Les autorités administratives indépendantes (AAI) sont, selon le Conseil d’État, des « organismes administratifs qui agissent au nom de l'État et disposent d'un réel pouvoir, sans pour autant relever de l'autorité du gouvernement »[1].
Devant la diversité de ces organismes, la loi du , portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, a précisé le statut juridique et a établi des règles d'organisation et de fonctionnement communes à l'ensemble de ces autorités.
Elle a restreint le nombre d'autorités indépendantes (24 au lieu d'une quarantaine) et créé, au sein de cette catégorie, les autorités publiques indépendantes (API).
La liste des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques administratives (API) figure en annexe de la loi.
Cette loi fixe à son annexe la liste des 17 autorités administratives indépendantes et 7 autorités publiques indépendantes[4].
Caractérisation
En France, la notion d'autorité administrative indépendante est apparue dans les années 1970, sans être clairement définie à l'époque par la loi ou la jurisprudence.
Ces structures résultent le plus souvent du mouvement d'agencification[5], issu de la doctrine anglo-saxonne de la nouvelle gestion publique[6]: il s'agit de passer d'une société rigoureusement administrée à une société dans laquelle l’État donne davantage de liberté d’action aux agents économiques.
En 2017, une loi porte statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes[7].
Autorité
Une autorité administrative indépendante peut prendre des décisions exécutoires, ce qui la distingue de l'administration consultative, ne donnant que des avis. Néanmoins, une autorité administrative indépendante peut posséder également des compétences juridictionnelles et consultatives, comme la Commission bancaire.
Le pouvoir réglementaire qui peut être attribué à certaines AAI pourrait venir concurrencer celui du Premier ministre, il doit donc être selon le Conseil constitutionnel limité à un domaine précis[8]. Son pouvoir ne s’apparente pas à un pouvoir réglementaire autonome mais au seul pouvoir d’exécution des lois, et il est de plus utilisé dans un but de régulation. Cette notion de régulation manifeste la volonté pédagogique des AAI qui veulent échapper au vocabulaire du contentieux mais cache souvent de vraies décisions administratives.
Administrative
Selon le rapport du sénateur Gélard sur les AAI[9], la nature administrative de celles-ci signifie que, si celles-ci ne sont pas soumises à un pouvoir hiérarchique ministériel, elles agissent cependant au nom de l'État et engagent sa responsabilité. En outre, d'après ce même rapport, « le mode de désignation de nombreux membres de ces autorités, qui fait appel aux autorités politiques (président de la République, présidents des assemblées, Premier ministre, ministres) et aux plus hautes autorités juridictionnelles, contribue également à leur donner un caractère administratif ».
La plupart des autorités administratives indépendantes en France font généralement partie intégrante de l’État et ne sont pas des établissements publics dotés de la personnalité morale. En conséquence elles n'ont le plus souvent pas de patrimoine, ne peuvent agir en justice, ni conclure un contrat.
Toutefois, la loi peut leur donner certains éléments de la personnalité comme le pouvoir de recruter leurs agents ou une autonomie financière qui résulte du fait que les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne leur sont pas applicables[10]. Le critère de la personnalité morale fait donc l'objet d'un débat : par exemple, l'Autorité des marchés financiers, définie comme autorité publique indépendante par l'article 2 de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière, est souvent considérée comme une AAI[11], mais possède la personnalité morale.[pas clair]
Indépendante
Bien qu’à l’intérieur de l'État, « l'indépendance de l'autorité implique d'abord l'absence de toute tutelle ou pouvoir hiérarchique à son égard de la part du pouvoir exécutif. Une AAI ne reçoit ni ordre, ni instruction du gouvernement »[9]. Cette indépendance est voulue par l'État pour offrir une crédibilité et une légitimité à ces organismes évoluant dans des domaines sensibles ou soumis à des changements économiques et juridiques importants tels que les processus de déréglementation et d'ouverture à la concurrence.
Cette indépendance s'entend sur deux plans :
indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. En effet, la tâche de régulation de certains secteurs sensibles ou sujets à des changements économiques ou juridiques n'est pas compatible avec une gestion politique des dossiers.
indépendance vis-à-vis des acteurs ou des entreprises du secteur concerné. Il s'agit ici d'éviter le phénomène de capture du régulateur par certains intérêts afin de maintenir une capacité impartiale d'arbitrage et de régulation. De surcroît, dans le cas de la régulation économique de certains secteurs, la création d'une AAI tient à la nécessité de séparer la fonction de régulateur de la fonction d'actionnaire réunies au sein de l'État dans un secteur que l'on a ouvert à la concurrence, mais où la place dominante reste occupée par une entreprise publique dont l'État détient encore la majorité des parts. C'est le cas par exemple de l'énergie avec les entreprises EDF et GDF-SUEZ (Engie). Au regard de cette seconde exigence, la loi française reste néanmoins lacunaire. Mme Marie-Anne Frison-Roche relève ainsi que les lois relatives aux AAI « surabondent en dispositifs pour protéger les autorités administratives indépendantes contre l'intrusion du Gouvernement mais, d'une part, les rapprochent relativement peu du Parlement et, d'autre part, les protègent relativement peu de la mission des entreprises ou groupes de pression concernés par leur action »[9].
Cette indépendance se traduit ensuite :
dans la composition de l'autorité, généralement collégiale. Les membres du collège bénéficient en outre d'un mandat irrévocable. Le Conseil d'État a retenu cette exigence même en l'absence de texte[12].
par une indépendance fonctionnelle, dont le Conseil d'État estime qu'elle tient davantage à l'adéquation des moyens de chaque autorité à ses missions qu'à l'attribution de ressources propres[9].
Histoire
Rapport du Parlement sur les AAI
René Dosière, député apparenté PS, et Christian Vanneste, député UMP, ont été chargés par le Comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, présidé par Bernard Accoyer, de rédiger un rapport sur les autorités administratives indépendantes (AAI).
Les autorités administratives indépendantes (AAI) - une quarantaine d’organismes aussi divers que la Cnil ou le CSA - doivent faire l’objet de « certains regroupements » et d’une maîtrise de leurs dépenses, préconise un rapport parlementaire publié le 28 octobre 2010.
L’utilité de ces AAI est « désormais démontrée » et il convient de « garantir » leur indépendance en les mettant « sous la protection du Parlement » pour qu’elles deviennent « un outil essentiel de perfectionnement de notre République », soulignent les auteurs.
Pour autant, il y a « trop d’AAI en France » et il faut « cesser cette course à l’échalote » (une création par an). Ils proposent donc de procéder à des regroupements, comme celui qui a donné naissance en 2003 à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
MM. Dosière et Vanneste prônent ainsi de réunir les quatre AAI chargées de la surveillance de la vie politique au sein d’une « Haute Autorité de la transparence de la vie politique » dont la compétence s’étendrait au redécoupage électoral.
Déplorant « le manque de transparence » sur les moyens alloués aux AAI, le rapport épingle l’augmentation de leurs effectifs (+16,8 % en trois ans) et de leurs crédits consommés (+27,4 % en trois ans), des chiffrages « sans doute sous-évalués ».
Les députés mettent l’accent sur « un point noir », l’immobilier, avec une surface par agent « supérieure de près de 50 % » à celle arrêtée pour les administrations. Ils soulignent la cherté des loyers, pointant en particulier la Halde.
En 2014, le sénateur Patrice Gélard (UMP), à la demande du Sénat (à majorité PS), a estimé qu'entre 2006 et 2014 le bilan est négatif, que le nombre d'AAI croit et n'est pas clairement identifié, que le cas de fusion du Défenseur des droits est l'arbre qui cache la forêt, et qu'aucune définition ni statut général n'a été adopté par le Parlement[13].
La loi du 20 janvier 2017 a restreint le nombre d'autorités indépendantes (24 au lieu d'une quarantaine) et créé, au sein de cette catégorie, les autorités publiques indépendantes (API).
La liste des autorités administratives indépendantes (AAI) et des API figure en annexe de la loi.
Elles bénéficient généralement de relais dans les administrations intéressées ou de délégués à l'échelon déconcentré, comme ceux du Défenseur des droits.
Le budget de la CNIL émarge au programme budgétaire du ministère de la Justice (programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice »)
Domaines d'intervention
Le législateur les a multipliés, notamment dans les années 1970 et 1980. Elles sont aujourd’hui présentes dans de nombreux domaines, mais interviennent particulièrement dans :
la régulation économique et financière ;
l’information et la communication ;
la défense des droits des administrés contre les erreurs de l'administration ;
la protection des travailleurs, patients, public et environnement liés à l'utilisation du nucléaire[15].
Autorités administratives indépendantes
Liste des autorités administratives indépendantes françaises
Au , il existe 17 autorités administratives indépendantes en France[16].
Bureau central de tarification (BCT), qualifié d'AAI par Jacques Arrighi de Casanova dans ses conclusions sur CE, 19/01/98, SNC Grand Littoral, n° 182447, non retenue par la loi de 2017
Médiateur du cinéma, considérée comme une AAI par l’étude du Conseil d’État de 2001, non retenue par la loi de 2017
Autorité de régulation de la distribution de la presse, n'est plus considérée comme une AAI en vertu d'une ordonnance du 2 octobre 2019. La loi Bichet modifiée le 18 octobre 2019 a confié à l’ARCEP la régulation de la distribution de la presse.
Une autorité publique indépendante (API) est une autorité administrative indépendante (AAI) dotée de la personnalité morale[19] lui accordant le droit d'ester en justice, de contracter, de disposer d'un budget propre, de déroger à l'obligation d'emploi de fonctionnaires et de recourir à du personnel de droit privé, etc.
Liste des autorités publiques indépendantes françaises
Au , il existe 7 autorités publiques indépendantes en France[7].
↑Conseil d'État 2001 : il est communément admis et reconnu, dans la ligne d’une jurisprudence ancienne et bien établie du Conseil d’État, qu’il existe au sein de l’État des autorités autonomes, distinctes de l’administration, mais appartenant à l’État et dotées d’un pouvoir de décision 79 (…) C’est là la reconnaissance même du principe de l’existence d’autorités administratives n’appartenant pas à la hiérarchie des administrations centrales aboutissant aux ministres.
↑Patrice Gélard, Rapport sur les autorités administratives indépendantes, Office parlementaire d'évaluation de la législation, , 138 p. (lire en ligne), p. 17.
↑Stéphanie Hennette-Vauchez, « Un champ de la régulation publique indépendante ? Acteurs, registres de justification et formes d'autorité politique des agences de régulations en France », Mission de Recherche Droit et Justice CESSP, (lire en ligne)
↑« Le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence constante qui veut que l'article 21 ne fait pas obstacle à ce que le législateur confie un pouvoir réglementaire à une autorité autre que le Premier ministre, « à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu », condition qu'il a estimé remplie en l'espèce. », Cahiers du Conseil constitutionnel no 2, deuxième semestre 1996. Voir aussi la Décision no 96-378 DC du 23 juillet 1996.
↑Le Conseil d'État a ainsi jugé que le gouvernement ne pouvait légalement mettre fin avant terme au fonctionnement du président d'une AAI en raison de son accession à la limite d'âge dans son corps d'origine ; arrêt Ordonneau du 7 juillet 1989. Néanmoins, cette exigence est parfois remise en cause. Ainsi, la loi du 7 décembre 2006 a-t-elle introduit une possibilité de révocation d’un membre du collège de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), par décret en conseil des ministres pris sur proposition du collège, ou sur proposition du président d’une des commissions parlementaires compétentes en matière d’énergie. Cette disposition revient partiellement sur le principe d’irrévocabilité des membres de la CRE établit par la loi du 10 février 2000.
Patrice Gélard, Rapport sur les autorités administratives indépendantes, Office parlementaire d'évaluation de la législation, , 138 p. (lire en ligne)
René Dosière et Christian Vanneste, Rapport d'information sur les autorités administratives indépendantes, Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, (lire en ligne)
Sophie Dubiton, La protection des libertés publiques par les autorités administratives indépendantes, une solution démocratique ?, Paris, LGDJ, 2016.
Patrice Gélard, Autorités administratives indépendantes - 2006-2014 : un bilan, Commission de lois, (lire en ligne)
Jacques Mézard, Un État dans l'État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler, commission d’enquête, (lire en ligne)
Jacques Mézard, Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, rapport fait au nom de la commission des lois, (lire en ligne)