Ces élections ont lieu dans un contexte de crise politique. En effet la majorité en place, incarnée par la Troisième force regroupant le MRP, la SFIO, les radicaux, l'UDSR et les modérés, sans cesse critiquée en raison des très fortes dissensions en son sein et de la « valse des ministères » qu'elle entretient depuis sa formation, redoute de perdre les élections face à un Parti communiste français toujours aussi populaire et surtout face au RPF, nouveau parti fondé et dirigé par Charles de Gaulle en personne, qui a remporté d'éclatants succès lors des élections municipales de 1947 (40 % des suffrages exprimés) et revendique un million d'adhérents dès 1948.
La guerre d'Indochine est violemment contestée par le PCF, mais, pour la majorité des Français, les questions de pouvoir d'achat et d'inflation restent dominantes[réf. nécessaire].
Pour résoudre le problème, les dirigeants de la Troisième force font adopter une nouvelle loi électorale, la loi des apparentements, qui permet à des listes ayant passé des accords avant les élections de remporter l'intégralité des sièges à pourvoir dans un département donné si l'addition de leurs voix dépasse 50 % des suffrages exprimés, et ce quels que soient les scores des autres listes.
Mode d'élection
Représentation proportionnelle plurinominale suivant la méthode du plus fort reste dans 103 circonscriptions, conformément à la loi des apparentements : les listes qui se sont « apparentées » avant l'élection remportent tous les sièges de la circonscription si leurs voix ajoutées obtiennent la majorité absolue des suffrages exprimés. Il y a 627 sièges à pourvoir.
Forces en présence
Le paysage politique français se clive en trois grandes forces politiques :
La Troisième force regroupe les partis au pouvoir, à savoir la SFIO, les modérés, le MRP, le Parti radical et l'UDSR. Cette vaste coalition allant de la gauche à la droite en passant par le centre-gauche et le centre-droit a pour principal objectif de préserver le régime du chaos, qui pourrait se concrétiser si les communistes d'un côté, et les gaullistes de l'autre, mettent les partis de gouvernement en minorité. Grâce à la loi des apparentements, la Troisième force espère limiter la montée en puissance de ses adversaires tout en restant au pouvoir[1].
Le Parti communiste français est, pour la première fois depuis le début de la Quatrième République, sérieusement fragilisé. L'échec des grèves de 1947 et de 1948 et la cuisante défaite lors des élections municipales de 1947, au cours desquelles la Troisième force a contribué à marginaliser les élus communistes (le PCF perd même quarante villes sur soixante dans la Seine), réduisent son audience. Les gouvernements successifs s'emploient vigoureusement à exclure le PCF du système politique, notamment en votant une nouvelle loi électorale pour le Conseil de la République, renforçant le poids des communes rurales, hostiles aux communistes, et instaurant le scrutin majoritaire dans les départements les moins importants (79 au total), ce qui a eu pour effet de permettre l'élimination de la plupart des candidats communistes, ne pouvant compter sur aucun allié avec lequel passer des accords électoraux[2]. La constitution de la Troisième force ne laissait pratiquement aucune chance de succès au Parti communiste, plus que jamais exclu du système partisan de la République.
Le Rassemblement du peuple français, de Charles de Gaulle, est une nouvelle force politique, rejetant explicitement le système institutionnel en place, avec laquelle la Troisième force doit également compter. Triomphant lors des dernières élections municipales, le RPF menaçait de concurrencer la Troisième force sur sa droite, cette dernière courant alors de risque de se retrouver pris en tenaille à l'assemblée, entre une opposition communiste d'un côté et gaulliste de l'autre. La campagne agressive menée par les gaullistes et son discours constamment critique finissent toutefois par effaroucher l'opinion[3], et il était, au moment de se rendre aux urnes, peu probable que le succès gaulliste aux législatives connaisse l'ampleur de celui des municipales.
La loi des apparentements, adoptée le mois précédent, a quasiment mis fin à la proportionnelle départementale : plusieurs listes qui « s'apparentent » raflent désormais tous les sièges d'une « circonscription » si elles ont 50 % des voix. En 1951, les circonscriptions sont beaucoup moins nombreuses que sous la Ve République ultérieure, seuls quelques départements très peuplés en ayant plusieurs.
Ainsi, les deux partis arrivés en tête, le PCF et le RPF, n'obtiennent qu'un tiers des députés alors qu'ils ont presque la moitié des voix. Le RPF devient cependant le premier parti de l'Assemblée, avec 121 députés, et 21,7 % des voix alors qu'il était absent du scrutin précédent, en novembre 1946. Le PCF arrive en tête, avec 26 % suffrages (soit deux points de moins qu’aux législatives de ) et 103 sièges (soit une baisse de 79 sièges).
La Troisième force ne remporte les élections que d'extrême justesse, subissant le double effondrement du MRP, qui perd plus de la moitié de son électorat, et 78 sièges, un déclin qui se poursuit par la suite.
L'autre pilier de la majorité, la SFIO, perd 3,5 points par rapport au précédent scrutin législative et tombe à 14 %, à peine plus que la moitié du score de l'autre principale formation de gauche, le PCF. La SFIO obtient cependant plus de sièges que le PCF grâce à la nouvelle loi des apparentements.
La majorité s'affiche ainsi en très net recul face à l’opposition de gauche et de droite, et n'a pu se maintenir, malgré ses divisions, que grâce à sa nouvelle loi électorale, le PCF et le RPF n'ayant pas d'alliés avec qui ils pouvaient s'apparenter.
Notes et références
↑Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, p. 53
↑Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, p. 54
↑Le service d'ordre de De Gaulle va même jusqu'à faire un mort lors d'un déplacement à Grenoble le 18 septembre 1948 (Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, p. 54)