Membre du Mapaï, du Rafi puis du Parti travailliste, il siège comme ministre au sein de douze gouvernements, ce qui lui confère une longévité inédite. Il occupe à trois reprises la fonction de Premier ministre entre 1977 et 1996. Respecté dans le monde occidental, Shimon Peres reçoit, avec Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, le prix Nobel de la paix 1994 pour sa participation aux pourparlers de paix avec les Palestiniens ayant mené aux accords d'Oslo.
Après avoir rejoint le parti centriste Kadima, fondé par Ariel Sharon, il est élu à la présidence de l'État d'Israël à l'issue de l'élection de 2007, devenant ainsi le premier ancien chef du gouvernement désigné chef de l'État dans l'histoire d'Israël. À l’issue de son septennat, il met un terme à sa carrière politique, à plus de 90 ans.
Après la mort d'Ariel Sharon en 2014, Shimon Peres était le dernier survivant de la génération des « pères fondateurs » de l'État d'Israël.
Situation personnelle
De la Pologne à Israël
La famille de Szymon Perski émigre vers Tel Aviv en 1934, alors que ce dernier est âgé de 11 ans. Il suit des études à l'école de Geula de Tel Aviv, puis à l'école agricole de Ben-Shemen. Il vit dans un kibboutz durant plusieurs années.
Formation et carrière
En 1941, il est élu secrétaire du Hanoar Haoved Véhalomed, un mouvement de jeunesse socialiste et sioniste. En 1944, il retourne au kibboutz Alumot, où il avait reçu une formation agricole et avait travaillé comme agriculteur et comme berger[2].
En 1947, Shimon Peres s'enrôle dans la Haganah, prédécesseur de l'Armée de défense d'Israël. David Ben Gourion le désigne responsable du personnel et des achats d'armes. Il est nommé à la tête du service naval quand Israël reçoit son indépendance en 1948[3].
Il est nommé, en 1953, directeur général du ministère de la Défense, quatre ans après sa rencontre avec le Premier ministre David Ben Gourion. À cette fonction, il s'implique particulièrement dans l'achat d'armes pour le jeune État d'Israël, ce qui contribue à en faire la 6e puissance atomique mondiale[4].
Chargé de la supervision du programme nucléaire israélien, il se rend en France en 1954 et fait la rencontre d'Abel Thomas, directeur général du ministère de l'Intérieur, qui lui présente Maurice Bourgès-Maunoury. Ensemble, ils mettent en place une coopération entre les services de renseignements dans la lutte contre l'ennemi commun égyptien, accusé par la France de soutenir les indépendantistes algériens. En 1956, Bourgès-Maunoury devient ministre de la Défense dans le gouvernement Guy Mollet. Une étroite coopération franco-israélienne s'amorce[5]. Les efforts de Peres sont efficaces et il réussit à acquérir, auprès de la France, le premier réacteur nucléaire de Dimona[6] grâce à l'intervention du physicien Jules Horowitz et, auprès de l'avionneur français Marcel Dassault (ex Marcel Bloch de confession juive, puis converti au catholicisme en 1950 à l’âge de 58 ans), le Mirage III, un avion de combat à réaction.
Tout en ayant fait d'Israël une puissance nucléaire, Shimon Peres revendique la « politique d'ambiguïté nucléaire », qui veut qu'Israël ne confirme ni n'infirme jamais la possession de la bombe nucléaire. Ses détracteurs jugent que cette stratégie vise à ne pas avoir à signer le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968 ou à se soumettre aux contrôles de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)[7],[8],[9].
Vie privée et familiale
En 1945, Shimon Peres épouse Sonya Gelman(en), née en 1923 et morte en 2011. De leur union, naissent trois enfants : une fille, Himara Walden-Peres, linguiste, et deux fils, Yoni et Chemi, président de Pitango, une importante société israélienne de capital risque.
En 1959, il est élu pour la première fois député à la Knesset, le Parlement israélien, sur la liste Mapaï (composante du Parti travailliste). Il est constamment réélu depuis.
Shimon Peres est vice-ministre de la Défense de 1959 à 1965, au moment de son implication dans l'affaire Lavon avec Moshe Dayan. Avec celui-ci, il quitte le Mapaï de David Ben Gourion pour former un nouveau parti, le Rafi, qui se réconcilie avec le Mapaï en 1968.
En 1969, Peres est à nouveau nommé ministre et, en 1970, il devient ministre de l'Immigration, des Transports et des Communications. Après avoir été brièvement ministre de l'Information, il est nommé ministre de la Défense dans le gouvernement d'Yitzhak Rabin, de 1974 à 1977. Durant ce mandat, il est rapporté qu'il aurait tenté un rapprochement avec le régime d'apartheidsud-africain et aurait tenté de lui vendre l'arme nucléaire[12]. Il aurait par ailleurs apporté un soutien militaire à des milices chrétiennes maronites durant la guerre civile libanaise[13].
Premier ministre
Bien qu'il n'ait jamais mené son parti à une victoire aux élections, Shimon Peres a assumé, à trois reprises, la charge de Premier ministre.
Il redevient Premier ministre en , à la tête d'un gouvernement de coalition avec le Likoud. Dans le cadre d'un accord avec Yitzhak Shamir, il cède comme prévu sa place à ce dernier, en . Il occupe alors la fonction de vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères jusqu'en 1988. À ce poste, il tente en vain de trouver une solution à la question palestinienne, conjointement avec la Jordanie. En 1985, à la suite d'un attentat sur un yacht mené par l'OLP, il autorise un raid de l'armée de l'air israélienne contre le siège de l'organisation à Tunis en Tunisie, détruisant le siège[14].
Ministre des Finances au sein d'un nouveau cabinet de coalition, Shimon Peres retourne dans l'opposition de 1990 à 1992. Cette même année, battu par Yitzhak Rabin à la direction du Parti travailliste, il est de nouveau nommé ministre des Affaires étrangères, et se bat en faveur de négociations sur l'avenir des territoires occupés, avec l'OLP de Yasser Arafat. En 1993, Shimon Peres est l'un des artisans des accords d'Oslo. Cela lui vaut, l'année suivante, de se voir décerner le prix Nobel de la paix, avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat.
Quelques minutes avant l'assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, le , Shimon Peres se trouve aux côtés de ce dernier. Alors qu'Yigal Amir s'apprête à les abattre tous les deux, le Premier ministre retourne remercier les organisateurs de la manifestation en faveur du processus de paix israélo-palestinien, tandis que Peres, hésitant, décide finalement de partir[15]. Yigal Amir se résout à lui laisser la vie sauve, et conserve ses munitions pour Yitzhak Rabin.
À la suite de cet assassinat, Peres redevient Premier ministre et réaffirme sa volonté de poursuivre le processus de paix. Il décide d'avancer de six mois le scrutin qui doit désigner le Premier ministre israélien au suffrage universel par les citoyens. Pendant la campagne électorale, pendant qu'il cumule le rôle de Premier ministre et celui de ministre de la Défense, il lance l'opération militaire Raisins de la colère dans le Sud du Liban. Le bombardement de Cana, où 106 civils qui s'étaient abrités auprès de la FINUL, moururent sous les bombardements israéliens, met un terme à l'opération. L'image de Shimon Peres est fortement endommagée à l'étranger, mais l'impact national est également important[16]. Les semaines précédant l'élection, la cote de popularité de Shimon Peres s'effondre. Son adversaire Benyamin Netanyahou met alors l'accent sur le mauvais bilan des travaillistes en matière de sécurité et les critiques à l'international fusent, certains demandant un retrait du prix Nobel à Peres. Le , le Premier ministre sortant est battu de justesse par le candidat du Likoud, qui recueille 50,5 % des voix. Pour beaucoup, cet échec sonne le glas de sa carrière politique.
L'historien Ilan Pappé considère que Shimon Peres a été, malgré son rôle d'« artisan de la paix » dans le conflit israélo-palestinien, l'un des plus grands responsables de la « politique de colonisation des terres palestiniennes »[17] (l'opinion palestinienne le considérant comme un « criminel » qui a encouragé la Nakba)[18]. Selon L'Orient-Le Jour, en tant que Premier ministre israélien à l'époque, c'est sous son commandement qu'une base de l'ONU à Cana est touchée par un bombardement, dans lequel plus d'une centaine de personnes s'y étant réfugiés ont été tués[19].
Nommé ministre de la Coopération régionale par Ehud Barak le , il subit un nouvel échec personnel lors de l'élection présidentielle de 2000, lorsqu'il est battu, à la surprise générale, par Moshe Katsav. Contre toute attente, il accepte la fonction de vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Ariel Sharon. Shimon Peres défend le droit pour Israël à une politique de sécurité, répond aux critiques internationales contre la « barrière de sécurité » élevée par l'État israélien. Il soutient la politique d'Ariel Sharon dans sa volonté d'utiliser les forces armées israéliennes pour contrecarrer la « guerre de la terreur », engendrée par les nombreux palestiniens transformés en bombes humaines, et pour déraciner l'infrastructure politique et militaire de la « résistance » palestinienne et de ses réseaux terroristes. Il qualifia toutefois l'assassinat, en , de Salah Shehadeh (Hamas), de « tragédie », en raison de l'importance des pertes civiles lors de ce bombardement. Il a très longtemps tardé à admettre l'idée d'un État palestinien souverain et ne reconnaît pas le fait de l'occupation israélienne, restant sur la position officielle (« territoires disputés »), ni l'idée d'un retrait de la totalité des territoires occupés[réf. nécessaire]. Il prend position en faveur de la guerre d'Irak de 2003, lors du Forum économique de Davos, où il déclare, notamment, que « la guerre contre le terrorisme commence par Saddam Hussein », et que la guerre en Irak « serait une très bonne chose pour la reprise de l'économie mondiale »[20].
Du Parti travailliste à Kadima
Shimon Peres est battu à l'élection interne du Parti travailliste de 2005 par Amir Peretz. Celui-ci précipite des élections législatives anticipées, en annonçant le départ des travaillistes du gouvernement Sharon.
Le , moins de 24 heures après l'hospitalisation du Premier ministre Ariel Sharon à la suite d'une hémorragie cérébrale, un des responsables de Kadima affirme sous certaines conditions que Shimon Peres devrait être nommé Premier ministre. Mais celui-ci annonce sur Aroutz 1, le , qu'il n'a pas l'intention de redevenir Premier ministre, même si cela lui était proposé. En revanche, il devient le numéro 2 (derrière Ehud Olmert) de Kadima, nouveau parti à vocation centriste créé par Sharon en vue des élections anticipées de mars 2006. Le , il démissionne de son poste de député pour lever les obstacles juridiques à la poursuite de sa carrière au sein de son nouveau parti[21].
Après la victoire de Kadima, il devient vice-Premier ministre du gouvernement de coalition qu'Ehud Olmert forme avec les travaillistes. Il a également le porte-feuille de ministre du Développement régional chargé de la Galilée et du désert du Néguev.
Président de l'État d'Israël
Candidat à l'élection présidentielle de 2007, il arrive en tête du premier tour à la Knesset le en obtenant 58 voix contre 37 pour Reuven Rivlin, le candidat du Likoud et 21 pour Colette Avital, présentée par le Parti travailliste. Aucun des trois candidats n'atteignant la majorité absolue de 61 voix requise pour être élu dès le premier tour, un second tour a lieu le même jour. Dès l'annonce des résultats du premier tour, ses deux concurrents se retirent de la course et déclarent leur soutien à Peres, lui laissant la voie libre. Il est élu président par 86 voix contre 23[22].
Shimon Peres est investi président de l'État d'Israël le , après avoir prêté serment devant les membres de la Knesset pour un septennat. Il succède à Moshe Katsav, qui l'avait battu sept ans plus tôt, lors du précédent scrutin présidentiel. Le nouveau chef de l'État doit alors restaurer le prestige de la fonction du président de l'État d'Israël, mis en cause par des scandales de mœurs impliquant l'ex-président Katsav.
En , le président Peres reçoit, des mains de la reine Élisabeth II, les insignes de l'ordre de Saint-Michel et Saint-George lors d'une cérémonie organisée au palais de Buckingham, à Londres. Lors de la cérémonie, le chef de l'État israélien s'est dit « très ému de recevoir, en tant qu'émissaire d'Israël, un tel honneur ».
Au Forum économique mondial de Davos de , Shimon Peres et le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan ont une virulente discussion autour de l'intervention israélienne à Gaza. Le chef du gouvernement turc, énervé, déclare qu'il se « souvient très bien de ces enfants qui sont morts sur la plage ». Le président israélien réplique alors qu'il « faut savoir se mettre à la place des autres : que feriez-vous si des dizaines, des centaines de roquettes s'abattaient sur Istanbul ? »[réf. nécessaire]. Erdoğan décide alors de prendre ses affaires et de quitter le débat, acclamé par ses partisans de l'AKP qui voient en lui un héros. L'opposition turque (CHP) rappelle cependant que l'État d'Israël reste un allié et que le Premier ministre Erdoğan a manqué de respect à un prix Nobel de la paix.
Le , Shimon Peres entame des consultations pour la formation d'un nouveau gouvernement. Dès lors, il se dit favorable à une grande coalition. Le 24 février, il ouvre la 18e Knesset. Le , Peres rencontre au Beit HaNassi, la résidence présidentielle, le vainqueur désigné des élections législatives, Benyamin Netanyahou et le charge de former un gouvernement. Le 31 mars, Netanyahou est nommé Premier ministre et est investi le lendemain par la Knesset.
Le papeBenoît XVI, en visite officielle en Israël en , est salué par le président Peres au Beit HaNassi. Le , il déclare « être prêt à aller par les airs, la terre, la mer, même à la nage, pour atteindre la paix »[24].
Fait rarissime aux États-Unis en l'honneur d'une personnalité étrangère, Barack Obama décide la mise en berne des drapeaux sur la Maison-Blanche, ainsi que tous les bâtiments officiels et militaires américains dans le pays et à l'étranger pour une durée de deux jours en hommage à Shimon Peres[29].
Sa disparition ne suscite pas autant d'hommages dans le monde arabe. Aucun chef d'État arabe ou député arabe israélien ne se déplace pour assister à ses obsèques, à l'exception du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas[32]. Alors que la Jordanie reste silencieuse, le président de l'Égypte, Abdel Fattah al-Sissi, exprime sa « peine profonde » et envoie son ministre Sameh Shoukry à ses obsèques[33]. Dans les pays arabes, Shimon Peres est généralement décrit comme l'artisan de la « répression » et de la « colonisation juive » et comme le « boucher de Cana », en référence au bombardement de plus de cent civils libanais et palestiniens au sein d'un camp de l'ONU en 1996[34],[35],[36],[37],[32].
Détail des mandats et fonctions politiques
- : vice-ministre de la Défense
- : ministre sans portefeuille
- : ministre de l'Immigration
- : ministre des Communications, ministre des Transports
↑Il célébrait son anniversaire notamment en suivant le calendrier hébreu, à la date du 20 Av, qui correspondait au 2 août lors de sa naissance en 1923, qui correspond au 4 août en 2007, au 21 août en 2008 et au 10 août en 2009 : cf. Greer Fay Cashman, « Peres turns 84 today… and on Shabbat », The Jerusalem Post, 1er août 2007.
↑(en) « SHIMON PERES », sur peres-center.org (consulté le )
↑Marilyn Berger, « Shimon Peres, an Enduring Pillar From Israel’s Founding Era, Dies at 93 », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le )
↑« Qui était Shimon Peres, le dernier des pères fondateurs d’Israël ? », LCI, (lire en ligne, consulté le )
↑Frédérique Schillo, La politique française à l'égard d'Israël : 1946-1959, Bruxelles, André Versaille, , 1076 p. (ISBN978-2-87495-175-6 et 2874951757)
↑Michaël Bloch, « Shimon Peres, l'homme de paix qui ne savait pas gagner une élection - leJDD.fr », LeJDD.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Laurent Zecchini, « Shimon Pérès, le nucléaire israélien et "l’option Samson" », Le Monde.fr, (ISSN1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
↑« Les multiples visages de Shimon Pérès », Orient XXI, (lire en ligne, consulté le )
↑« Le jour où Shimon Peres voulut vendre l'arme nucléaire au régime de l'apartheid | Slate Afrique », Slate Afrique, (lire en ligne, consulté le )
↑Walid Charara et Marina Da Silva, « Obstinada resistencia en el Sur del Líbano », Le Monde diplomatique, (lire en ligne)
↑« Jeremy Corbyn, les Palestiniens et l'antisémitisme », Orient XXI, (lire en ligne, consulté le )
↑« Yitzhak Rabin, le “camp de la paix” frappé au cœur », Marianne, no 644, août 2009.
↑Christophe BOLTANSKI, « Shimon Pérès le guerrier, piégé par sa stratégieJusqu'à hier matin, 80 % des Israéliens soutenaient leur Premier ministre et l'intervention militaire. », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et bBenjamin Barthe, « Dans le monde arabe, l’hostilité des peuples et le mutisme des dirigeants après la mort de Shimon Pérès », Le Monde.fr, (ISSN1950-6244, lire en ligne, consulté le )
↑(en) États-Unis. « An Act to award the Congressional Gold Medal to Shimon Peres », Public Law 113-114 [lire en ligne (page consultée le 18 septembre 2016)]
(en) Biographie sur le site de la fondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — le Nobel Lecture — qui détaille ses apports)