Nommé par le président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, le Défenseur des droits est chargé de défendre les droits des citoyens non seulement face aux administrations (personne dite ombudsman), mais dispose également de prérogatives particulières en matière de promotion des droits de l'enfant, de lutte contre les discriminations, du respect de la déontologie des activités de sécurité et d’orientation et protection des lanceurs d’alerte.
La titulaire depuis le 22 juillet 2020 est Claire Hédon.
Historique
L'expression « Défenseur des droits » a été utilisée par Gracchus Babeuf dans le sous-titre de son journal Le Tribun du peuple de 1795 : « Le Défenseur des Droits de l'homme ».
La disparition de ces autorités administratives indépendantes a suscité quelques critiques, notamment celles de Jeannette Bougrab (présidente de la Halde entre avril et novembre 2010) et de Dominique Versini (Défenseure des enfants entre juin 2006 et avril 2011)[2]. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) rendait un avis plutôt contrasté[4]. Si elle se félicitait que cette institution reconnaisse constitutionnellement la mission de défense des droits, la suppression d'autorités indépendantes ayant démontré leur capacité à mener à bien leur mission posait un certain nombre de problèmes.
La compétence du Défenseur des droits sur l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte est créée par deux lois organiques de 2016[5] et 2022[6].
Intervention du Défenseur des droits
L’article 71-1 de la Constitution prévoit que « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public »[C 1],[LO 1].
La loi organique a fixé cinq autres missions au Défenseur des droits :
Défendre les droits des usagers des services publics. En cas de difficulté avec une administration ou un service public, le Défenseur des droits vous aide à mieux comprendre vos droits et vous oriente dans vos démarches.
Défendre et promouvoir les droits de l'enfant. Chaque enfant a des droits en matière de santé, d'éducation, de justice, de protection sociale... Le Défenseur des droits défend ces droits et les fait connaître.
Lutter contre les discriminations et promouvoir l'égalité. Le Défenseur des droits lutte contre les discriminations et défend les droits des personnes qui en sont victimes.
Contrôler le respect de la déontologie par les professionnels de la sécurité. Vous pouvez contacter le Défenseur des droits si un professionnel de sécurité (policier, vigile...) ne respecte pas les règles de bonne conduite de son métier.
Orienter et protéger les lanceurs d'alerte. Le Défenseur des droits accompagne les lanceurs d’alerte dans leurs démarches et veille à leurs droits et libertés.
Le Défenseur des droits est indépendant, il ne peut recevoir d’instructions[LO 2] ; il rend compte de son activité au président de la République et au Parlement[C 1].
Saisie
Le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service public ; il peut également se saisir d'office[C 1],[LO 3].
Dans le cadre de ses autres missions, il peut être saisi par :
Un enfant qui invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt, ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux ou sociaux ou toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre les droits de l’enfant ;
Toute personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination ou avec son accord ;
Toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu'ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité[LO 3].
Le Défenseur des droits décide lui-même de donner suite ou non à la saisie[LO 4].
Moyens d'information
Le Défenseur des droits peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui. Celles-ci doivent faciliter l’accomplissement de sa mission.
Lorsque le Défenseur des droits est saisi, les personnes auxquelles il demande des explications peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l’audition est dressé et remis à la personne entendue[LO 5]. Lorsque ces mesures ne sont pas suivies d’effet, le Défenseur des droits peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre. Lorsque la mise en demeure n’est pas suivie d'effet, il peut saisir le juge des référés d’une demande motivée aux fins d’ordonner toute mesure que ce dernier juge utile[LO 6].
Le Défenseur des droits peut recueillir sur les faits portés à sa connaissance toute information qui lui apparaît nécessaire sans que son caractère secret ou confidentiel puisse lui être opposé, sauf en matière de secret concernant la défense nationale, la sûreté de l'État ou la politique extérieure. Le secret de l’enquête et de l’instruction ne peut lui être opposé.
Les informations couvertes par le secret médical ou par le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client ne peuvent lui être communiquées qu’à la demande expresse de la personne concernée[LO 7].
Le Défenseur des droits peut procéder à :
des vérifications sur place dans les locaux administratifs ou privés des personnes mises en cause ;
des vérifications sur place dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels exclusivement consacrés à cet usage.
Lors de ses vérifications sur place, le Défenseur des droits peut entendre toute personne susceptible de fournir des informations[LO 8].
Si le Défenseur des droits en fait la demande, les ministres donnent instruction aux corps de contrôle d’accomplir, dans le cadre de leur compétence, toutes vérifications ou enquêtes. Ils l’informent des suites données à ces demandes[LO 5].
Le Défenseur des droits peut demander au vice-président du Conseil d'État ou au premier président de la Cour des comptes de faire procéder à toutes études[LO 10].
Pouvoirs
Le Défenseur des droits peut faire toute recommandation qui lui apparaît de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement[LO 11]. Il peut procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation[LO 12].
Dans le cas de réclamation d’une personne s’estimant victime d’une discrimination ou invoquant la protection des droits de l’enfant appelle une intervention de sa part, il l'assiste dans la constitution de son dossier et l'aide à identifier les procédures adaptées à son cas, y compris lorsque celles-ci incluent une dimension internationale[LO 13]. Dans le cas de discrimination, il peut proposer à l’auteur des faits une transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3 000 € s’il s'agit d’une personne physique et 15 000 € s’il s’agit d’une personne morale et, s’il y a lieu, dans l’indemnisation de la victime[LO 14].
Le Défenseur des droits peut recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles. Il peut être consulté par le Premier ministre sur tout projet de loi intervenant dans son champ de compétence. Il peut également être consulté par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat sur toute question relevant de son champ de compétence.
Il contribue, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines relevant de son champ de compétence[LO 15].
Tout lanceur d’alerte, au sens de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, peut adresser un signalement au Défenseur des droits. Lorsque le signalement qui lui est adressé relève de sa compétence, le Défenseur des droits le recueille, le traite, selon une procédure indépendante et autonome, et fournit un retour d’informations à son auteur. Cette procédure est conforme à la directive de l'Union européenne du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union. Le Défenseur des droits oriente l’auteur du signalement vers l’autorité, l’administration ou l’organisme compétent. Il peut également être saisi par toute personne pour rendre un avis dans lequel il apprécie si elle a respecté les conditions pour bénéficier de la protection prévue par un autre dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l'auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement[LO 16].
Organisation
Le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle indépendante mais son fonctionnement est en partie régi par des dispositions législatives visant les autorités administratives indépendantes[7],[8]. Son indépendance est garantie par la Constitution[9].
Le Défenseur des droits perçoit « un traitement égal au traitement afférent à la première catégorie supérieure des emplois de l'État classés hors échelle »[12]. Il perçoit en outre une indemnité de fonction fixée par arrêté ministériel.
Collèges et adjoints
Sur proposition du Défenseur des droits, le Premier ministre nomme les quatre adjoints du Défenseur des droits. Trois collèges assistent le Défenseur des droits pour l’exercice de ses attributions en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant, de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité, d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte, ainsi que de déontologie dans le domaine de la sécurité. Chaque collège est présidé par le Défenseur des droits et un des adjoints en est vice-président[LO 19].
Le collège de déontologie de la sécurité est composé, en plus des président et vice-président, de :
trois personnalités qualifiées désignées par le président du Sénat ;
trois personnalités qualifiées désignées par le président de l’Assemblée nationale ;
un membre ou ancien membre du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;
un membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour[LO 20].
Le collège de défense et promotion des droits de l’enfant est composé, en plus des président et vice-président, de :
deux personnalités qualifiées désignées par le président du Sénat ;
deux personnalités qualifiées désignées par le président de l’Assemblée nationale ;
un membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour[LO 21].
Le collège de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité est composé, en plus des président et vice-président, de :
trois personnalités qualifiées désignées par le président du Sénat ;
trois personnalités qualifiées désignées par le président de l’Assemblée nationale ;
une personnalité qualifiée désignée par le vice-président du Conseil d’État ;
un membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour[LO 22].
Le mandat des adjoints du Défenseur des droits et celui des membres des collèges cessent avec le mandat du Défenseur des droits. Celui des adjoints du Défenseur des droits n'est pas renouvelable[LO 23].
Les membres des collèges sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans les domaines concernés. Les désignations des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale doivent respecter la parité homme-femme.
Administration
Le Défenseur des droits nomme le secrétaire général ainsi que les autres agents des services dont il dispose[12]. Mireille Le Corre occupe ce poste depuis 2022[13].
Il existe aussi un délégué général à la médiation avec les services publics[14].
Le Défenseur des droits peut désigner, sur l’ensemble du territoire ainsi que pour les Français vivant hors de France, des délégués, placés sous son autorité, qui peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées ainsi qu’aux actions menées[LO 24]. Ils sont au nombre de 550 en 2021[15]. Ils sont bénévoles.
Le budget du Défenseur des droits est une des actions du programme 308 « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». En 2021, les crédits de paiement consommés se sont élevés à 24 129 316 € auxquels s’ajoutent 2 081 355 € de dépenses de fonctionnement, soit un budget total de plus de 26 millions d'euros[17].
L’administration au siège du Défenseur des droits est constituée de 231 collaborateurs en 2021[18].
Activités du Défenseur des droits
Les activités du Défenseur des droits sont résumées dans ses rapports annuels successifs[19].
Demandes d'intervention et dossiers de réclamation
Depuis 2011, le Défenseur des droits reçoit plus de 100 000 demandes d’interventions et de conseil, (plus de 120 000 en 2015). Il a reçu 89 846 dossiers de réclamation en 2011[20], 82 416 en 2012, 78 822 en 2013, 73 463 en 2014 et 79 592 en 2015. Le nombre de dossiers traités était de 85 838 en 2011, 80 162 en 2012, 77 338 en 2013, 71 624 en 2014 et 74 571 en 2015. Plus des trois-quarts des réclamations[21] sont traitées à travers les délégués territoriaux, les autres l’étant au niveau du siège.
En 2010, les quatre autorités auxquelles le Défenseur des droits a succédé avaient reçu 38 091 réclamations concernant les services publics ; en 2015, le Défenseur des droits en recevait 40 329. Dans le même temps, les réclamations concernant les discriminations passaient de 3 055 à 4 846 ; celles concernant l’enfance doublaient presque, de 1 250 à 2 342 ; celles concernant la déontologie de la sécurité étaient presque multipliées par 5, de 185 à 910.
Mesures significatives
En 2015, 480 « mesures significatives » ont été engagées (525 en 2013, 480 en 2014) :
197 recommandations à portée générale ou individuelle ;
101 dépôts d’observations en justice (94 en 2013, 78 en 2014) ;
109 propositions de réforme adressées aux pouvoirs publics (29 en 2013, 26 en 2014) ;
avis aux parquets, saisines des parquets, transactions civiles, autosaisines de situations graves, etc.
De plus, le Défenseur des droits donne, en 2015, 29 avis à la demande du Parlement.
En juin 2020, le Défenseur des droits, saisi d'une affaire de violences policières à Paris, dénonce une discrimination systémique, « harcèlement discriminatoire […] cumul des pratiques et stéréotypes qui visent des groupes de personnes dans leur globalité »[22],[23], tout en indiquant « mais ça ne veut pas dire que systématiquement, la police discrimine »[24] et en appelant à une traçabilité des contrôles d'identité, pour limiter les contrôles au faciès qui sont, selon l'institution, une « réalité sociologique » en France[25].
↑Conseil constitutionnel, décision no 2011-626 DC, (lire en ligne)
↑Sur le site officiel, l’institution est nommée « Défenseur des droits » et la personne à sa tête depuis 2020 est « la Défenseure des droits » : « Saisir le défenseur des droits », sur defenseurdesdroits.fr (consulté le ) - « Claire Hédon, défenseure des droits », sur defenseurdesdroits.fr (consulté le )
↑Sources des données statistiques : Le Défenseur des droits (06-2012), p. 71, (06-2013), p. 25-33, (06-2014), p. 21-29, (01-2015), p. 38-41 & 43 et (02-2016) p. 8-11.
↑En 2010, les quatre autorités auxquelles le Défenseur des droits a succédé avaient reçu 92 948 dossiers de réclamation et en avaient traité 91 065. Ces chiffres incluent de nombreux dossiers comptabilisés plusieurs fois, soit que les réclamants aient saisi simultanément plusieurs institutions, soit que les dossiers aient été transmis d’une autorité à l’autre (8 % pour la Halde). Voir Le Défenseur des droits (06-2012), p. 71.
↑« La France a besoin d'une «traçabilité des contrôles d'identité», rappelle le Défenseur des droits », La Croix, (ISSN0242-6056, lire en ligne, consulté le )