L'URSS était un État multi-ethnique dont les trois constitutions successives distinguaient la « citoyenneté soviétique » (гражданство, grajdanstvo) appliquée selon le droit du sol à tous les habitants, de la « nationalité » (Национальность, natsionalnost’) appliquée selon le droit du sang à certains citoyens seulement[2] et mentionnée sur la carte d'identité en 5e position, si bien que l'expression « 5e point » est devenue un synonyme courant pour désigner l'origine ethnique d'un citoyen[3],[4].
Le nombre total des Soviétiques (советские людиSovietsiïé lioudi soit citoyens de l'URSS, précision figurant sur les documents d'identité à la rubrique гражданство grajdanstvo : « citoyenneté » selon le droit du sol) était estimé à 288 millions en 1990, soit un peu plus que la population des États-Unis à la même époque (253 millions en 1990).
Le « peuple soviétique » comme concept politique
Afin de créer une culture et un « peuple soviétique » (советский народ), la propagande officielle communiste prônait l’« amitié indéfectible des peuples » et la « solidarité pansoviétique » dans la « plurinationalité institutionnalisée ». Dans la pratique quotidienne, c’était un processus de russification forcée appelé « rapprochement-fusion » (сближение–слияние, sblijenié-sliyanié), et la langue russe commune, langue véhiculaire de l'Union, ainsi que la prépondérance de la culture russe diffusée notamment par l’enseignement, donnaient aux peuples minoritaires, surtout ceux qui n’étaient pas slaves et qui avaient déjà des identités historiques avant d’être intégrés de force dans l’URSS, le sentiment que les structures fédérales qui leur étaient dédiées n’étaient pas conçues « pour eux » mais « contre eux »[6].
↑Michel Heller et Aleksandr Nekrich, L'Utopie au pouvoir, histoire de l'URSS de 1917 à nos jours, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l'esprit », 1985, p. 34.
↑Staline explique dans « Le Marxisme et la Question nationale », 1913, pages 9 et 10, in : Les œuvres complètes, Сталин И.В. Сочинения, traduction en français sous la direction de Georges Cogniot et Jean Fréville, Éditions sociales, Paris 1953, qu'« une nationalité est une communauté humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d'une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit par une communauté de culture », complétant ainsi la définition du social-démocrateautrichienOtto Bauer pour qui la nation était « une communauté de caractère fondée sur une communauté de culture, issue d'une communauté de destin », terme qu'il crée en 1907 en allemand (Schicksalsgemeinschaft) dans son livre (de) Die Nationalitätenfrage und die Sozialdemokratie, Vienne 1907, trad.fr.: La question des nationalités et la social-démocratie, Paris 1987, éd. Arcantère, p. 24-25, puis récupéré par la droite conservatrice en 1936 sous la plume du théologiencatholique, également autrichien, Alois Carl Hudal dans son ouvrage (de) Die Grundlagen des Nationalsozialismus (« Les bases du national-socialisme ») 1936, dans le sens de « courant de l’histoire et tendances de l’évolution d’une nation » comme l'analyse Hannah Arendt dans Les Origines du totalitarisme, tome Sur l’antisémitisme, trad. par Micheline Pouteau, Calmann-Lévy, Paris 1973 ; trad. révisée par Hélène Frappat, Gallimard, coll. « Quatro », Paris 2002 ; éd. poche, Seuil, coll. Points/Essais, no 360, Paris 2005. (ISBN978-2-02-086989-8).
↑En URSS les Russes étaient la « nationalité » dominante, parce qu'ils étaient majoritaires dans la population, parce qu'ils étaient le seul groupe présent dans toutes les républiques soviétiques et parce que leur langue, et elle seule, était « langue de communication inter-ethnique » (язык межнационального общения) et langue officielle de l'Union. En effet, plus de la moitié de la population soviétique était slave (russe, biélorusse et ukrainienne principalement) et environ 40% appartenait à d'autres peuples et nations de diverses origines : cf.: Youri Slezkine, (en) « The USSR as a Communal Apartment, Or How a Socialist State Promoted Ethnic Particularism » in Slavic Review n° 53-2, 1994, pp. 414-452.
↑Brubaker, R. (février 1994). Nationhood and the National Question in the Soviet Union and Post-Soviet Eurasia: An Institutionalist Account. Theory and Society. 23. p. 47-78.
↑Martine Couderc, Chronologie : CEI 1991-2002, Outre-Terre, (lire en ligne), p. 296-315.
↑Christina Maza, (en) « Russia vs. Ukraine: More Russians Want the Soviet Union and Communism Back Amid Continued Tensions » in : Newsweek - [2] consulté le 20 déc. 2018.
↑(ru) Ностальгия по СССР (« Nostalgie de l'URSS ») : [3] de levada.ru consulté le 19 déc. 2018.