La rue porte depuis le XIIIe siècle le nom du « mont Orgueilleux » (vicus Montis Superbi), car elle conduisait sur une hauteur, ou un petit mont (actuellement quartier de Bonne-Nouvelle), dont la rue Beauregard occupe le sommet[1].
D’après le roman de Victor Hugo (Les Misérables), la rue de Montorgueil devrait son nom à l’instrument utilisé pour porter de lourdes charges sur une basse hauteur, le cric, appelé jadis « l’orgueil ».
Historique
Une requête des habitants de la rue Montorgueil, en date du , demande la démolition d'une fausse porte située en cet endroit, car celle-ci crée un rétrécissement de la voie qui cause de grands embouteillages, agrémentant des dépôts d'immondices, de puanteurs et d'infections, comme si c'était une voirie, ainsi qu'une prolifération de voleurs. Cette démolition est accordée en 1503[2].
À partir de l'ouverture de la porte Poissonnière dans l'enceinte de Louis XIII en 1645, la rue était également le lieu d'arrivée des pêches venues des ports du nord de la France (chemin des Poissonniers), en particulier les huîtres, dont un marché se trouvait à l'emplacement de la rue Étienne-Marcel. Cette pratique perdure, notamment avec le restaurant Au Rocher de Cancale (au no 59 puis au no 78), alors que le bureau de vente de la Société des huitres d'Étretat et de Dieppe se trouvait aux no 61-63 et que celles de Fécamp étaient vendues près de la rue Tiquetonne. Dans la cour de l'auberge Le Compas d'Or se trouvait un hangar à diligences qui partaient vers Dreux[3].
Elle est citée sous le nom de « rue de Montorgueil » dans un manuscrit de 1636 dont le procès-verbal de visite, en date du , indique qu'elle est « orde, boueuse, avec plusieurs taz d'immundices ».
En 1660, un établissement de religieuses de la Visitation s'installe dans la rue ; elles le quittent en 1673 pour s'installer rue du Bac.
La partie de la rue Montorgueil, qui finit à la rue Saint-Sauveur, elle se nommait au treizième siècle, « Vicus Montis superbi » (rue du Mont-Orgueilleux) car elle conduisait à un monticule ou butte dont la rue Beauregard occupe aujourd'hui le sommet. Cette voie publique s'étendait autrefois, sous le nom de « rue Montorgueil », jusqu'au boulevard.
No 51 : immeuble du XVIIIe siècle abritant, au rez-de-chaussée, la « pâtisserie Stohrer » fondée en 1720[17]. À l’origine du baba au rhum, cette boutique célèbre à la fin du XIXe siècle possède des panneaux décoratifs de Paul Baudry. Plusieurs peintres l'ont représentée.
No 64 : entrée de l'auberge « Le Compas d'Or », installée ici depuis le XVIe siècle, dont l'immeuble situé à l'angle de la rue Marie-Stuart[18] englobait les nos 64 à 74 implantés à l'intérieur[19]. La cour comporte alors un ancien et vaste hangar abritant les diligences en partance pour Dreux, Creil et Gisors ; sa charpente reposant sur des piliers en maçonnerie atteint 15 mètres de portée et s'étend sur environ 20 mètres de profondeur[20]. Le , dans l'un des logements en fond de cour, Lacenaire et son complice Pierre Victor Avril, un menuisier de 25 ans, tentent d'assassiner le garçon de recettes Genevray, âgé de 18 ans. Bien que blessé, celui-ci hurle et les met en fuite[21]. Dans « Le Ventre de Paris », Émile Zolacite l'établissement. Kléber Bénard et Jean-Marcel Poyer, membres de la bande à Bonnot, y partagent une chambre du 2 janvier au [22] ; ce dernier y sera arrêté par la police[23]. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, le bâtiment abrite aussi le restaurant « Philippe », alors renommé. L'ensemble est démoli en 1927 pour faire place à l'immeuble actuel.
No 67 : le , Jean Diot et Bruno Lenoir - le premier domestique, âgé de 40 ans ; le second cordonnier, âgé de 21 ans - sont surpris par un agent du guet« en posture indécente et d’une manière répréhensible ». Arrêtés puis jugés, ils sont condamnés à être brûlés vifs en place de Grève le suivant. Par clémence, ils sont « secrètement étranglés avant de sentir le feu ». Ce sont les dernières personnes exécutées en France pour homosexualité. Depuis le , une plaque posée sur la chaussée, au croisement de la rue Bachaumont, rend hommage aux deux hommes[24]. Le , une plaque identique est inaugurée sur la façade du 1 rue Léopold-Bellan[25].
Nos 73 et 1, rue Léopold-Bellan : immeuble d'angle, de style rocaille, construit entre 1743 et 1746 pour le maître-maçon Étienne Regnault[11], dont on aperçoit les initiales sur la barre d'appui en ferronnerie aux fenêtres des trois premiers étages[26] ; à l'angle de ces rues se dresse un panneau Histoire de Paris.
Nos 78 et 73-75, rue Greneta : restaurant « Le Rocher de Cancale »[27].
Victor Hugo évoque la rue Montorgueil dans « Les Misérables » (1862) : « À la fatigue, pour filer un câble, pour virer un cabestan, Jean Valjean valait quatre hommes. Il soulevait et soutenait parfois d’énormes poids sur son dos, et remplaçait dans l’occasion cet instrument qu’on appelle cric et qu’on appelait jadis orgueil, d’où a pris nom, soit dit en passant, la rue Montorgueil près des halles de Paris ».
Dans « Le Ventre de Paris » (1873), Émile Zola cite l'auberge « Le Compas d'Or » située au n° 64 : « Vous seriez bien gentil de garder ma marchandise, pendant que je vais remiser la voiture… C’est à deux pas, rue Montorgueil, au Compas d'Or »[29].