Autre étude de femme est une nouvelle composite d’Honoré de Balzac, formée de cinq récits distincts qui sont autant de fables, nouvelles dans la nouvelle. Elle fait partie des Scènes de la vie privée de La Comédie humaine.
Très proche d’un roman à épisodes sans chronologie, l’ensemble propose certains récits écrits en 1831 et qui figuraient dans les Contes bruns (1832), tels La Grande Bretèche et Le Message. D’autres récits y ont été ajoutés entre 1838 et 1842, date de la publication au tome II des Scènes de la vie privée. Le premier récit de De Marsay parut en 1841 dans L'Artiste, sous le titre Une scène de boudoir.
L’avant-propos décrit les usages du grand monde. Félicité des Touches a d’abord organisé, comme il se doit, un raout[3], où le beau monde vient pour se montrer, bavarder et paraître. Ensuite, vers onze heures, l’usage chez les beaux esprits veut que l’on soupe entre soi et que l’on parle sans gêne.
Premier récit
Le récit d’Henri de Marsay explique pourquoi il a le cœur froid d’un homme politique. Déçu dans son premier amour de tout jeune homme, trompé par une femme qui lui a honteusement menti, il s’est astreint à « conquérir sur les mouvements irréfléchis qui nous font faire tant de sottises, ce beau sang-froid que vous connaissez ». Et il s'est juré de faire payer cher sa déception à toutes les autres femmes. Delphine de Nucingen, qui entend le récit avec anxiété, s’exclame : « Combien je plains la seconde ! » Elle veut parler de la seconde femme, c’est-à-dire elle-même, la première victime du comte de Marsay.
Deuxième récit
Émile Blondet fait à son tour tout un exposé sur ce qu’est « la femme comme il faut » et « la femme comme il n'en faut pas », à partir d’une anecdote personnelle. Interrogé par Félicité des Touches qui demande dans quelle catégorie il range la femme-auteur, Blondet répond avec un humour flatteur pour son hôtesse (qui publie sous le nom de Camille Maupin[4]) : « Quand elle n’a pas de génie, c’est une femme comme il n’en faut pas. [...] Cette opinion n’est pas de moi, mais de Napoléon. » Le poète Melchior de Canalis fait alors un portrait spirituel de Napoléon.
Troisième récit
L’horrible récit du général de Montriveau décrit la retraite de Russie en 1812, les souffrances et la cruauté des soldats qui passent la Bérézina. Le récit rappelle la nouvelle de Balzac Adieu, dans l’horreur. Mais la cruauté des grognards et les souffrances d’une femme en font un récit à faire frissonner.
Le fil conducteur des récits demeure la droiture morale et les excès auxquels elle peut mener quand elle est appliquée avec trop de rigueur : orgueil, sécheresse de cœur, cruauté masquée par le bon droit ou la discipline.
↑J. Borel, Proust et Balzac, Paris, José Corti, 1975.
↑Prononciation française d’un mot anglais signifiant « réception », « réunion mondaine ».
↑Le personnage de mademoiselle des Touches serait fortement inspiré de George Sand, d’après Samuel S. de Sacy (Notice sur Autre étude de femme, coll. « Folio Classique »).
Lucienne Frappier-Mazur, « Lecture d’un texte illisible : Autre étude de femme et le modèle de la conversation », MLN, , no 98 (4), p. 712-727.
Chantal Massol-Bedoin, « Transfert d’écriture : le réemploi de La Grande Bretèche dans Autre étude de femme », Œuvres complètes. Le moment de La Comédie humaine, Saint-Denis, PU de Vincennes, 1993, p. 203-216.
Anthony R. Pugh, « Du Cabinet des antiques à Autre étude de femme », L'Année balzacienne, Paris, Garnier, 1965, p. 239-252.
Franc Schuerewegen, « Le docteur est un bon lecteur : à propos d’Autre étude de femme », Revue belge de philologie et d’histoire, 1983, no 3, p. 563-570.