « Maurice Ravel et Montfort-l'Amaury ». En le musée a rouvert[33],[34]. Depuis, en 2011, le musée a également obtenu le label « Maison des illustres »[35].
Des visites guidées en petits groupes y sont organisées chaque week-end, et en semaine sur rendez-vous. La maison contient de nombreux objets précieux et insolites. En effet, Ravel collectionnait des bibelots, objets surprenants et merveilleux. Il veilla avec un soin tout particulier à la décoration de sa maison, parfaitement à son image. Dans le salon de musique se trouvent le bureau du compositeur et son piano Érard fabriqué en 1908 et acquis en 1911, et qui a voyagé du 4 avenue Carnot à Paris où il se trouvait jusqu'en 1917, à la Villa Helena à Saint-Cloud jusqu'à l'installation au Belvédère qui débuta en [36]. Dans cette pièce de la maison se trouvent aussi, outre de nombreux objets et souvenirs, cinq portraits de famille : deux portraits du compositeur enfant, l'un par son oncle suisse Édouard Ravel et l'autre peint en 1886 par Léon Tanzi ; un de son frère cadet Édouard Ravel enfant par l'oncle suisse Édouard Ravel, un de sa mère Marie Delouart (1840-1917) également par l'oncle Édouard Ravel et un de son père Joseph Ravel (1832-1908)[37] par Marcellin Desboutin[38]. Dans la salle à manger, se trouve entre autres un buste réaliste de Maurice Ravel réalisé l'été 1928 par Louise Ochsé, nièce de Gabriel Astruc[39].
Claude Moreau, la guide dévouée du Belvédère des années 1980 à 2017, a été démise de ses fonctions à la suite d'incidents survenus lors d'une visite de Charles Dutoit, grand habitué du Belvédère depuis 1961, et Martha Argerich, qui y venait pour la première fois[40],[41],[42],[43],[44],[45]. Un rapport de l'inspection générale des Musées de France, rédigé par Bruno Saunier, a été rendu public au printemps 2018 et fait plusieurs préconisations[46] : le classement aux monuments historiques ; la destruction d'un bâtiment construit en 1987 dans le potager et qui masque la vue depuis le salon de musique ; confier aux conservateurs du musée national de Port-Royal des Champs le soin de surveiller les collections et de rédiger un projet culturel et scientifique ; acheter une maison voisine et la transformer en centre d'interprétation ; faire expertiser le piano par le musée de la Musique de la Cité de la Musique et établir un protocole pour autoriser certaines personnes à jouer sur le piano ; recueillir le témoignage de Claude Moreau.
En 2019, l'inscription de la maison au titre des Monuments historiques de 1994 a été remplacée par une inscription plus large, incluant le jardin du domaine. En 2022, l'ensemble a été classé[47].
Au printemps 2023, des scènes du film Boléro d'Anne Fontaine, avec Raphaël Personnaz dans le rôle de Maurice Ravel, ont été tournées au Belvédère, sortie en salle le 6 mars 2024[48],[49].
Depuis juin 2023, le musée a une attachée de conservation en la personne d’Anne Fontaine-Million, à ne pas confondre avec la réalisatrice.
Le 15 novembre 2023, le Musée Maurice Ravel a reçu une donation de l’association des Amis de Maurice Ravel présidée par Manuel Cornejo. Le don comprend plusieurs œuvres d’art, dont un tableau représentant Pierre-Joseph Ravel, le père ingénieur du compositeur, en 1880, peint par son frère Édouard Ravel, oncle suisse du musicien ; un dessin préparatoire et une gravure représentant Maurice Ravel, en 1928, par Marcel Amiguet ; un exemplaire en grès du buste de Maurice Ravel, de 1927-1928, par Léon Leyritz, ayant appartenu au musicien Émile Passani ; un moulage de la main de Marguerite Long, créatrice du Tombeau de Couperin et du Concerto pour piano et orchestre (dit en sol) de Maurice Ravel, offert par la famille de Joseph de Marliave. La donation inclut aussi des documents d’archives dont des photographies anciennes du Belvédère des collections privées de Jean Milhau, du préfet Jacques Gandouin et de Claude Moreau[50],[51],[52],[53],[54],[55].
Le Belvédère se visite sur rendez-vous auprès de la Maison du tourisme de Montfort-l'Amaury, par groupe de six personnes au plus.
Bibliographie (ordre chronologique)
Monographies et plaquettes
Elisabeth Wahl, Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury, Versailles, Comité départemental du tourisme des Yvelines,
Plaquette hors commerce, non paginée, destinée aux visiteurs du Belvédère publiée, à l'initiative du préfet Jacques Gandouin et de Manuel Rosenthal, à l'occasion du cinquantenaire de la mort de Maurice Ravel
Yves Milon (texte), Thomas Renaut (photographies) et Claude Moreau (légendes) (préf. Manuel Rosenthal), Maurice Ravel à Montfort l’Amaury, Paris, ASA Editions, , 112 p. (ISBN2-911589-10-6, BNF37032037)
Ouvrage richement illustré de clichés disponible à la Maison du tourisme de Montfort-l'Amaury
De nombreux détails sur Le Bélvédère figurent dans les écrits de Maurice Ravel à compter de janvier 1921
Articles et chapitres de livres
Jacques Gandouin, « Ravel à Montfort-l’Amaury. Le Belvédère », Cahiers Maurice Ravel, no 1, , p. 21-31 (ISSN0769-7945)
André Surrans, « Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury, le microcosme », Le regard du musicien, Paris, Ed. Plume, , p. 32-37 (ISBN2-908034-70-0, BNF35610078)
Bertrand Pouradier-Duteil (préf. Jean Mongrédien), « Montfort-l’Amaury. Yvelines. Maurice Ravel. Un monsieur simple et sociable », Parcours musical en Ile-de-France. Compositeurs et lieux de mémoire, Paris, Textuel / Association régionale d'information et d'actions musicales en Ile-de-France (ARIAM), , p. 106-108 (ISBN2-909317-06-4, BNF35741655)
Dominique Camus (texte) et Thibaut de Wurstemberger (photos), « Le Belvédère, l’ermitage de Ravel », Le guide des maisons d'artistes et d’écrivains en région parisienne, Lyon, La Manufacture, , p. 143-150 (ISBN2-7377-0371-9, BNF37155709)
Gérard Gefen (texte), Christine Bastin (illustrations / graphisme) et Jacques Evrard (illustrations / graphisme), Maisons de musiciens, Paris, Éditions du Chêne, , 200 p. (ISBN2-84277-039-0, BNF36697290), p. 168-177
Hélène Rochette, « Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury », Maisons d’écrivains et d’artistes. Paris et ses alentours, Paris, Éditions Parigramme / CPL, , p. 88-91 (ISBN2-84096-227-6, BNF39199861)
Pascale Thuillant (reportage) et Philippe Louzon (photos), « Visite privée. La maison de Maurice Ravel », Art & Décoration, no 476, , p. 40-49 (ISSN0004-3168)
Anne Le Galadec (texte) et M. Pipart (photos), « Petite maison, immense musicien. Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury, 1921-1937 », L’Écho du Parc [Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse], no 62, , p. 17-19 (lire en ligne)
Bénédicte Agoudetsé (texte) et Arnaud Dumontier (photos), « Le Berceau du Boléro. Chez Maurice Ravel à Montfort-l'Amaury », Le Parisien. Patrimoine & Balades, no 3, , p. 54-59
Guide des Maisons des illustres, Paris, Ministère de la Culture-Éditions du Patrimoine-Centre des Monuments nationaux, , 333 p. (ISBN978-2-7577-0781-4), p. 165
Plusieurs chapitres du livre sont consacrés à Céleste Albaret du temps de son engagement contractuel au Belvédère de 1955 à 1970
Agnès Chauvin et Marie-Hélène Didier, « La maison et le jardin de Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury (Yvelines) », In Situ. Revue des patrimoines, no 51, , p. 241-256 (ISSN1630-7305, lire en ligne, consulté le )
Article richement illustré de photographies en couleurs du Belvédère et du jardin et de documents d’archives, dont des dessins de Maurice Ravel conservés à la BnF
Christiane Metreau, Anne Million-Fontaine et Marion Pipart-Indjeyan, « Conversation sur… le rayonnement du Belvédère », MLA Mag. Le Bulletin municipal de Montfort-l’Amaury, , p. 19-22 (lire en ligne, consulté le )
↑René Kerdyk, « L'Impromptu du Belvédère », La Revue musicale, , p. 224-225 (lire en ligne)
↑Roland Merlin, « Le grand silence de Maurice Ravel », La Bataille politique et littéraire, no 94, , p. 5 (lire en ligne)
↑Manuel Cornejo, « Madame Reveleau, la fidèle gouvernante de Maurice Ravel au Belvédère de 1921 à 1937. “Mon maître, c’était un vrai aristo” », Cahiers Maurice Ravel, no 17, 2014-2015, p. 121-132. (ISBN978-2-8404-9587-1)
↑ ab et cChristiane Metreau, Anne Million-Fontaine et Marion Pipart-Indjeyan, « Conversation sur… le rayonnement du Belvédère », MLA Mag. Le Bulletin municipal de Montfort-l’Amaury, , p. 19 (lire en ligne, consulté le )
↑Manuel Cornejo, « Les films sur Maurice Ravel de Paul Danblon et Alain Denis (1). À la recherche de Maurice Ravel (RTBF, 1967). Interviews à Montfort-l’Amaury de Georges Labadie, Jacques Drouot, René Sèvegrand et Manuel Rosenthal », Cahiers Maurice Ravel, no 16, 2013-2014, p. 91-112 (ISBN978-2-8404-9680-9)
↑Colette Durègne, « Pour le 25e anniversaire de sa mort. Ravel et Montfort », Pays d'Yvelines de Hurepoix et de Beauce, no 6, , p. 4-9
↑Jacques Gandouin, « Bilan d'une année », Pays d'Yvelines de Hurepoix et de Beauce, no 7, , p. 1
↑« 25e anniversaire de la mort de Maurice Ravel. 29 décembre 1962 Concert à Montfort-l’Amaury », Pays d'Yvelines de Hurepoix et de Beauce, no 7, , p. 2
↑« Le 25e anniversaire de la mort de Maurice Ravel », Annales de l’Université de Paris, , p. 146-147
↑(en) Ned Rorem, « Historic Houses: Maurice Ravel at Le Belvédère. A Serene Sitting for the French Composer », Architectural Digest, , p. 182-188 & 212 (ISSN0003-8520)
↑Martine Berger, « Montfort-l’Amaury. À la rencontre de… Maurice Ravel. Celles qui veillent sur la maison », Les Nouvelles de Rambouillet, no 2175,
↑Martine Berger, « Montfort-l'Amaury. Maurice Ravel... ou les sortilèges de l'Enfant », Les Nouvelles de Rambouillet,
↑« Notre patrimoine en valeur... Le Musée Ravel retrouve son éclat. Claude Moreau témoigne : Maurice Ravel et son Belvédère », Montfort-l'Amaury. Bulletin municipal, , p. 6
↑Jean-François Coffin, « La renaissance du jardin de Ravel », Jardins de France, (lire en ligne)
↑(en) Robert Adelson, « Maurice Ravel », The History of the Erard Piano and Harp in Letters and Documents, 1785-1959, Cambridge, Cambridge University Press,
↑Thierry Hillériteau et Léna Lutaud, « Désaccords majeurs chez Ravel », Le Figaro, 25-26 février 2017, p. 28-29 (ISSN0182-5852, lire en ligne)
↑Thierry Hillériteau et Léna Lutaud, « La mésaventure de Martha Argerich a mis le feu aux poudres », Le Figaro, 25-26 février 2017, p. 28-29 (ISSN0182-5852, lire en ligne)
↑Léna Lutaud, « La maison de Ravel bientôt monument historique ? Maurice Ravel, deuxième mouvement », Le Figaro, , p. 21-22 (ISSN1241-1248, lire en ligne)
↑Pierre de Boishue, « Sur le tournage de Boléro d’Anne Fontaine: Ravel, c’est lui ! », Le Figaro Magazine, , p. 53 (ISSN0184-9336, lire en ligne)
↑Christiane Metreau, Anne Million-Fontaine et Marion Pipart-Indjeyan, « Conversation sur… le rayonnement du Belvédère », MLA Mag. Le Bulletin municipal de Montfort-l’Amaury, , p. 22 (lire en ligne, consulté le )
↑Christiane Metreau, Anne Million-Fontaine et Marion Pipart-Indjeyan, « Conversation sur… le rayonnement du Belvédère », MLA Mag. Le Bulletin municipal de Montfort-l’Amaury, , p. 21 (lire en ligne, consulté le )