Une nouvelle est un récit habituellement court. Apparu à la fin du Moyen Âge, ce genre littéraire était alors proche du roman et d'inspiration réaliste[1], se distinguant peu du conte et de la fable. À partir du XIXe siècle, les auteurs ont progressivement développé d'autres possibilités du genre, en s'appuyant sur la concentration de l'histoire pour renforcer l'effet de celle-ci sur le lecteur, par exemple par une chute surprenante. Les thèmes se sont également élargis : la nouvelle est devenue une forme privilégiée de la littérature fantastique, policière, et de science-fiction.
En France, la nouvelle prend naissance au Moyen Âge. Elle vient s’ajouter, et en partie se substituer, à une multitude de récits brefs : fabliaux, lais, dits, devis, exemple, contes. Les nouvelles étaient d'abord de petites histoires anonymes distribuées gratuitement dans la rue, et qui se distinguaient en deux groupes : les exempla, qui étaient des récits religieux prêchant la morale et les dons à l'église, et les « canard », racontant des faits divers comme des vols, des tromperies, ou des meurtres. Ces derniers ont donné aujourd'hui le mot argotique désignant le journal, qui lui-même rapporte des faits divers.
Directement inspiré du Décaméron (1349-1353) de Boccace, le premier recueil de nouvelles françaises, anonyme, les Cent nouvelles nouvelles, est probablement paru entre 1430 et 1470[1].
Mais c’est le XVIe siècle qui verra le véritable essor du genre. En 1558, avec L'Heptaméron, Marguerite de Navarre donne au genre ses premières lettres de noblesse : dans ce recueil inachevé de 72 récits[4], voisinant avec les récits licencieux hérités des fabliaux, on trouve des histoires plus graves, où l’anecdote laisse en partie la place à l’analyse psychologique.
Premières évolutions
Publiées en 1613 et traduites en français deux ans plus tard, les Nouvelles exemplaires de Miguel de Cervantes, l’auteur de Don Quichotte, connaissent un succès considérable et constituent pour longtemps la référence. Sous leur influence, le genre subit une évolution double, déterminée par ses relations avec le roman. Dans un premier temps, on voit la nouvelle se rapprocher de celui-ci par ses sujets et sa composition : ainsi, La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette est considérée, au moment de sa parution, comme une nouvelle. Les romans contemporains intègrent d'ailleurs souvent en leur sein des nouvelles, sous la forme de digressions à l'intérieur du récit principal, ou d'histoires racontées par des personnages à d'autres. Mais la nouvelle se distingue cependant des romans de l’époque, extrêmement longs et touffus, par son action plus resserrée. C’est cette conception qui, dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, l’emporte finalement sur la nouvelle « petit roman », et qui se développe au cours du siècle suivant.
En 1614, avec ses Histoires tragiques de notre temps, François de Rosset choisit quant à lui la nouvelle pour raconter des meurtres, des viols, des affaires diaboliques, en s'inspirant des annales judiciaires du moment dans le but de susciter l'horreur.
Dans les pays anglo-saxons (et aux États-Unis en particulier), on considère que la nouvelle peut se classifier en trois catégories suivant sa longueur. L'organisation Science Fiction and Fantasy Writers of America en a donné une définition : l'histoire courte (short story) compte moins de 7 500 mots, la novelette(en) comprend les histoires entre 7 500 et 17 499 mots, et le roman court, presque un roman, comprend les histoires entre 17 500 et 40 000 mots[7].
Dans les pays francophones, la nouvelle, comme la novella[8] et le roman, n'est plus une question de longueur mais une question de conception. Une nouvelle ne porte que sur un événement et n'a pas de temps de repos pour le lecteur, une novella[9] a des événements qui se rapportent à un événement central et un roman a plusieurs événements. La novella et le roman prévoient des temps de repos pour le lecteur. On distingue aussi la nouvelle dite française dont le rythme est rapide et peu explicatif et la nouvelle dite anglaise ou allemande dont le rythme permet d’expliquer les pensées, les réactions des personnages.
La micronouvelle, récit suggestif souvent caustique caractérisé par une brièveté extrême (moins de 300 signes), est, quant à elle, de plus en plus considérée par les critiques littéraires comme un genre à part entière[10].
Poétique de la nouvelle
Cette section contient une ou plusieurs listes. Le texte gagnerait à être rédigé sous la forme de paragraphes synthétiques. Les listes peuvent demeurer si elles sont introduites par une partie rédigée et sourcée, de façon à bien resituer les différents éléments (août 2021).
Une nouvelle possède plusieurs caractéristiques qui poussent à sa brièveté.
Contrairement au roman, elle est centrée sur un seul événement.
Les personnages sont peu nombreux et sont moins développés que dans le roman.
La fin est souvent inattendue, et prend la forme d'une chute, ou « pointe »[11], parfois longue de quelques lignes seulement. Cependant, il existe aussi des textes de nouvelles « ouverts » caractérisés par une absence de pointe[11].
« Elle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de l’effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d’une haleine, laisse dans l’esprit un souvenir bien plus puissant qu’une lecture brisée, interrompue souvent par le tracas des affaires et le soin des intérêts mondains. L’unité d’impression, la totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu’une nouvelle trop courte (c’est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu’une nouvelle trop longue. L’artiste, s’il est habile, n’accommodera pas ses pensées aux incidents, mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à amener l’effet voulu. Si la première phrase n’est pas écrite en vue de préparer cette impression finale, l’œuvre est manquée dès le début. Dans la composition tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité. »
« Si l'on peut utiliser le roman en débarras fourre-tout, c'est impossible pour la nouvelle. Il faut mesurer l'espace imparti à la description, au dialogue, à la séquence. La moindre faute d'architecture y apparaît. Les complaisances aussi. Parfois, je songe que la nouvelle m'épanouit parce que je suis d'abord un homme de théâtre. On sait depuis Anton Tchekhov, Luigi Pirandello ou Tennessee Williams, que la nouvelle convient aux dramaturges. Pourquoi ? Le nouvelliste a le sentiment de diriger le lecteur : il l'empoigne à la première phrase pour l'amener à la dernière, sans arrêt, sans escale, ainsi qu'il est habitué à le faire au théâtre. Les dramaturges aiment la nouvelle parce qu'ils ont l'impression qu'elle ôte sa liberté au lecteur, qu'elle le convertit en spectateur qui ne peut plus sortir, sauf à quitter définitivement son fauteuil. La nouvelle redonne ce pouvoir à l'écrivain, le pouvoir de gérer le temps, de créer un drame, des attentes, des surprises, de tirer les fils de l'émotion et de l'intelligence, puis, subitement, de baisser le rideau. »
Cette section contient une ou plusieurs listes. Le texte gagnerait à être rédigé sous la forme de paragraphes synthétiques. Les listes peuvent demeurer si elles sont introduites par une partie rédigée et sourcée, de façon à bien resituer les différents éléments (mars 2021).
↑Mary Louise Pratt, The Short Story: The Long and the Short of It, in The New Short Story Theories, éd. Charles May, Ohio UP, Athens, 1994 et Gitte Mose, Danish Short Shorts in the 1990s and the Jena-Romantic Fragments, in The Art of Brevity: Excursions in Short Fiction Theory and Analysis, éd. Per Winther, Jakob Lothe et Hans H. Skei, Université de Caroline du Sud, Columbia 2004.
↑ a et bFlorence Goyet, La Nouvelle 1870-1925, Description d'un genre à son apogée, Paris, Presses universitaires de France, , 261 p. (ISBN2130453406), p. 48-60.
(en) The Classic Short Story, 1870-1925. Theory of a Genre, Cambridge UK, Open Book Publishers, (lire en ligne)
George Hainsworth, Les Novelas exemplares de Cervantes en France au XVIIe siècle, contribution à l’étude de la nouvelle en France, Paris, H. Champion, 1933
René Godenne, Histoire de la nouvelle française aux XVIIe et XVIIIe siècles, Genève, Droz, 1970, 354 p.
René Godenne, « La nouvelle française », Études françaises, volume 12, numéro 1-2, avril 1976, p. 103-111 (lire en ligne).
Gabriel-André Pérouse, Nouvelles françaises du XVIe siècle, images de la vie du temps, Genève, Droz, 1977.
Alain Cullière, « La première anthologie européenne francophone de la nouvelle (1578) », La nouvelle de langue française aux frontières des autres genres, du Moyen Âge à nos jours, volume 2, actes du colloque de l’Université catholique de Louvain (mai 1997), Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, 2001, p. 62-75.
Nelly Labère, Défricher le jeune plant. Étude du genre de la nouvelle au Moyen Âge, Paris, Champion, 2006, 1061 p.
Anne Boutet, Les recueils français de nouvelles du XVIe siècle, laboratoires des romans comiques, thèse soutenue le à l’université François-Rabelais de Tours.
Tiphaine Rolland et Romain Weber, Ventre d’un petit poisson, rions ! Liminaires des recueils plaisants (XVe-XVIIe s.), Reims, Éditions et Presses Universitaires de Reims, coll. Héritages critiques, 2022, 628 p.