En pleine période fasciste italienne, on assiste à la rencontre de deux êtres que tout semble séparer. Le pays en est à sa 16e année de fascisme et vit un tournant avec une fuite en avant : alliance allemande, lois raciales, déclaration de guerre (référence historique au ).
À Rome, le , Hitler rencontre Mussolini. Tous les Romains ont déserté leurs habitations pour aller assister à la cérémonie. Dans un grand immeuble, Antonietta, en bonne mère de famille nombreuse (conformément à l’endoctrinement mussolinien : un mari tout ce qu’il y a de plus machiste et six enfants), est contrainte de rester à la maison pour s’occuper des tâches ménagères alors qu’elle serait bien allée voir le Duce comme tout le monde. Le hasard va la mettre en contact avec un homme esseulé qu'elle a aperçu dans un appartement de l’autre côté de la cour. Il s’agit de Gabriele, un intellectuel homosexuel qui, pour cette raison, a été exclu de la radio nationale où il était présentateur et est menacé de déportation.
Antonietta et Gabriele, sur fond de retransmission radiodiffusée de la parade militaire émanant de chez la concierge, vont d’abord s’affronter idéologiquement avant de se reconnaître dans leur commune et profonde solitude pour finalement vivre d’intenses émotions. À l’issue de cette journée particulière, chacun va de nouveau se retrouver emprisonné : la police vient arrêter Gabriele tandis qu’Antonietta, une fois la famille revenue, va se soumettre, comme avant, au devoir conjugal.
Sociétés de production : Compagnia Cinematografica Champion (Italie), Canafox (Canada)
Sociétés de distributions : CCFC (Compagnie commerciale française cinématographique), 20th Century Fox Italia, Les Acacias (France), Tamasa Distribution (vente à l'étranger)
Jean A. Gili[1] notant que le thème d'Une journée particulière aurait pu se situer à l'époque où le film fut effectivement conçu, Ettore Scola lui répond : « L'idée était de mettre en scène une histoire actuelle de deux solitudes qui se rencontrent. Puis, j'ai alors pensé que l'histoire pouvait être plus exemplaire encore et plus utile si cet isolement, si cette répression étaient représentés non d'une manière seulement psychologique, subtile, souterraine, comme cela se produit de nos jours, mais d'une façon apte à montrer l'aberration que constitue cette marginalisation. L'aberration peut justement se produire sous une dictature qui dispose d'instruments de répression plus directs. […] Ainsi, si je n'avais pas déterminé l'histoire sous le fascisme, ce fait ne serait pas apparu : il n'y aurait eu qu'une donnée moderne, actuelle. »
Au sujet de l’homosexualité, thème important du film, Ettore Scola juge que, « sous le fascisme, celui-ci n'existait même pas comme concept. Le mot n'est jamais apparu sur un journal de l'époque. […] Beaucoup d'homosexuels étaient indirectement accusés et éloignés de leur travail, ils étaient envoyés au confino de Carbonia, en Sardaigne, où étaient détenus également des subversifs non homosexuels[1]. »
Dialogue
Célèbres répliques : — Gabriele : « Pleurer est une chose que l'on peut faire seul, mais rire, il faut être deux pour rire. » — Gabriele : « Ce n'est pas le locataire du 6e étage qui est anti-fasciste. C'est plutôt le fascisme qui est anti-locataire du 6e étage. »
Casting
Une journée particulière est notamment connu pour le travail de composition et de contre-emploi de ses deux interprètes principaux. Sophia Loren, célèbre pour ses rôles de beauté provocante, interprète une femme épuisée par le labeur domestique et vieillie avant l'âge, tandis que Marcello Mastroianni s'écarte de son image d'homme à femmes pour jouer le rôle d'un homosexuel.
Concernant le choix des interprètes principaux, Ettore Scola expliquait, à ce moment-là :
« Au départ, j'étais fort réservé à l'égard de Sophia : les prestations auxquelles elle avait été soumise n'étaient point là pour confirmer le choix de cette actrice comme protagoniste de Una giornata particolare. Cependant, lorsque je l'ai connue personnellement, j'ai vu qu'elle était très différente du modèle proposé au public. […] En fait, que sait-on ? Que c'est une femme agressive, non seulement physiquement mais comme façon de dire les répliques d'un film et comme manière de vivre certains sentiments. […] Au contraire, Sophia Loren est très différente de cela, elle est introvertie, elle est très timide à sa façon, elle est malheureuse, et donc elle ressemble à l’Antonietta du film. […] Il y a une profonde mélancolie à l'intérieur d'elle-même. […] J'ai donc compris que je pouvais l'utiliser autrement. Par contre, pour Marcello je n'avais aucun doute, j'avais déjà travaillé avec lui, je l'avais toujours vu dans des interprétations pour le moins dignes et parfois très belles. En somme, mon intention était de proposer Mastroianni et Loren hors des schémas à l'intérieur desquels ils ont été utilisés, hors de cette glorification du sexe qui est une des conditions du marché cinématographique. […] Ainsi, le discours du marché cinématographique ressemble étrangement à celui qu'il y a dans Una giornata particolare : les deux personnages sont victimes eux aussi d'un autre marché, le marché fasciste qui vendait l'idéologie du mâle supérieur et l'idéologie de la femme subalterne et soumise[1]. »
L'immeuble où est tourné le film est reconstitué selon le modèle de l'édifice qui se trouve "viale XXI Aprile, 29" à Rome.
Ettore Scola affirme : « Il s'agit vraiment d'une œuvre du régime fasciste : construit en 1934, avec cette architecture littorialebabylonienne, il fut inauguré par le Duce lui-même. […] C'était la plus haute construction de Rome. L'immeuble fut donné en location aux petits et moyens fonctionnaires du régime. À l'intérieur de l'édifice, régnait une nette division en classes. […] Il y a une réplique dans le film... […] où une femme, descendant les escaliers, dit à Antonietta (Sophia Loren) : "C'est vrai, vous n'avez pas de bonne"[2] . »
Le décor de la résidence, suffisamment exigu pour que chacun, notamment la concierge, puisse surveiller son vis-à-vis depuis ses fenêtres, contribue à renforcer le sentiment d'oppression totalitaire subie par les personnages. Le film s'appuie sur une couleur amputée au maximum, à la limite du noir et blanc. L'espace, fermé, met en place les trois unités du théâtre classique, ainsi qu'une forme de catharsis des passions inassouvies.
L'année indiquée est celle de la cérémonie. Les films sont ceux qui sont proposés à la nomination par l'Italie ; tous ne figurent pas dans la liste finale des films nommés.