Renato Zavagli est né d'un père aristocrate italien[2], le comte Zavagli-Ricciardelli delle Caminate, et d'une mère française de l'aristocratie parisienne, Marie Gruau de la Chesnaie, dont il gardera plus tard le nom de jeune fille. Le couple se sépare alors que Renato Zavagli est encore jeune enfant ; il vit alors avec sa mère à Milan[1].
Agé de quinze ans en 1924 et abandonnant son idée de devenir architecte, René Gruau — il utilise le nom de sa mère et francise son prénom — s'installe à Paris et publie son premier dessin de dessinateur de mode sur les conseils d'une rédactrice de mode italienne. Ses dessins paraissent à la suite en Italie, particulièrement dans le magazine de modeLidel, mais aussi en Allemagne et Angleterre. À l’époque, les magazines utilisent plutôt des illustrations que des photographies. Dès 1930, il réalise une première illustration pour Balmain[2].
De 1935 à 1939 sa réputation grandit, il est publié dans Femina, Marianne, Marie Claire, Silhouettes,
L'Officiel, le magazine du Figaro, et d'autres publications aux États-Unis et en Angleterre.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il vit à Lyon puis à Cannes. Installé à Cannes, 1946 marque réellement le début du succès, et sa première collaboration avec International Textiles[3] pour lequel il dessinera toutes les couvertures jusqu’en 1984.
1947 marque le début de sa longue collaboration avec Dior avec lequel il contribue à lancer le New Look d'après-guerre[1]. L'année suivante il part aux États-Unis et travaille pour Harper's Bazaar et occasionnellement pour Vogue[n 1], puis devient l'artiste exclusif de Flair.
À partir de 1956, il se consacre aux cabarets du Lido (il dessinera pour cet établissement jusqu'en 1994), du Moulin Rouge à partir de 1961, au Casino de Paris, et collabore avec Jacques Fath, l'entreprise Boussac propriétaire de Christian Dior, Eminence, Blizzand (imperméables). Au cours de sa carrière, ce sont 167 marques de luxe qui utilisent ses illustrations[2]. Il collabore également à de nombreux magazines pour les hommes comme Adam, Club ou Sir[6]. Il dessine également pour le théâtre, des décors et des costumes. Ces années-là marquent la suprématie de la photographie au détriment de l'illustration dans la presse ; René Gruau va alors se spécialiser dans la publicité de mode en plus du théâtre, pour revenir de temps en temps vers le dessin de mode.
De 1950 à sa disparition en 2004 à Rome[7], celui qui sera surnommé « le dernier survivant des grands illustrateurs de mode[4] » alors que l'illustration a perdu dans les magazines sa prédominance face à la photographie, travaille pour les plus grands noms de la couture, Balmain, Balenciaga, Givenchy, Rochas, tout en continuant les dessins de mode pour Elle, Vogue, Madame Figaro, et L'officiel de la Couture[8].
Dès 1977, mais surtout à partir de 1986, de nombreuses expositions de ses illustrations[n 2] ont lieu en France ou à l'étranger, retraçant une carrière définie par Stéphane Rolland comme « une grâce infinie, image d'un parisianisme mondain, détaché et insolent[10]. »
Dior
L'histoire de René Gruau est intimement liée à la marque Dior et à son couturier[n 3] : tous deux sont de jeunes illustrateurs d'une vingtaine d'années lorsqu'ils se rencontrent en 1930 au Figaro[11],[12].
En 1947 son ami Christian Dior lui commande le dessin publicitaire du premier parfum, Miss Dior[n 4], ainsi que de la fameuse veste « Bar » symbole du New Look[11]. Il fait la campagne pour le second parfum, Diorama, la lingerie et les bas… Dans les années 1950, alors qu'il est demandé par tous les couturiers, Gruau dessine l'affiche de lancement de Diorissimo[13], puis pour le rouge à lèvresRouge baiser[14]. Pourtant, la photographie remplace peu à peu l'illustration dans les publicités. Mais Dior reste fidèle. En 1968, c'est la campagne pour Eau sauvage qu'il signe, des dessins transformés en publicité télévisée[15]. D'autres œuvres resteront emblématiques : la ligne de maquillage Diormatic en 1971, le parfum Diorella daté de l'année suivante avec l'image d'une femme moderne en pantalon…
Il restera fidèle pendant quarante ans aux Parfums Christian Dior, jusqu'aux années 1980 où il signera la campagne de publicité du parfum pour homme, Jules[6]. René Gruau a, selon John Galliano, « capturé le style et l'esprit Dior[16] », tout en mouvements, avec la représentation d'une Parisienne chic[17], et à l'aide de ses trois couleurs fétiches : le rouge, le noir et le blanc.
Début 2011, Galliano présente une collection haute couture — sa dernière — en hommage au style fluide[n 5], aux effets ombrés contrastés et aux couleurs en clair-obscur[2],[18], au trait noir et épais qui cerne la silhouette[19] de l'illustrateur[20],[21],[22].
Œuvres publiées
Illustrations
Dans un grand nombre de magazines dont:
Femina : (pages de mode et couvertures) de 1935 à 1939 et de 1945 à 1948, puis en 1952
L'Officiel : (pages de mode et couvertures) en 1940 et de 1946 à 1953 en 1958, 1960, 1964, 1968, et 1989
Adam : (couvertures et quelques articles) de 1948 à 1957
Vogue : (couvertures et pages de mode) de 1945 à 1948
↑Après Guerre, René Gruau travaillera pour Vogue, principalement l'édition américaine ; il ne collaborera que ponctuellement pour l'édition française[4] ; par la suite, la prédominance sera sur l'édition française. Dans tous les cas, son activité dans la publicité ainsi que sa proximité avec Dior fait qu'il ne pourra collaborer pleinement avec Vogue[5].
↑La plus grande collection privée d'illustration de René Gruau appartient à l'hôtel Negresco[9].
↑« […] on le [René Gruau] crédite d'avoir été le premier styliste pour homme (il dessina pour Christian Dior une collection qui ne vit pas le jour)[6] »
↑Miss Dior : Une femme blonde simplement habillée d'un gant et tenant une fleur ; un cygne blanc avec un nœud noir et perles blanches sera un autre dessin daté de 1949, accompagné également du dessin d'une main de femme sur un félin, pour le même parfum.
↑La fluidité est un sujet récurrent chez Gruau qui précise : « l´élégance est un fluide, donc par nature difficile à définir, mais elle est faite de vouloir et de savoir, de grâce, de raffinement, de perfection, de distinction ».
Références
↑ ab et cDocumentaire L'Élégance du dessin : René Gruau par Adolfo Conti, diffusé sur Arte le 3 mars 2013.
↑Benedicte Menu, « Jeanne Augier, la Dame du Negresco », sur lefigaro.fr, (consulté le ) : « […] une affiche de René Gruau (l'hôtel en possède la plus grande collection privée) »