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Adolf von Harnack

Adolf von Harnack
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 79 ans)
HeidelbergVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nationalité
Formation
Université impériale de Dorpat (d)
Université de LeipzigVoir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Père
Mère
Marie Harnack (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Axel Harnack
Otto Harnack (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Amalie von Harnack (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Autres informations
A travaillé pour
Membre de
Directeurs de thèse
Moritz Wilhelm Drobisch, Adolf Ebert (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Distinctions
Liste détaillée
Vue de la sépulture.

Adolf von Harnack, né le à Dorpat, dans la province balte de Livonie en Russie (aujourd'hui Tartu en Estonie), et mort le à Heidelberg, est un docteur en théologie, en droit, en médecine et en philosophie, et conseiller politique. Adolf von Harnack est considéré comme le théologien protestant et l'historien de l’Église le plus considérable de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle et comme l'un des plus importants théoriciens du nationalisme libéral et protestant allemand.

Biographie

Il venait de l’univers du luthéranisme germano-balte : son père, Theodosius Harnack, un luthérien marqué par le piétisme des Frères moraves, était professeur de théologie à l’université de Dorpat et contribua au développement du néo-luthéranisme. Il étudia l’histoire de l’Église à l'Université de Dorpat (1869-1872) puis à l'université de Leipzig où il acquit une vue critique sur l’histoire du dogme chrétien grâce à la théologie d’Albrecht Ritschl et où, dès 1874, en tant que maître de conférences, il commença une série de cours où il traitait de sujets particuliers comme les gnostiques et l'Apocalypse, et qui attirèrent beaucoup l'attention, si bien qu'en 1876 il obtint d’être nommé professeur de Faculté à titre extraordinaire. Dans cette même année, il commença en collaboration avec Oscar von Gebhardt (de) et Theodor Zahn la publication d'une édition des travaux des Pères de l'Église, Patrum apostolicorum opera, dont une édition abrégée parut en 1877.

Harnack entendait le protestantisme comme une réforme et une révolution : réforme de l’économie du salut et révolution contre l’autorité de l’Église catholique, contre son appareil hiérarchique grâce à une organisation religieuse indépendante et contre l’Ordo cultuel.

Trois ans plus tard, il fut appelé comme professeur de Faculté chargé de l’histoire de l'Église à l'université de Gießen où, à partir de 1882, il collabora irrégulièrement avec Oscar von Gebhardt (de) aux Texte und Untersuchungen zur Geschichte des altchristlichen Litteratur (« Textes et recherches sur l'histoire de la littérature chrétienne ancienne »), qui paraissait périodiquement avec uniquement des essais consacrés au Nouveau Testament et à la patristique. En 1881, il publia un travail au sujet de la vie dans les couvents, Das Mönchtum - seine Ideale und seine Geschichte (« Le monachisme - son idéal et son histoire », 5e édition 1900) et fut avec Emil Schürer (de) rédacteur de la Theologische Literaturzeitung (« Journal de littérature théologique »).

Dans l’empire wilhelmien, Harnack enseigne à l’université de Berlin ; ses seize leçons sur « L'Essence du christianisme » qu’il prononce au cours du semestre d’hiver 1899/1900, sont suivies par plus de 600 étudiants de toutes les facultés. La publication de L’Essence du christianisme (Das Wesen des Christentums en 1900), traduction française, Fischbacher, à Paris, 1902, nouv. éd. 1907). allait provoquer la réplique d'Alfred Loisy, dans deux livres L'Evangile et l'Église puis Autour d'un petit livre en 1903, publication qui peut être considérée comme l'élément déclencheur de la Crise moderniste.

Harnack devient conseiller politique et entretient de nombreux contacts avec le chancelier Theobald von Bethmann-Hollweg. En collaboration étroite avec ceux qui veulent réformer la bureaucratie de l’État, il représente la ligne moyenne, cherchant à équilibrer les intérêts grâce à des réformes sociales, à éviter les conflits par le consensus, luttant contre la polarisation qui fait s’affronter les points de vue et contre l’aggravation des luttes de classe.

Les valeurs qu’il défend sont celles du libéralisme bourgeois, favorables à une monarchie parlementaire et constitutionnelle ; ce en quoi il s’oppose à la conception politique autoritaire de l’empire dont il surestime la capacité à se réformer.

Sa religion, critique envers la tradition, comprend des idéaux sociaux importants qui sont un symbole du Royaume de Dieu. Il interprète les devoirs d’un chrétien à l’intérieur du monde comme les obligations professionnelles au sein de la communauté. Harnack devient en 1911 président de la Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft fondée sur sa proposition et, de 1905 jusqu’à 1921, il est directeur général de la bibliothèque Royale (à partir de 1918 Bibliothèque d'État de Berlin) de Prusse.

En politique extérieure, Harnack défend une entente entre l’Angleterre et l’Allemagne, combat l’impérialisme pangermaniste et prône la modération et le système des compensations. Au cours de la Première Guerre mondiale, dont il est partisan au début[1], il signe le Manifeste des 93 puis oscille entre rhétorique agressive et pessimisme.

À ce moment, sa conception de l'histoire nationale fondée sur la civilisation protestante le conduit à vouloir garantir cette dernière par la création d’États vassaux à l’est. Il interprète la défaite et la révolution de 1918 comme un passage vers la démocratie et le socialisme.

Contre la ligne majoritaire du protestantisme, presque entièrement anti-républicain alors, ce républicain conservateur prend position pour la démocratie sociale.

Il meurt en 1930 après une courte maladie, il était alors professeur d’histoire de l’Église aux universités de Leipzig, de Gießen, de Marbourg et de Berlin. Son manuel en 3 volumes de l’histoire des dogmes (1886-1890) ; plusieurs nouvelles éditions augmentées) est considéré comme la plus importante de ses publications théologiques.

Postérité

La carrière d'enseignant de Harnack, débutée alors qu'il a 23 ans, s'étend sur près d'un demi-siècle au cours duquel il contribue à la formation d'une multitude de théologiens, d'exégètes, de patristiciens et d'historiens, dont certains sont actifs jusque dans les années 1950, sans que l'on puisse pour autant parler d'une « école de Harnack »[2]. Si il n'a pas à proprement parler formé de disciples, nombre des élèves de Harnack sont devenus ses collaborateurs et l'impulsion que son enseignement a donné à l'essor des études théologiques et à la recherche sur l’histoire du christianisme ancien en Allemagne n'en est pas moins décisive[2] : ainsi, on dénombre parmi ses élèves les théologiens Karl Barth, Dietrich Bonhoeffer, Martin Rade (de), Wilhem Bornemann (de)[3] et Wilhelm Pauck (de)[4], les exégètes néotestamentaires Wilhem Wrede, Martin Dibelius et Karl Ludwig Schmidt, ou encore le philosophe Heinrich Scholz[2] ainsi que l'historien de l'Église Ernst von Dobschütz[3]. Elisabeth Schmitz, enseignante confessante connue pour sa résistance au nazisme, suit également plusieurs de ses séminaires de 1915 à 1918[5].

Travaux

Datation des Actes et des synoptiques

Dans sa Chronologie der altchristlichen Litteratur, Harnack avait considéré, en 1897, que deux arguments principaux s'opposaient à une datation précoce des Actes, d'une part, l'Evangile de Luc semblait avoir été composé après la destruction de Jérusalem et d'autre part, un délai était nécessaire pour l'élaboration des récits de la Résurrection et de l'Ascension[6]. Il proposait alors une date de rédaction des Actes au plus tôt en 78.

En 1908, dans Beiträge zur Einleitung in das Neue Testament, III, Die Apostelgeschichte, Harnack expose six motifs qui le conduisent à changer d'avis sur la question de la datation, dont le premier est l'interruption du récit des Actes pendant la captivité de Paul à Rome. Il propose alors une date de rédaction des actes peu après 60[7].

En 1911, dans The Date of the Acts and of the Synoptic Gospels, il étend sa réflexion aux évangiles synoptiques et conclut[8] :

«... nous n'avons rien trouvé qui bouleverse le jugement auquel nous avons été conduit par l'étude critique des Actes des Apôtres : les deuxième et troisième Évangiles, ainsi que les Actes, ont été composés tandis que St. Paul était encore en vie, et le premier Évangile seulement quelques années plus tôt. »

Famille

Adolf est le frère jumeau du mathématicien Axel Harnack (1851 — 1888).

Le à Leipzig, il avait épousé Amalie Thiersch (Erlangen, - Berlin, ), fille du Professeur de chirurgie Carl Thiersch (de) et de Johanna baronne von Liebig (de), elle-même fille du savant chimiste Justus von Liebig. Ils eurent trois fils et quatre filles.

Son fils Ernst, né en 1888 et qui sera exécuté en 1945 par les nazis pour sa participation à l'attentat contre Hitler du , avait adhéré au SPD.
Son fils cadet Axel (1895 - 1974), était Professeur associé (Privatdozent) à l'Université de Tübingen.

Agnes von Zahn-Harnack (1884 - 1950), sa fille préférée, était une représentante éminente du mouvement féministe et membre du Parti démocrate allemand (Deutsche Demokratische Partei, libéral, fondé en 1918, disparu en 1930).

Les résistants Arvid Harnack, né en 1901, abattu par les nazis en 1942, et Falk Harnack, né en 1913, metteur en scène, mort en 1991, étaient ses neveux.

Bibliographie

L'œuvre d'Adolf von Harnack comporte près de 1600 titres dont certains ont un grand retentissement tant en Allemagne qu'à l'étranger, à différentes époques, à l'instar des trois volumes de sa Lehrbuch der Dogmen Geschichte (« Manuel d'histoire des dogmes ») publiés à partir de 1885, du recueil des seize conférences prononcées à l’Université de Berlin pendant l’hiver 1899-1900, éditées sous le titre Das Wesen des Christentums (« L'Essence du christianisme ») ou encore de son Marcion qui, paru en 1921 et sous-titré L’évangile du Dieu étranger, constitue une monographie sur l’histoire de la fondation de l’Église[9].

Œuvres

Citées par Jean Hadot[10] :

  • Précis de l’histoire des dogmes (Grundriss der Dogmengeschichte, 1899), trad. E. Choisy, Paris, 1893 ;
  • L’Essence du christianisme (Das Wesen des Christentums, 1900), Fischbacher, Paris, 1902, nouv. éd. 1907 ;
  • Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3 vol., Tübingen, 1909 ;
  • Mission et expansion du christianisme dans les trois premiers siècles (Die Mission und Ausbreitung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderten, Leipzig, 1902-1924), trad. J. Hoffmann, Éd. du Cerf, Paris, 2004.
  • Geschichte der altchristlichen Literatur bis auf Eusebius, 3 vol., Leipzig, 1893-1904, 2e éd., Leipzig, 1958.
  • Marcion. L’évangile du Dieu étranger. Une monographie sur l’histoire de la fondation de l’Église catholique. Traduction: Éd. du Cerf, Paris, 2005

autres œuvres

  • Beiträge zur Einleitung in das Neue Testament, Sammelband 1908 :
    • I Lukas der Arzt, der Verfasser des dritten Evangeliums und der Apostelgeschichte. Hinrichs, Leipzig 1906.
    • II Sprüche und Reden Jesu, die zweite Quelle des Matthäus und Lukas. 1907.
    • III Die Apostelgeschichte. 1908.
  • (en) The Date of the Acts and of the Synoptic Gospels, traduction : J.R. Wilkinson, Williams & Norgate, 1911.
  • Porphyrius, "Gegen die Christen", 15 Bücher: Zeugnisse, Fragmente und Referate. Abhandlungen der Königlich Preussischen Akademie der Wissenschaften. Philos.-histor. Klasse 1916.

Études sur Harnack

Notes et références

  1. Dans L'Alsace pendant la Guerre Spindler écrit le 15 janvier 1915 : « Je lis aujourd'hui dans la Internationale Monatsschrift für Wissenschaft, la réponse du professeur Harnack à une lettre que lui ont adressée les pasteurs anglais. Elle est typique. “Notre civilisation a été à peu près exclusivement représentée par trois peuples : Nous, les Américains et les Anglais !” Ainsi, la France n'a eu aucune influence sur la culture européenne… Après cette entrée en matière, faite pour flatter l'orgueil des Anglo-Saxons, Harnack donne sur les origines de la guerre, la version que nous connaissons. Il excuse la violation de la Belgique par cette phrase : Nous étions dans une situation où il n'y a plus de formes à garder ! »
  2. a b et c Michel Tardieu, « L’apport de Harnack dans la recherche sur l’histoire du christianisme », dans De Renan à Marrou : L’histoire du christianisme et les progrès de la méthode historique (1863-1968), Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », (ISBN 978-2-7574-3466-6), p. 37
  3. a et b (en) Heikki Räisänen, Challenges to Biblical Interpretation : Collected Essays, 1991-2000, Leiden, Brill, (ISBN 978-90-04-12172-0), p. 263
  4. (en) Richard Crouter, Friedrich Schleiermacher : Between Enlightenment and Romanticism, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-139-44737-9), p. 28
  5. (de) Claudia Kampmann, Adolf Harnack zur "Frauenfrage" : Eine kirchengeschichtliche Studie, Evangelische Verlagsanstalt, (ISBN 978-3-374-05396-4), p. 500
  6. Adolf Harnack, The Date of the Acts and of the Synoptic Gospels, traduction : J.R. Wilkinson, Williams & Norgate, 1911, p. 114.
  7. A. Harnack, Beiträge zur Einleitung in das Neue Testament, III, Die Apostelgeschichte, Exkurs V. Die Zeit der Apostelgeschichte, p. 217-221, 1908.
  8. « Our conclusion from this survey is, therefore, that we have found nothing to upset the verdict, to which we have been led by critical investigation of the Acts of the Apostles : the second and third Gospels, as well as the Acts, were composed while St. Paul was still alive, and that the first gospel came into being only a few years earlier. », The Date of the Acts and of the Synoptic Gospels, p. 162.
  9. Michel Tardieu, « L’apport de Harnack dans la recherche sur l’histoire du christianisme », dans De Renan à Marrou : L’histoire du christianisme et les progrès de la méthode historique (1863-1968), Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », (ISBN 978-2-7574-3466-6), p. 38
  10. Jean Hadot, article Adolf von Harnack, dans Encyclopedia Universalis, 2000

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