Auteur prolifique, il met un point d'honneur à rapprocher les jeunes de la philosophie et à étudier l'éducation et la pédagogie. Il s'engage également contre le terrorisme dans le Pays basque : à ce titre, l'association ¡Basta Ya!, dont il est porte-parole, reçoit en 2000 le prix Sakharov.
Fils d'un notaire de Saint-Sébastien, Fernando Savater est élevé chez les marianistes[2] et se montre très porté sur la lecture, en particulier la lecture populaire et les bandes dessinées — il n'en a d'ailleurs jamais perdu l'intérêt, les défendant dans ses œuvres.
En octobre 2008, il prend sa retraite de professeur de philosophie dans son alma mater.
Autres activités
Il est collaborateur habituel d'El País depuis sa fondation en 1976, et en 1990, avec Javier Pradera(es), il lance le magazine Claves de Razón Práctica[5].
Il s'intéresse très tôt à la politique, « appartenant à une génération qui est née contre la dictature et le franquisme », et a participé à beaucoup de mouvements civiques au Pays basque : il déclare que s'engager pour la politique est un devoir citoyen.
« El nacionalismo en general es imbecilizador, aunque los hay leves y graves, los del forofo del alirón y el que se pone el cuchillo en la boca para matar. Hay gente sin conocimientos históricos, el nacionalismo atonta y algunos son virulentos. Afortunadamente en Cataluña la situación es diferente a la del País Vasco, aunque esa minoría es una alarma que nos dice que algo hay que hacer. El nacionalismo es una inflamación de la nación igual que la apendicitis es una inflamación del apéndice. »
« Le nationalisme en général est abrutissant, qu'il soit léger ou grave : le supporter de sport comme celui qui se met le couteau entre les dents pour aller tuer. Il y a des gens sans connaissances historiques : le nationalisme abrutit et certains sont virulents. Heureusement en Catalogne, la situation est différente de celle du pays basque, bien que cette minorité est une alarme qui nous dit qu'il y a quelque chose à faire. Le nationalisme est une inflammation de la nation au même titre que l'appendicite l'est de l'appendice. »
C'est sous ces préceptes qu'il s'oppose à tout parti se construisant autour de l'exaltation patriotique. D'abord libertaire puis libéral, il s'affirme dans cette position avec la polémique suscitée avec le philosophe basque Javier Sádaba(es), quand ils écrivent en 1987Euskadi : pensar el conflicto, où ils analysent l'identité et la question du séparatisme basque, la véritable portée d'Herri Batasuna et remettent en question la possibilité de gouverner de façon autonome, tout en soutenant officiellement la légalisation de l'organisation basque[3]. Il prendra des positions ouvertement antinationalistes, défendant ainsi les Basques opprimés par le nationalisme basque[8]. Il considère que la politique du Parti nationaliste basque est discriminatoire, démodée et complaisante avec le terrorisme basque. Il s'affirme antinationaliste et rejette le « vasquismo(es) », sans jamais renoncer à son identité ni à sa condition basque.
Ainsi, il bondit lorsque José Luis Rodríguez Zapatero, alors chef du gouvernement espagnol, souhaite que la réforme du statut de la Catalogne, visant à raffermir l'autonomie de la région, aboutisse ; pour lui, il s'agit de laisser les nationalistes radicaux gagner du terrain : « Bien sûr que nous voulons la paix ! Mais on ne peut pas appeler paix n'importe quoi ; pour avoir connu la paix franquiste, nous le savons bien[9]. »
Il demande le boycott des élections basques de 2007 de la part du PSOE et du PP, les accusant de ne pas être « propres ni réellement démocratiques »[10]
Savater défend à de nombreuses occasions la Constitution espagnole comme étant le seul « véhicule de paix »[11],[12],[13] et le Statut d'autonomie du Pays basque, « vecteur d'union »[14] : son opposition à tout type de nationalisme a pour but d'atteindre un « idéal d'humanité universel »[15] partagé par tous et qui se traduirait par un organisme gouvernemental d'autorité mondiale au-dessus des gouvernements et états nationaux qui servirait à résoudre les disputes et réaliser des tâches administratives d'intérêt commun[3],[16].
En 2008, une polémique surgit en Espagne à la suite d'un manifeste publié notamment par Mario Vargas Llosa, Miguel Delibes et Fernando Savater[18],[19] — qui est à l'origine du manifeste —, souhaitant que le castillan soit officialisé dans la constitution espagnole, voyant l'avancée des langues régionalistes menaçante pour la seule langue commune du pays, et potentiellement source de « discrimination ou de marginalisation à l'égard de ceux qui parlent seulement castillan » : « Une chose est d'encourager la connaissance des langues régionales et une autre est de les imposer au détriment de la langue commune. », déclare-t-il[20].
En 2010, alors que Baltasar Garzón, magistrat espagnol de l'Audience nationale, essaie d'enquêter sur les exactions des troupes et milices franquistes — qui n'ont jamais fait l'objet d'enquête en Espagne, alors que celles des Républicains l'ont été avec la Causa General(es) —, Savater se positionne contre une telle enquête en déclarant que « Les guerres ne se gagnent pas soixante-dix ans plus tard »[21].
En 2013, le magazine britannique Prospect établit une liste des 65 penseurs les plus influents du monde, dans laquelle Fernando Savater apparaît à la 47e place (à la suite d'un vote dans plus de 100 pays et où 10 000 personnes ont voté)[22].
Proche de la pensée de Nietzsche à ses débuts, notamment avec Panfleto contra el todo, il traduit et divulgue en espagnol l'œuvre de l'un des plus importants penseurs contemporains du nihilisme, Emil Cioran. Celui-ci publie par ailleurs Entretiens[24], en 1995, dans lequel il s'entretient avec Savater[25].
On ne le situe dans aucune école philosophique. Il s'inspire assez des Lumières, notamment de Voltaire[26], et d'Hannah Arendt.
Dès 23 ans, il cherche à révolutionner la philosophie européenne avec Nihilismo y acción, puis avec La filosofía tachada ; influencé par Nietzsche et Cioran, il repose les bases de la méthodologie de la réflexion dans le journalisme, la philosophie ou la pédagogie[3].
Volonté de vulgariser la philosophie
Il donne une importance spéciale au rapprochement de la philosophie et des jeunes, notamment avec Ética para Amador (1991, en fr. Éthique à l'usage de mon fils, 1994[27]), l'un des livres les plus lus de la philosophie espagnole[2], Política para Amador(es) (1992, en fr. : Politique à l'usage de mon fils[28]) ou encore Las preguntas de la vida (1999, en fr. : Penser sa vie : une introduction à la philosophie[29]). Il défend par ailleurs la culture populaire, car elle exprime la vitalité juvénile, des romans d'aventure aux contes fantastiques, en passant par les nouvelles de terreur, les bandes dessinées et les jeux de rôle.
Éthique à l'usage de mon fils
Avec Éthique à l'usage de mon fils, Fernando Savater souhaite rendre accessible la philosophie à tous et en particulier aux plus jeunes. Il précise bien cependant que ce « n'est pas un manuel d'éthique » ni un « catalogue de réponses moralisatrices aux problèmes que nous rencontrons tous les jours », mais un « livre personnel et subjectif » portant sur des thèmes « universels », dans le but de « stimuler une pensée libre », comme il l'écrit lui-même pour présenter son livre[30]. Malgré son souhait de ne pas voir son livre utilisé dans les lycées et universités, ce livre sera beaucoup utilisé par les professeurs d'éthique en Espagne[31].
Engagement pour l'éducation
Fernando Savater s'engage aussi beaucoup pour l'éducation : dans El valor de educar (publié en France sous le titre Pour l'éducation[32]). Ce livre, tout particulièrement adressé aux maîtres d'éducation basique et moyenne du Mexique, est une commande du professeur Elba Esther Gordillo, afin de motiver les professeurs à « faire de l'enfant une usine de connaissance et pas seulement un dépôt de déchets »[33]. Il présente, en plus d'une analyse de l'auteur sur l'éducation et des différentes approches de celle-ci au Mexique, une compilation de textes écrits par des penseurs de toutes les époques sur l'éducation.
D'un point de vue philosophique, Savater défend dans ce livre l'idée d'influence kantienne que l'éducation est basée sur l'intersubjectivité. Elle consiste à humaniser et socialiser l'enfant qui vient de naître dans un monde qui lui préexiste. Cette humanisation est mise en relation avec le savoir et l'expérience des autres hommes qui sont des sujets pensants capables d'interagir.
Œuvres
Œuvres originales de Fernando Savater
Toutes les œuvres listées ici sont des essais, sauf mention :
Nihilismo y acción (1970)
La filosofía tachada (1972)
Apología del sofista y otros sofismas (1973)
Ensayo sobre Cioran (1974)
Escritos politeístas (1975)
De los dioses y del mundo (1975)
La infancia recuperada (1976)
La filosofía como anhelo de la revolución (1976)
Apóstatas razonables (1976, puis version amplifiée en 2007)
Para la anarquía y otros enfrentamientos (1977)
La piedad apasionada (1977)
Conocer Nietzsche y su obra (1977)
Panfleto contra el Todo (1978) — Prix Mundo de Ensayo.
Las preguntas de la vida (1999) — Prix Euskadi d'Argent. Trad. fr. Penser sa vie : une introduction à la philosophie[29].
Diccionario del ciudadano sin miedo a saber (2000)
A rienda suelta (2000)
Perdonen las molestias (2001)
A caballo entre milenios (2001)
Pensamientos arriesgados (2002) — essai faisant partie de La Esfera de los Libros in Madrid, une anthologie de José Sánchez Tortosa.
Jorge Luis Borges (2002)
Ética y ciudadanía (2002)
Etnomanía contra ciudadanía (2002)
Palabras cruzadas : Una invitación a la filosofía (coécrit avec José Luis Pardo, 2003)
Mira por dónde. Autobiografía razonada (2003) — autobiographie.
Los caminos para la libertad : Ética y educación (2003) — essai pour le compte de conférences de la Cátedra Alfonso Reyes avec le Fondo de Cultura Económica.
El valor de elegir (2003) — trad. fr. Choisir, la liberté[36].
El gran fraude : sobre terrorismo, nacionalismo y ¿progresismo? (2004)
Los diez mandamientos en el siglo XXI : tradiciòn y actualidad del legado de Moisés (2004) — trad. fr. Les Dix Commandements au XXIe siècle[37].
La libertad como destino (2004)
El Gran Laberinto (2005)
Los siete pecados capitales (2005)
La vida eterna (2007) — trad. fr. La vie éternelle : Éloge des incrédules[38].
Saliendo al paso (2008) — compilation d'articles de presse écrite.
La hermandad de la buena suerte (2008) — roman, Prix Planeta.
La aventura de pensar (2008)
Misterio, emoción y riesgo, textos sobre las novelas y películas de aventuras (2008)
Borges : la ironía metafísica (2008)
Historia de la filosofía. Sin temor ni temblor (2009)
Tauroética (2010) — trad. fr. Tauroética : pour une éthique de la corrida[39].
La música de las letras (2010)
Los invitados de la princesa (2012) — roman, Prix Primavera de Novela.
Ética de urgencia (2012).
El traspié. Una tarde con Schopenhauer (2013) — publication de la comédie qu'il a écrit pour la télévision en 1988, Un paso en falso.
Œuvres traduites par Fernando Savater
Ces œuvres ont été traduites par Fernando Savater et bénéficient d'un prologue de sa plume[40] :
Georges Bataille, El aleluya y otros textos, Madrid, Alianza Editorial, 1981
Georges Bataille, La experiencia interior, seguido de Método de meditación y de Post-Scriptum 1953, Madrid, Taurus, 1981
Georges Bataille, Sobre Nietzsche : voluntad de suerte, Madrid, Taurus, 1986
Georges Bataille, Teoría de la religión, Madrid, Taurus, 1981
↑L'association Ciutadans de Catalunya est une plateforme civique et culturelle impulsée par un groupe d'intellectuels catalans opposés au nationalisme catalan et qui considèrent que leurs positions non nationalistes ne sont pas représentées politiquement en Catalogne.
↑(es) Mario Vargas Llosa, José Antonio de la Marina, Aurelio Arteta, Félix de Azúa, Albert Boadella, Carlos Castilla del Pino, Luis Alberto de Cuenca, Arcadi Espada, Alberto González Troyano, Antonio Lastra, Carmen Iglesias, Carlos Martínez Gorriarán, Jose Luis Pardo, Alvaro Pombo, Ramón Rodríguez, Jose Mª Ruiz Soroa, Fernando Savater, « Manifiesto por la lengua común », sur elmundo.es, (consulté le )[PDF].
↑Il est finaliste du Prix Planeta en 1993 avec le roman épistolaire La hermandad de la buena suerte, un livre sur Voltaire.
↑ a et bFernando Savater (trad. Claude Bleton), Éthique à l'usage de mon fils [« Ética para Amador »], Paris, Seuil, , 179 p..
↑ a et bFernando Savater (trad. de l'espagnol par Gabriel Iaculli), Politique à l'usage de mon fils [« Política para Amador »], Paris, Seuil, , 219 p. (ISBN2-02-023307-X).
↑ a et bFernando Savater (trad. de l'espagnol par François Maspero), Penser sa vie : une introduction à la philosophie [« Las preguntas de la vida »], Paris, Seuil, , 317 p. (ISBN978-2-7578-1221-1).
↑ a et bFernando Savater (trad. de l'espagnol par Hélène Gisbert), Pour l'éducation [« El valor de educar »], Paris, Payot & Rivages, , 273 p. (ISBN2-228-89133-9).
↑Fernando Savater (trad. de l'espagnol par Sara Vasallo), Sur l'art de vivre [« Sobre vivir »], Paris, Calmann-Lévy, , 374 p. (ISBN2-7021-3510-2).
↑Fernando Savater (trad. de l'espagnol), Dictionnaire philosophique personnel, Paris, Grasset, , 409 p. (ISBN2-246-59061-2).
↑Fernando Sabater (trad. Philippe Bataillon), Choisir, la liberté [« El valor de elegir »], Paris, Calmann-Lévy, , 211 p. (ISBN978-2-7021-3575-4).
↑.Fernando Sabater (trad. de l'espagnol par Serge Mestre), Les dix commandements au XXIe siècle [« Los diez mandamientos en el siglo XXI : tradicion y actualidad del legado de Moisés »], Paris, Grasset, , 259 p. (ISBN2-246-68441-2).
↑Fernando Sabater (trad. de l'espagnol par Serge Mestre), La vie éternelle : Éloge des incrédules [« La vida eterna »], Paris, Seuil, , 293 p. (ISBN978-2-02-096757-0).
↑Fernando Sabater (trad. de l'espagnol par Albert Bensoussan), Tauroética : pour une éthique de la corrida, Paris, L'Herne, , 109 p. (ISBN978-2-85197-448-8).