Un télévangéliste (en anglais televangelist, mot formé à partir de television et evangelist) est un prosélyte opportuniste qui consacre une partie importante de son ministère à des émissions de télévision régulières.
Historique
Le télévangélisme puise ses sources dans la seconde moitié du XIXe siècle avec les réunions de réveil, rurales (camp meetings) puis urbaines, et surtout au début du XXe siècle, avec les prédicateurs vedettes itinérants qui élargissent leur auditoire à mesure du développement des techniques de communication pour susciter des conversions[1].
Dans les années 1920, les radios diffusent des cérémonies religieuses et rapidement donnent du temps d'antenne gratuit pour diffuser les prêches de prédicateurs. Ce type de prédication prend son essor avec le développement des chaînes radiophoniques gratuites ou payantes qui diffusent une interprétation littérale de la Bible, laquelle permet d'étayer des campagnes réactionnaires, voire racistes et anti-communistes[2].
En 1921, l’église Church of the Covenant, une église presbytérienne de Washington, est la première église à avoir sa propre licence de radio, suivie par l’église baptiste du Calvaire de New York en 1923[3].
D'autres évangélistes font l'achat de temps d'antenne sur des radios déjà établies, comme Paul Rader[3]. L'évangéliste canadienne évangélique et revivalisteAimee Semple McPherson, fondatrice de l'Église Foursquare, est la première femme à utiliser la radio en 1922 pour atteindre un public plus large[4].
L'un des plus célèbres prédicateurs catholiques entre les deux guerres est le prêtre Charles Coughlin dont les émissions au ton fortement anticommuniste et antisémite sont diffusées par le réseau CBS et touchent 45 millions d'auditeurs. Durant la Grande Dépression des années 1930, Coughlin est un adversaire du président américain Roosevelt et du New Deal. En , il arrête ses émissions, la majorité des radios refusant de diffuser ses diatribes haineuses[5].
Le prêtre et futur archevêque catholique Fulton Sheen tient l'émission radiophonique The Catholic Hour de 1930 à 1950, puis présente pendant une vingtaine d'années des émissions de télévision qui donnent une excellente réputation à la télévision comme moyen de communication sociale et d'évangélisation. Elles lui vaudront un Emmy Award en 1952[6]. Le magazine Time, qui a forgé le terme de télévangéliste en 1952, lui décerne le titre de « premier télévangéliste »[7].
En 1951, le producteur Dick Ross et l’évangéliste Billy Graham ont fondé la société de productioncinématographique World Wide Pictures, qui réalisera des vidéos sur ses prédications et des films chrétiens [10].
En 1956, la Thomas Road Baptist Church de Lynchburg et le pasteur baptisteJerry Falwell ont fondé le programme Old Time Gospel Hour[11].
La Bible Belt réduit ainsi rapidement son retard sur les protestants modérés et les catholiques du Nord, et les évangélistes, s'ancrant sur la théologie de la prospérité, deviennent producteurs de leur émission et propriétaires de leur propre chaîne de radio[14].
Mais s'il marque durablement le paysage religieux et continue de se développer en Amérique latine, en Afrique, en Europe et en Asie, le télévangélisme à travers ces megachurches reste au XXIe siècle un phénomène minoritaire menacé par diverses dérives (surenchère au gigantisme débridé et au star system avec des dirigeants impliqués dans des scandales, repli identitaire)[19].
Le télévangélisme contemporain
Le télévangélisme est un phénomène à l'origine spécifiquement américain. Toutefois, la forte progression du christianisme évangélique en Amérique latine, en Europe, en Afrique et en Asie a entraîné l'apparition de télévangélistes dans ces pays[20]. Enfin, depuis les années 1990, les chaînes des télévangélistes américains implantent progressivement des antennes locales en Europe. De nombreux networks (réseaux de chaînes de télévision couvrant l'ensemble du territoire) religieux existent et leurs programmes sont constitués principalement par des messages de télévangélisme.
Bien qu'à prédominance catholique dans le Nord des États-Unis, c'est un phénomène presque entièrement chrétien évangélique dans le Midwest et le Sud, où il constitue un avatar des mouvements de réveil prêchés sous des chapiteaux itinérants (revival tent preaching) qui connurent un regain durant la grande dépression, les prédicateurs se déplaçant de ville en ville et vivant des offrandes des fidèles[21].
The Righteous Gemstones est une série télévisée américaine, créée par Danny McBride et lancée le sur HBO. La série (comédie) suit les péripéties d'une famille de télévangélistes célèbres et déjantés[26].
Controverses liées aux télévangélistes
Certains télévangélistes ont été la source de graves controverses portant sur les pratiques de guérison. Ils sont accusés de charlatanisme par les sceptiques et des fraudes ont pu être prouvées comme dans le cas de Peter Popoff[27].
Dans les années 1980, des scandales financiers ont ruiné la réputation de certains d'entre eux, dont Jim Bakker qui a dû faire de la prison pour fraude postale, fraude électronique et racket en 1988[28]. Jimmy Swaggart est devenu célèbre pour l'aveu de ses relations avec des prostituées. Ils continuent de prêcher, mais avec une audience moindre[29]. Leurs pratiques sont dénoncées par la chanson Jesus He Knows Me du groupe Genesis, qui met en scène un télévangéliste amoral détournant les dons de ses téléspectateurs.
En 1991, une enquête d'Ole Anthony et de son organisation la Trinity Foundation(en) sur les stratégies de collecte de fonds des télévangélistes à gros revenus, The Apple of God's Eye est diffusée sur Primetime Live (ABC). En 1994, lors d'une conférence sur les cultes, l'occultisme et le mouvement de la foi verbale à Philadelphie, Anthony présente un premier rapport sur ses enquêtes menées depuis 1987[30].
Aux États-Unis, des télévangélistes demandent des offrandes pour s'acheter des jets privés[32].
Lors de l’épidémie du Covid-19 en 2020, des télévangélistes ont fait la promotion de faux remèdes et défendu des théories du complot[33].
Commission et enquête du Sénat
En 2005, la commission du Comité des finances du Sénat sur les abus commis par des ministères télévangéliste fait appel à la fondation qui fournit alors 38 rapports distincts sur les abus commis par des organisations religieuses à but non lucratif.
En 2007, le sénateur Chuck Grassley ouvre une enquête sur l'exonération fiscale des organisations religieuses(en) de six télévangélistes qui prêchent un « évangile de prospérité »[34]. L'enquête porte sur les modes de vie somptueux de télévangélistes, notamment des flottes de Rolls Royce, manoirs somptueux, jets privés et d'autres articles coûteux prétendument payés par les dons des téléspectateurs. La commission fait également appel à la Trinity Foundation qui fournit alors 38 rapports sur les abus commis par des organisations religieuses à but non lucratif. Les six télévangélistes qui font alors l'objet d'une enquête sont :
Kenneth et Gloria Copeland du ministère Kenneth Copeland de Newark, Texas ;
Creflo Dollar(en) et Taffi Dollar de World Changers Church International et Creflo Dollar Ministries de College Park, Géorgie ;
Benny Hinn de World Healing Center Church Inc. et Benny Hinn Ministries of Grapevine, Texas;
Eddie L. Long(en) de New Birth Missionary Baptist Church et Bishop Eddie Long Ministries de Lithonia, Géorgie. L'épisode In the name of the Lord de la série documentaire Sex Scandals in Religion (VisionTV) porte sur sa présumée inconduite sexuelle[35].
Joyce Meyer et David Meyer de Joyce Meyer Ministries de Fenton, Missouri;
Randy White et son ex-femme Paula White de Without Walls International Church et Paula White Ministries de Tampa[36].
Le 6 janvier 2011, Grassley publie son rapport, concluant à une recommandation pour un nouvel examen par le Congrès des lois d'exonération fiscale pour les groupes religieux, sans pour autant prononcer la moindre pénalité ni conclusion définitive d'actes répréhensibles[37],[38].
Dans l'islam
Le télévangélisme existe aussi dans l'islam, bien qu'il soit question de Coran en lieu et place d'Évangile. Plusieurs émissions sont notamment développées au Pakistan[39] ou en Égypte[40] ; Amr Khaled est l'un des plus célèbres.
Notes et références
↑(en) Jeffrey K. Hadden et Anson Shupe, Televangelism. Power and Politics on God's Frontier, Henry Holt, , p. 7.
↑ J. Gordon Melton, Phillip Charles Lucas, Jon R. Stone, Prime-time Religion: An Encyclopedia of Religious Broadcasting, Oryx Press, États-Unis, 1997, p. 383
↑ Patrick J. Hayes, Miracles: An Encyclopedia of People, Places, and Supernatural Events from Antiquity to the Present, ABC-CLIO, États-Unis, 2016, p. 387
↑ John Lyden, The Routledge Companion to Religion and Film, Taylor & Francis, Abingdon-on-Thames, 2009, p. 82