Le grand-père d'Elie Siegmeister, originaire de Biélorussie, avait été pris en charge par un médecin allemand et en avait pris le nom pour éviter, en tant que juif, le service obligatoire dû au Tsar pendant 20 ans. Son père, chirurgien de profession et sa mère avaient émigré de Biélorussie à New York. Elie naît dans une famille juive de la haute-bourgeoisie d'origine russe, dans le quartier de Harlem à Manhattan. Lorsqu'il a cinq ans, sa famille déménage à Brooklyn.
Son père stimule le garçon en l'emmenant régulièrement écouter le répertoire symphonique ou d'opéra par l'Orchestre philharmonique de New York ou le Metropolitan Opera. Elie étudie d'abord le piano avec Emil Friedberger, et en 1924 la théorie musicale et la composition avec Seth Bingham à l'Université Columbia. Puis en 1926, dans la classe de composition de Wallingford Riegger. Il obtient avec distinction (cum laude) son baccalauréat ès arts l'année suivante à tout juste 18 ans. Ses professeurs l'encouragent à aller en Europe pour y étudier avec Arnold Schoenberg. Cependant Israel Citkowitz et Roy Harris le convainquent d'étudier avec Nadia Boulanger à Paris, où il reste pendant quatre années.
Dans la capitale française et après son retour à New York en 1932, il se lie d'amitié avec Aaron Copland, Virgil Thomson et d'autres jeunes compositeurs qui s'efforcent de créer une école américaine. Après avoir travaillé comme enseignant à Brooklyn, il fonde le « Composers' Collective of New York » (1932-1936) chargé de donner des concerts aux étudiants et ouvriers.
Premières œuvres
En cette même année 1932, il écrit Theme and Variations no 1 pour piano. Calqué sur les Variations en ut mineur de Beethoven, mais où transparaissent les influences de Charles Ives et d'Igor Stravinsky en ce qui concerne le caractère intransigeant de la musique. Réaction du jeune compositeur au style néo-classique répandu chez les compositeurs français de l'époque. Le thème, fondé sur une progression harmonique en ut mineur en chaconne, se poursuit par un ensemble de 26 variations où chacune est traitée avec un motif nouveau.
Au cours des années 1930, Siegmeister écrit beaucoup de musique au caractère accessible, claire et dotée d'une simplicité aux inspirations strictement et profondément américaines. Cette préoccupation d'écrire une musique proprement américaine traverse toute la carrière de Siegmeister. À ce sujet, il déclare à un journaliste :
« Je fais une distinction entre le nationalisme comme mouvement politique et le nationalisme comme racine de l'art pour chaque peuple en particulier. Le plus grand art vient d'un écrivain, un peintre, un poète ou d'un compositeur, qui répond à son propre environnement, aux gens et à la tradition. Cela n'empêche pas l'artiste d'être universel, mais je pense qu'il doit être ancré en un moment et en un lieu. »
— Elie Siegmeister, 1976.
Dans les années 1930, Siegmeister a également rencontré les musiciens du folklore et les blues-men, notamment Woody Guthrie, Huddie Ledbetter et Cisco Houston. Il a aussi voyagé à travers les États-Unis pour collecter et noter des mélodies folkloriques, populaires des petits villages. Ce travail est publié en 1940 dans son Trésor de la chanson américaine en collaboration avec le critique musical Olin Downes.
Au début de ces années, il compose son Holiday américain (1933) qui est son premier ouvrage orchestral à succès. D'abord intitulé May Day il s'agit de l'une de ses premières pièces à utiliser des chants de travail américains et des mélodies de la rue, mêlés au tissu symphonique. Il poursuit sur cette voie avec une série d'œuvres orchestrales, s'inspirant des sons de la ville dans Sunday in Brooklyn (1946) à l'influence de George Gershwin, ou des grands espaces dans Ozark Set (1943), Prairie Legend (1944) et Western Suite (1945). Cette dernière œuvre, créée par Arturo Toscanini le lui offre la chance d'être largement popularisé, écouté, édité et critiqué positivement, notamment par Virgil Thomson, qui est le journaliste du Herald Tribune.
En mai 1944, il achève sa première Sonate pour piano intitulée American Sonata. Dans la préface de l'édition il présente l'œuvre comme « un panorama américain, mêlant des thèmes aux ressemblances jazz et populaires, à la forme purement classique[1]. »
Une autre préoccupation chère au compositeur – et qu'il considérait comme de la responsabilité de tout travail artistique – est de donner une voix aux causes sociales et politiques. Il expose son point de vue et milite ainsi pour l'égalité raciale et le pacifisme au travers d'œuvres chorales ou des mélodies : dès 1937, il donne Created Equal [Créés égaux]. En conséquence de quoi, dans les années 1950, Siegmeister se retrouve sur la liste noire du sénateur Joseph McCarthy. Au milieu des années 1960, il produit I Have A Dream cantate sur le célèbre discours de Martin Luther King.
Au tournant des années 1950, le style de Siegmeister subit une transformation vers une expression moins accessible à l'auditeur moyen. Ce changement conduit à son style de la maturité des années 1970, tout en gardant des éléments du chant folklorique et du jazz, fondus dans le matériau musical. C'est On This Ground (1971) qui marque franchement la rupture vers un langage plus complexe et subtil. Même s'il reste dans une harmonie tonale, il trouve un style d'une plus grande économie thématique et seulement une touche d'américanisme.
La maturité
De 1949 à sa retraite en 1984, Siegmeister enseigne la composition à Hofstra, Université située sur l'île de Long Island. Ce poste lui permet de trouver durablement stabilité et sécurité financière. Il fonde et dirige l'orchestre Symphonique Hofstra, et entre 1966 et 1976, il est le premier compositeur en résidence de l'université. Parallèlement il prend d'autres responsabilités : de 1960 à 1965 en tant que vice-président de l'American Music Center ; entre 1965 et 1968 en tant que vice-président de la Guilde des compositeurs et paroliers. En 1969, Elie Siegmeister fonde le Conseil des créateurs, bibliothèques et musées qu'il dirige de 1971 jusqu'en 1984 en tant que président. En 1977, il fonde la National Black Music Competition et le colloque du Kennedy Center. En 1977, il est aussi élu au conseil d'administration de la Société américaine des compositeurs, auteurs et éditeurs.
En 1979, Elie Siegmeister reçoit le prix Guggenheim, qui récompense « une capacité créative exceptionnelle dans les arts ».
Au cours des années 1980, Siegmeister, s'il voyage un peu, à Albany, Oakland et Berlin pour y écouter sa musique, il compose surtout beaucoup.
De cette période date son From These Shores (1985) pour piano. Construit en cinq mouvements chacun dévolu à une pièce de la littérature américaine. Walt Whitman et son Feuilles d'herbe pour le premier. Mark Twain, et l'épisode comique extrait des Aventures de Tom Sawyer, où Tom doit blanchir la clôture pour le deuxième. Le suivant s'inspire de Summer in Walden de Thoreau. Le quatrième est dédié au poème de son ami Langston Hughes, I play it cool, extrait du recueil Montage of a Dream Deferred. L'œuvre se conclut sur un texte emprunté au roman A fable (Parabole) de Faulkner, racontant la mutinerie d'un groupe d'hommes sur le front en 1918. Le passage dit : « Je n'ai pas peur de l'homme... parce que l'homme et sa folie dureront... Ils feront encore. Ils prévaudrons[2]. »
Siegmeister qui définissait son travail comme « mi-poète, mi-ingénieur de structure » est décédé d'une tumeur au cerveau à l'hôpital de Manhasset à l'âge de 82 ans.
Élèves
Parmi ses autres élèves, on trouve Stephen Albert, Michael Beckerman, Tom Cipullo, Herbert Deutsch, Daniel Dorff, Barry Drogin, Naomi Drucker, Gerald Humel, Stephen Lawrence, Roger Nierenberg, Dana Paul Perna, Joseph Pehrson, Michael Shapiro et Richard White.
Œuvres
Le catalogue des œuvres de Elie Siegmeister est très fourni et dans tous les genres. Il a écrit une quarantaine d'œuvres pour orchestre dont 9 symphonies et 14 pièces pour ensemble de cuivres. Dans le domaine vocal, plus de 150 mélodies, 9 opéras, des œuvres chorales et une trentaine de pièces de musique de chambre. Il laisse aussi des ballets et une quarantaine de pièces pour piano. Pour les médias, il a produit une demi-douzaine de partitions pour la radio et la télévision, une vingtaine de musiques pour des longs métrages (They Came de Cordura), ainsi que des centaines d'arrangements choraux[3].
Street Games (Pub. in Frances Clark "Contemporary Literature for Piano Book 2", Sunny-Birchard, 1955)
Sonate pour piano no 3
I. Allegretto, molto energico
II. Adagio, liberamente
III. Adagio - Allegro con fuoco
Sonate pour piano no 4, Prelude, blues and toccata (1980) Commande de The American University de Washington pour l'inauguration de son nouveau président, Richard Eerendzen.
Concerto pour piano (1974, rev. 1983 - Fischer, 1983) Création le à Denver.
An Entertainment Concerto pour violon, piano et orchestre (1976) Création le à Columbia, MD.
Concerto pour violon (1977-78)
Autres pièces
American Holiday (1933) Création sous le titre original de May Day, le à The New School par Henry Cowell. Siegmeister change le titre en 1939 lors des reprises.
Lonely Star, pour soprano ou ténor (1950 - Southern, 1952)
For My Dauthers (1952) Sur un texte de Norman Rosten.
Songs of Experience, pour voix, alto et ensemble de chambre/piano (1966, rev. 1977 - éd. Carl Fischer) Sur un texte de William Blake. Création de la version révisée le à New York par le Cantilena Chamber Players.
The Face of War, cycle de mélodies, avec baryton solo (1968) Sur des poèmes de Langston Hughes. Création par William Warfield, le au Carnegie Hall de New York, sous la direction de Henry Lewis.
I Have A Dream Cantate sur le discours de Martin Luther King. (1967 - MCA Rentals, 1967 ; Fischer, 1968) Adaptation de Edward Mabley. Commande du chef de chœur Solomon Mendelson du Temple Beth Sholom de Long Beach à Long Island. Création par William Warfield le à Long Beach.
Sing Unto the Lord a New Song, Psaume pour chœur et orgue (1981) Création le au Temple Beth Sholom à Roslyn.
Abraham Lincoln Walks at Midnight (cf. version pour orchestre)
Song of Democracy
Freedom Train
Outside My Window Sur un poème de Kim Rich. Création le à Amityville.
Musique de scène
Strange Funeral at Braddock, avec baryton solo (1933 - New Music Editions) Sur un poème de Michael Gold. Première publication d'une œuvre de Siegmeister. Créé par le baryton Mordecai Bauman sur une chorégraphie de Anna Sokolow et enregistré en 1935.
Doodle Dandy of the USA, spectacle en musique (1942 - Mussette Publishers, 1943) Sur un texte de Saul Lancourt. Création le à New York.
A Cycle of Cities Ballet (1974) Sur des textes de L. Ferlinghetti, L. Hughes, et Norman Rosten. Création le au festival the Wolf Trap Farm.
Fables of the Dark Wood, ballet (1975-76) Création le à Shreveport.
Opéra
Darling Corie [Chérie Corie]opéra en un acte, sur un livre de Lewis Allan[4] (1952) Création le à Hempstead.
Miranda and the Dark young Man [Miranda et le jeune homme brun], opéra en un acte, sur un livre de E. Eager (1955 - Alect Templeton, 1957) Création le à Hartford.
The Mermaid in Lock no 7, opéra en un acte pour voix et orchestre d'harmonie, sur un livre de Edward Mabley (1958 - Peters, 1958) Création le à Pittsburgh. Commande de l'ensemble American Wind Symphony (70 musiciens), lors du tricentenaire de la fondation de la ville.
Elie Siegmeister a écrit de nombreux articles sur de nombreux aspects de la musique américaine et plusieurs livres en commençant par son Trésor (A Treasury of American Song) de la fin des années 1930 qui lui inspire aussi une comédie musicale pure Broadway : Sing Out, Sweet Land!.
Elie Siegmeister, Social Influences in Modern Music, in Modern Monthly, 1933.
Elie Siegmeister, The Class Spirit in Modern Music, in Modern Monthly, 1933.
Elie Siegmeister et Olin Downes, A Treasury of American Song, Knopf, 1940-1943, 2e éd. révisée et augmentée, Consolidated Music Publishers (ISBN0895241528)
Elie Siegmeister, The Music Lover's Handbook, William Morrow, New York, 1943. Réed. The New Music Lover's Handbook, Harvey House, 1973 (ISBN0817851518)
Elie Siegmeister, Invitation to Music, Harvey House, 1962.
Elie Siegmeister, Harmony and Melody - Volume 1: the Diatonic Style, Wadsworth Publishing Co., Belmont, 1965.
Elie Siegmeister, Harmony and Melody - Volume 2: Modulation, Chromatic and Modern Styles, Wadsworth, Publishing Co., Belmont, 1966, 1985 (ISBN0534002471)
Elie Siegmeister, American Kaleidoscope-Set One: Original Piano Pieces, Clayton F. Summy Corp., 1955.
Elie Siegmeister, The Joan Baez Songbook
Voir aussi
Discographie
Musique pour piano vol. 1 - Kenneth O. Boulton, piano (1999 - Naxos 8.559020)
Musique pour piano vol. 2 - Kenneth O. Boulton, piano (1999 - Naxos 8.559021)
Ozark Set - OP. Hambourg, Dir. Hans-Jurgen Walther (1954 - Naxos "Classical Archives" 9.80164)