Le Salon des XX est une exposition d'art internationale fondée à Bruxelles en 1884, par l'union de vingt artistes, le Groupe des XX, fondé par Octave Maus.
Le Groupe des XX est dissous en 1893, mais son salon est perpétué par celui de la Libre Esthétique, jusqu'à la Première Guerre mondiale. Le Salon des XX est, lors de sa création, un salon très avant-gardiste.
Généralités
Au cours de ses dix années d'existence, les XX exposent annuellement à dix reprises : de 1884 à 1893, habituellement à partir du mois de février, jusqu'à mars, et ce durant environ cinq ou six semaines. Ne disposant pas de local attitré, les expositions ont lieu dans les locaux des musées nationaux de Bruxelles[1].
Les expositions de peintures, sculptures, gravures et dessins sont ponctuellement agrémentées de conférences, de matinées littéraires, de séances musicales. Elles sont ouvertes tous les jours au public, de 10 h à 17 h, pour le prix de 50 centimes, de un franc le samedi et de deux francs lors des matinées musicales. Des cartes permanentes sont disponibles pour le prix de dix francs[2].
Selon Camille Lemonnier, lors de la première exposition des XX, les critiques exagérées dans la louange comme dans le dénigrement donnent de l'importance à l'événement. Présentés comme ennemis de toute tradition, les XX continuent en réalité à perpétuer, dans un esprit d'indépendance, la tradition de l'école qui, en Belgique, vers 1863, substitue l'étude scrupuleuse des réalités aux abstractions des peintres de 1830[3].
Bilan
Durant les dix Salons, trente-deux membres des XX exposent. Le groupe invite 127 artistes, dont la moitié sont des étrangers, issus de huit nations, n'ayant jamais exposé en Belgique[4].
Vingt-deux conférences littéraires sont données par dix-sept conférenciers belges et étrangers, de même que vingt-trois auditions musicales, dont les programmes permettent - pour la plupart - en première audition les œuvres de 57 compositeurs, dont 17 Belges, 17 Français, six Russes, quatre Espagnols et dix Allemands. Ces séances sont essentiellement interprétées, depuis 1888, par le quatuor Ysaÿe et dirigées, depuis 1888 également, par le compositeur, pianiste et chef d'orchestre Vincent d'Indy. De nombreux solistes se font connaître lors des sessions musicales, en chant, piano, harpe, instruments à vent et instrument à cordes[4].
Les recettes financières s'élèvent, en moyenne chaque année, à 4 531 francs et le nombre des entrées à 4050 visiteurs annuels. Le premier Salon de 1884 accueille 2466 visiteurs, tandis que le dernier de 1893 en accueille 3877[4].
Les dix Salons
1884 : Salon I
Le premier Salon, ou exposition internationale de peinture et de sculpture, a lieu du au au palais des Beaux-Arts, le même lieu que le Salon de Bruxelles de 1884. Quarante exposants sont présents[2].
Quatre conférences sont données lors de l'exposition. La troisième conférence traite de la « petite presse en Belgique » par Albert Giraud, tandis que le dernier conférencier invité est Catulle Mendès qui évoque la figure de Richard Wagner[5],[6].
James Ensor présente six œuvres : Chinoiseries, Les Masques, La Dame en détresse, Le Lampiste, Une Coloriste et Les Pochards. Théo Van Rysselberghe expose Le Soir et En West Flandre. La Tentation de saint Antoine de Félicien Rops fait scandale[5]. Charles Goethals expose quatre toiles : Dentellière brugeoise, La Misère - À la porte d'un Maître des Pauvres à Bruges, Le Viatique et un Portrait[6].
Camille Lemonnier écrit deux articles dans le journal La Réforme. Il y admire la Marine de Willy Schlobach, qu'il juge rayonnante, de même que ses Braconniers de la mer, une révélation témoignant d'une vision libre, saine, déliée servie par d'extrêmes adresses d'exécution. À ses yeux, un des charmes de l'exposition réside dans la visible parenté qui met entre les Vingt comme un air de famille et, en même temps, dans l'extrême variété des tempéraments. Parmi les artistes attirés par la lumière, Fernand Khnopff l'absorbe avec une douceur sereine, Frantz Charlet ne dépasse pas une gamme subtilement grise, Théo Van Rysselberghe présente une certaine mollesse dans sa facture en peignant le Soir, mais En West-Flandre marque mieux le sentiment du dessin et de l'arrangement chez le jeune peintre. Quant à James Ensor, il engendre une lassitude par la recherche trop exaspérée des finesses lumineuses, même si l'acuité de sa vision est extraordinaire. À force de viser la nature l'artiste tombe dans l'artificiel[7].
Une couronne voilée d'un crêpe signale l'absence de Périclès Pantazis, mort une semaine avant l'ouverture du Salon, mais six de ses œuvres sont exposées : Effet de lumière, La Bouillabaisse, La Drève du Caporal, Méditerranée. Mistral, Méditerranée. Temps calme et Roses[7].
Jean Delvin, Pêcheurs de Crevettes à Nieuport (1883).
1885 : Salon II
Le second Salon a lieu, du au dans l'aile gauche du palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Trente-sept exposants proposent 218 tableaux et objets de sculpture[8].
Parmi les artistes vingtistes, James Ensor expose : Huitres, L'après-dînée, Nature morte, Paysage, Poissons et Viandes. Charles Goethals expose La Fin d'une journée (West-Flandre). Fernand Khnopff envoie six œuvres, parmi lesquelles quatre portraits, La Forge Roussel et Le Vice suprême[8].
Des Belges sont invités, dont Xavier Mellery qui présente quinze œuvres, notamment : Les Portes de mon atelier, Causerie sur le pont, Déchargement d'un bateau de tourbe, Flânerie du dimanche, La Visite du colporteur, Les Fiancés, Sous le péristyle du palais Pisani à Venise et Constantin Meunier onze, dont : Camille Lemonnier, Femme en deuil, Isidore Verheyden, Charbonnage, Le Déjeuner des grésilleuses et Un Puddleur[8].
Les artistes étrangers sont notamment représentés par les peintres français Henri Fantin-Latour qui expose Fleurs, Portrait de Mme F., Tentation et deux lithographies : La Prise de Troie (Berlioz) et Parsifal (Wagner)[8]. Deux peintres italiens exposent : Antonio Mancini et Francesco Paolo Michetti, de même que Louise Catherine Breslau de nationalité suisse[4].
Plusieurs conférences sont données, notamment, la seconde par l'homme de lettres français Émile Sigogne évoquant La Tentation de saint Antoine par Gustave Flaubert. Signe de reconnaissance, le , le comte et la comtesse de Flandre, frère et belle-sœur du roi, visitent longuement l'exposition[9].
Parmi, les membres du groupe, figurent : James Ensor qui expose La Mangeuse d'huitres, Le Liseur, Un Salon bourgeois de 1881, ainsi que des croquis au crayon. Fernand Khnopff présente notamment En écoutant du Schumann qui rallie tous les suffrages, de même que Théo Van Rysselberghe et ses portraits[11].
Parmi les artistes invités, Willy Finch, belgo-finlandais, expose des toiles de facture néo-impressionniste, tandis que le norvégien Christian Krohg présente des œuvres simples et robustes, dont Sommeil. Anna Boch propose des fleurs, mais également des paysages. Claude Monet expose Grinval (une marine), Pont d'Argenteuil, Chrysanthèmes[11].
Au point de vue de la sculpture, Auguste Rodin a envoyé trois bronzes, tandis que Guillaume Charlier expose également. Au niveau littéraire, Edmond Picard lit, le son dernier ouvrage Le Juré[14].
James Ensor, souffrant, a toutefois envoyé plusieurs dessins : Tentation de saint Antoine, Mon Portrait, La Bataille des pouilleux, Mon Père mort, de même que des croquis, eaux fortes et pointes sèches[17].
Le sixième Salon a lieu, du au , à l'ancien musée royal de peinture[22]. L'exposition est précédée d'un vernissage la veille de son ouverture. Sa notoriété est établie et bénéficie de la visite du prince Baudouin, neveu du roi, le [23].
Le huitième Salon a lieu, du au , à l'ancien musée royal de peinture[31].
Parmi les œuvres les plus remarquées des vingtistes, selon le quotidien Journal de Bruxelles, on compte les figures et En Juillet avant midi de Théo Van Rysselberghe, les paysages de Anna Boch, les marines de Paul Signac et de Jan Toorop, un dessin de George Minne, ainsi qu'une série d'études et de portraits de Fernand Khnopff[31].
Des conférences sont données : le , le peintre et professeur vingtiste Henry Van de Velde évoque Le paysan en peinture, où il élève au sommet Camille Pissarro dans le représentation picturale géorgique[32]. Le , Edmond Picard donne une conférence intitulée : Jules Laforgue et la femme[33].
Parmi les séances musicales, un concert est donné le par le Quatuor Ysaÿe composé de Eugène Ysaÿe, Mathieu Crickboom, Léon van Hout et Joseph Jacob, et par les dames de la section chorale des XX, sous la direction de Vincent d'Indy[34]. Le suivant, le quatuor est de nouveau invité. Les chœurs, dirigés par Vincent d'Indy exécutent Sainte Rose de Lima de Pierre de Bréville, L'Épithalame de Camille Benoît et Le Ruisseau de Gabriel Fauré[35].
Le neuvième Salon a lieu, du au , à l'ancien musée royal de peinture[36].
Parmi les peintres des XX, Georges Lemmen expose Fête foraine, Anna Boch, Retour de la pêche et Théo Van Rysselberghe, trois portraits. Guillaume Vogels, qui n'avait plus exposé depuis quelques années, présente Feuilles mortes, novembre et Brouillard. D'autres vingtistes comme Darío de Regoyos sont présents, de même que Xavier Mellery qui a envoyé cinq panneaux évoquant la mélancolie de Bruges. Quant à Fernand Khnopff, il présente Je ferme ma porte sur moi-même[37].
Le dixième et dernier Salon a lieu, du au , au musée moderne. Le Salon est marqué par les dissensions entre plusieurs membres du groupe des XX, certains voulant se retirer et fonder une association parallèle. Dès lors seuls treize vingtistes exposent[38].
En sculpture, les artistes suivants exposent : Jean Gaspar (Adolescence), Guillaume Charlier un bas-relief en bronze Au Cimetière, Paul Dubois (un buste d'adolescent et une Dentellière) et Auguste Rodin un médaillon à la mémoire de César Franck[39].
Paul Verlaine donne, le une conférence concernant la poésie contemporaine[40].
Le Quatuor Ysaÿe donne deux auditions d'œuvres modernes françaises de musique de chambre. Lors de la seconde audition, il interprète notamment un trio composé en 1842 par César Franck et un quintette d'Alexis de Castillon[41].
Références
↑ abc et dLaurence Brogniez et Tatiana Debroux, « Une exposition à l'échelle de la ville », Contextes, vol. 19, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et bRédaction, « Exposition du Groupe des XX », La Réforme, no 6, , p. 4 (lire en ligne, consulté le ).