Le principe de l'identité des octaves était connu de l'Antiquité. Aristote écrit :
L’antiphone [l'octave] est produit par (les voix) des enfants et celles des jeunes gens et des hommes, lesquelles diffèrent d’intonation dans le même rapport que celui de la nète [la plus aiguë] à l’hypate [la plus grave]. Toute consonance est plus agréable qu’un son simple, pour quelles raisons, on l’a dit plus haut, et parmi ces consonances, l’octave est la plus agréable[1].
Le statut particulier de l'octave dans l'audition a été étudié et confirmé par des études psychoacoustiques. Il est possible qu'il s'agisse d'un biais culturel ; mais il pourrait aussi avoir une base physiologique[7].
Acoustique musicale
Du point de vue de la production du son musical, si une corde ou une colonne d'air dans un tuyau vibre dans son mode normal à une fréquence de f Hz, une corde ou colonne de la moitié de sa longueur sonnera à l'octave supérieure (doublement des vibrations, f multiplié par deux). Diviser encore par deux la longueur aboutit à deux octaves (quart de la longueur, f multiplié par quatre), diviser encore par deux donne le huitième de la longueur et trois octaves.
la soprano, sonnant une octave au-dessus, mesure environ 30 cm,
le garklein, 15 cm.
À l'opposé, pour descendre d'une octave, la longueur doit être multipliée par deux, pour deux octaves par quatre, et pour trois octaves, par huit.
Exemple des hautbois :
Le hautbois, d'environ 60 cm, sonne deux octaves au-dessus du basson, d'à peu près 240 cm et trois octaves au-dessus du contrebasson, d'environ 480 cm.
Les études sur les cordes et tuyaux vibrants des instruments de musique ont débouché sur la notion physique de fréquence. En définissant un son musical par sa fréquence fondamentale, on relie, malgré quelques anomalies, la perception musicale de la hauteur et la physique[8]. L'intervalle d'octave correspond au doublement de la fréquence fondamentale.
Octaves du la :
Si on choisit comme point de départ la notela, la fréquence fondamentale du diapason standardisé est 440 Hz. Les octaves situées de part et d'autre de cette note auront pour extrémités les fréquences : 55, 110, 220, 440, 880, 1 760 Hz, et ainsi de suite[a].
Le rapport des fréquences fondamentales de deux notes à l'octave est donc de 2 ; pour deux notes séparées de octaves, le rapport entre les fréquences est de . On a donc . Ceci établit une échelle logarithmique des fréquences, dont l'unité est l'octave. L'écart en octaves entre deux fréquences et quelconques est :
Écart en octaves :
avec le logarithme de base 2, qu'on peut calculer en divisant le logarithme du rapport par celui de 2 dans la même base.
Un écart nul correspond à un rapport de fréquence unitaire, donc des fréquences égales. Si l'écart est positif, la fréquence est plus grande que la fréquence . Les définitions de la physique sont indépendantes de la perception humaine ; mais s'il s'agit de fréquences sonores audibles, le son correspondant à est plus aigu. Inversement, si l'écart est négatif, la fréquence est plus petite que la fréquence et le cas échéant le son en est plus grave.
L'octave que l'acoustique définit rigoureusement ne coïncide pas exactement avec la perception musicale pour les notes les plus aiguës du piano.
Usage technique
Les techniques de l'électronique se sont appliquées, depuis les années 1920, à la reproduction musicale. On exprime souvent les rapports de fréquences du signal électrique en octave et en fractions d'octave, bien qu'on préfère souvent la décade[9]. Par exemple, les filtres de pondération des mesures de la sonie se définissent en tiers d'octave ou en octave ; les réglages des égaliseurs dits graphiques présentent une tirette verticale par tiers d'octave ; la pente d'un filtre électronique s'exprime souvent en décibels par octave.
Exemple — pente d'un filtre du premier ordre :
La pente d'un filtre passe haut du premier ordre peut se dire :
de 6 dB par octave,
de 20 dB par décade,
de 1.
Dans ce dernier cas, on sous-entend que la pente de l'asymptote sur le diagramme de Bode est 1, c'est-à-dire que le logarithme du niveau est égal à celui du rapport de la fréquence à la fréquence de coupure.
Le spectre sonore s'étend sur une dizaine d'octaves, de quelques hertz à environ 16 kHz. Les mesures acoustiques pouvant s'étendre dans les infrasons et dans les ultrasons, la norme ISO 266:1997 définit des intervalles d'octave, demi-octave et tiers d'octave autour de la fréquence de référence de 1 kHz, centrés de 1,25 Hz à 20 kHz.
Pour différencier les octaves de notes de même nom, on indique un numéro d'octave. Le changement d'octave se fait à partir du do : on passe du si2 au do3. La convention française donne le numéro 3 à l'octave qui contient le la du diapason à 440 Hz, qui se note « la3 ». Dans ce système, le la de 220 Hz sera le la2.
Les logiciels d'édition et composition musicales les plus répandus utilisent la convention dite scientifique, en vigueur aux États-Unis, dans laquelle la numérotation des octaves commence à zéro, et qui par conséquent ont une unité de plus. Le la3 est ainsi noté A4[11].
Dans le système français (et plus largement dans la notation latine), au-dessous de l'octave 1 se trouve l'octave -1. Il n'y a pas d'octave zéro[12],[13]. Dans le système américain, la numérotation va de 0 à 8.
Correspondances des différents systèmes de notation
L'oreille humaine perçoit les sons dans des fréquences comprises entre quelques hertz et 15 000 Hz[b], bien qu'en fait les limites dépendent du niveau sonore et de la durée du son et varient d'un individu à l'autre[14]. La note la plus grave d'un piano normal est le la-2 à 27,5 Hz[c].
L'intervalle du demi-ton, utile à la musique, est trop étroit pour des applications scientifiques et techniques. Dans ce contexte, on divise, si nécessaire, l'octave en tiers. Un tiers d'octave correspond à un rapport de fréquences d'un peu plus d'un quart (1,26 environ). On retient facilement la série des valeurs normalisées, 100, 125, 160, 200, 250, et ainsi de suite, les valeurs doublant en trois étapes.
La série ISO 266:1997 en tiers d'octave et celle en dixième de décade coïncident à moins de un pour cent près. Une décade correspond à un facteur 10, dix tiers d'octave correspondent à un facteur 10,08[d]. Le principe d'incertitude rend la différence négligeable pour les durées d'analyse ordinaires.
Les petits écarts de fréquences se repèrent sur des échelles dont la plus petite division est inférieure au seuil de discrimination des auditeurs. Le cent se définit comme un centième de demi-ton, c'est-à-dire un mille deux centième d'octave.
On exprime aussi ces écarts en décade, c'est-à-dire en logarithme décimal de l'écart entre deux fréquences, autrefois plus simple à calculer. L'octave garde la faveur des praticiens entraînés à reconnaître des intervalles musicaux à l'oreille. Le millième de décade s'appelle le savart.
La norme ISO 266:1997[15] définit des bandes en décades et dixièmes de décades.
Autres dénominations
L'intervalle d'octave a parfois été appelé, surtout dans des publications anglophones, par son nom grec issu du pythagorisme : diapasôn, faisant suite au diatessarôn (quarte) et au diapente (quinte)[16],[17].
Michèle Castellengo (préf. Jean-Sylvain Liénard et Georges Bloch), Ecoute musicale et acoustique : Avec 420 sons et leurs sonagrammes décryptés, Paris, Eyrolles, , 541, + DVD-rom (ISBN978-2-212-13872-6, présentation en ligne), p. 229-279 « Perception des qualités sonores : la hauteur des sons isolés »
Laurent Demany, « Perception de la hauteur tonale », dans Botte & alii, Psychoacoustique et perception auditive, Paris, Tec & Doc, , p. 48
↑On parle ici de sons musicaux suffisamment riches en partielsharmoniques. Pour un son pur, sans harmoniques, la perception d'un même intervalle tonal exige une multiplication de la fréquence par un facteur qui augmente avec la fréquence. On a déterminé à partir d'expériences avec les sons purs une échelle de Mel qui diverge notablement de la progression géométrique prévue par la théorie musicale (Demany 1999, p. 46-47). Les instruments de musique comportant des partiels pratiquement harmoniques, ceux-ci contribuent à la sensation sonore, et pour la musique l'écart à la théorie est en pratique moindre. Pour une octave qui sonne juste, il faut augmenter un peu la fréquence d'accord au-delà de 500 Hz. Pour la note la plus aigüe du piano, cet ajustement est de l'ordre de 20 cents, soit 1 % (voir Inharmonicité du piano). Cette légère divergence est sans commune mesure avec celle de l'échelle des mels : c'est que même pour les notes les plus aiguës du piano, les trois premières harmoniques sont présentes et dans le domaine audible.
↑Les limites de reproduction des systèmes haute-fidélité sont 20 et 20 000 Hz ; en audiométrie on explore de 125 Hz à 16 kHz et pour les mesures de bruit, on considère les basses fréquences à partir de 1 Hz, et jusqu'à 14 kHz. Les études psychoacoustiques ont montré que les personnes entraînées peuvent identifier les intervalles musicaux entre sons purs entre 60 Hz et 5 kHz environ (Demany 1999, p. 48). Pour les sons musicaux en dessous de 60 Hz, les partiels plus aigus permettent d'identifier la note, bien qu'avec moins de précision. La limite aigüe est un peu plus haut que la note la plus aigüe du piano (accordée à 4,2 kHz environ).
↑La note la plus grave du piano de concert Bösendorfer 290 est le do-2, à 16,35 Hz
↑Dix octaves correspondent à une multiplication de fréquence dix fois par deux, soit en tout 1024, tandis que trois décades font un facteur 1000. On compare le rapport d'une décade à la racine cubique de celui de dix octaves. La racine cubique de 1024 est à peu près 10,08.
Références
↑Aristote, Problèmes musicaux, 39. Traduction française de Ruelle, Revue des Études grecques IV/15, 1891. En ligne
↑A. M. S. Boetius, De institutione musica, Livre 5, chapitre X. En ligne
↑Hucbald de Saint-Amand, Musica, vers 900, Gerbert, Scriptores I, p. 107
↑Francisco Salinas, De musica libri septem, Salamanca, 1577, p. 52-53
↑Jean-Philippe Rameau, Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels, Paris, Ballard, 1722, p. 6-9.
↑« ... the octave is by no means a self-evident interval in primitive music ». (en) Curt Sachs et Jaap Kunst (ed.), The Wellsprings of Music, La Haye, Martinus Nijhoff, , p. 54.