Pour MgrClaude Dagens, le travail de la mémoire n'est pas fait pour aggraver une culpabilité collective par rapport à des images réductrices de l'Église, mais au contraire pour libérer la conscience sous le regard de Dieu et pour aller de l'avant[1].
Relation avec les Églises d'orient
La « purification de la mémoire » a été évoquée par Jean-Paul II lors la visite de courtoisie à S.B. Christodoulos, archevêque d'Athènes, en Grèce, le : il s'agit essentiellement d'expurger l'historiographie ecclésiale des biais issus, depuis le Schisme de 1054, des chancelleriespapales rejetant la responsabilité de la séparation sur les seules églises orientales, qualifiées de schismatiques tandis que leur doctrine (dite des sept conciles) était qualifiée de dissidente (bien qu'à l'instar du christianisme primitif, elle n'admette ni purgatoire, ni filioque, ni célibat des prêtres, ni indulgences, ni primauté séculière du pape, ni inquisition). Comme l'Église de Rome revendiquait pour elle seule le Patrimonium Petri (l'« héritage de Saint-Pierre », alors que les « Actes de Pierre » sont apocryphes), par contraste les autres églises ont été délégitimées en occident. Forte de ces arguments, la Quatrième croisade a mis à sac Constantinople. Sur de telles bases, toute l'histoire du christianisme et des civilisations a été réécrite durant les siècles suivants, et a formé dans cet esprit des milliers de lettrés occidentaux, qui récusent et occultent complètement l'héritage grec, ne reconnaissent avoir retrouvé les savoirs antiques que par les Arabes[2].
Les Vénitiens, les Génois et les Florentins n'en ont pas moins puisé directement aux sources grecques grâce à des lettrés tels Gemiste Pléthon, Georges de Trébizonde, Démétrius Chalcondylas, Jean Bessarion ou Jean Lascaris. Mais ce transfert de connaissances et d'idées est généralement oublié, jusqu'à Voltaire qui affirmait détester Byzance où il ne voyait ni sciences, ni techniques, ni arts, ni subordination des religions au pouvoir civil, mais seulement une théocratie décadente et malsaine, une théocratie orthodoxe (mot devenu en occident synonyme de "dogmatique"). Dans cette réécriture, le christianisme occidental récuse ses racines orientales, et judaïques pour construire sa légitimité uniquement sur la succession des pontifes de Rome et sur la conversion des rois germaniques, tels Clovis. La « purification de la mémoire » consiste à abandonner cette réecriture de l'histoire du christianisme[3].
Au XVIIIe siècle, devant la preuve optique de la trajectoire orbitale de la terre, l'Église reconnut la valeur des travaux de Galilée : le pape Benoît XIV fit donner l'imprimatur aux œuvres de Galilée en 1741, et leva l'Index sur les œuvres ayant trait à l'héliocentrisme en 1757.
La dernière résistance se présenta dans les années 1820 : en 1820, le chanoine Settele s'apprêta à publier des éléments d'optique et d'astronomie. Après un premier refus du père Anfossi, l'auteur interjeta auprès du pape Pie VII qui accorda un avis favorable en 1822.
L'Église reconnaît ses erreurs, et elle considère que l'on ne peut pas vraiment parler de réhabilitation, puisque l'institution qui a condamné Galilée n'existe plus. Les levées d'index de 1741 et 1757 sont implicitement des réhabilitations. [réf. nécessaire]
Pie XII a accueilli la théorie du Big Bang par cette expression : « Fiat lux ! »
Le (célébration du centième anniversaire de la naissance d'Albert Einstein), le pape Jean-Paul II exprima le souhait que « des théologiens, des savants et des historiens, animés par un esprit de sincère collaboration, approfondissent l'examen du cas Galilée et, dans une reconnaissance loyale des torts de quelque côté qu'ils viennent, fassent disparaître la défiance que cette affaire oppose encore, dans beaucoup d'esprits, entre science et foi. »
Jean-Paul II a nommé le une « commission pontificale d'étude de la controverse ptoléméo-copernicienne aux XVIe-XVIIe siècles ».
« Ainsi la science nouvelle, avec ses méthodes et la liberté de recherche qu'elle suppose, obligeait les théologiens à s'interroger sur leurs propres critères d'interprétation de l'Écriture. La plupart n'ont pas su le faire.
Paradoxalement, Galilée, croyant sincère, s'est montré plus perspicace sur ce point que ses adversaires théologiens. "Si l'écriture ne peut errer, écrit-il à Benedetto Castelli, certains de ses interprètes et commentateurs le peuvent, et de plusieurs façons". On connaît aussi sa lettre à Christine de Lorraine (1615) qui est comme un petit traité d'herméneutiquebiblique. »
(extrait du discours de Jean-Paul II à l'Académie pontificale des sciences le )
On notera que le document cité ne fait aucune allusion au fait qu'une abjuration entièrement rédigée par l'inquisition, comme l'indique l'article Galilée cité ci-dessus, a été extorquée à Galilée sous menace de torture du pape, cette abjuration restant d'ailleurs sans pardon, et n'évitant pas à Galilée d'être mis en prison, peine commuée ensuite en assignation à résidence.
La purification de la mémoire a été évoquée au sujet de la Shoah. Le papeJean-Paul II a appelé les chrétiens à prendre conscience de la spécificité de la Shoah[5]
En mars 2017, lors d'un colloque historique organisé par le Comité pontifical des sciences historiques à l'occasion du cinquième centenaire de la Réforme luthérienne, le pape François a estimé que le temps était venu d’une « purification de la mémoire » en rappelant qu’en tant que chrétiens, luthériens et catholiques sont « tous appelés à se libérer des préjugés contre la foi que d'autres professent avec un accent et un langage différents, à échanger mutuellement le pardon pour les péchés commis par nos pères, et à invoquer ensemble Dieu pour le don de la réconciliation et de l’unité »[7].
Notes
↑MgrClaude Dagens, Entre épreuves et renouveaux, la passion de l'évangile, indifférence religieuse visibilité de l'Église et évangélisation, Bayard / Cerf / Fleurus-Mame, p. 80
↑Voir Discours de Jean-Paul II à sa S.B. Christopoulos, archevêque d'Athènes et de toute la Grèce.
↑Gilles Grivaud (éditeur), Le(s) mishellénisme(s), Actes du séminaire tenu à l'École française d'Athènes, 16-18 mars 1998, Athènes, éd. École française d'Athènes (coll. Champs helléniques modernes et contemporains 3), 2001.