Les grottes de Labastide, ou grottes de Laspugue (parfois écrit l'Aspugue), sont situées sur la commune de Labastide, dans le département des Hautes-Pyrénées, région Occitanie, en France.
Elles forment un ensemble d'origine karstique, avec un système de perte-résurgence.
Le nom de « Laspugue » est une francisation du toponyme occitan « spugue » ou « spélugue », dérivé du mot romanspulga (qui apparaît dans le second tiers du XIIIe siècle), lui-même dérivé de spelunca signifiant spécifiquement « grotte fortifiée »[1]. On le retrouve dans le nom de la grotte des Espélugues à Lourdes et des grottes de Lespugue en Haute-Garonne.
Situation
Les grottes sont à environ 500 m ouest-sud-ouest du village, à quelque 25 km à l'est de Bagnères-de-Bigorre[2].
Les grottes de Labastide appartiennent à un réseau karstique comprenant trois grottes principales : la grotte des Chevaux (grotte ornée), la grotte de la Perte et la grotte Blanche (inoccupée par l'homme)[3],[4].
Géologie
L'ensemble traverse un massif de hautes collines (de 750 m à 769 m) dans les brèches carbonatées jura-crétacés (dolomies, calcaires et marnes).
La cuvette dans laquelle les grottes se trouvent est faite de terrains sédimentaires allant du Gargasien-Albien inférieur (nomenclaturées n6-7aM, n6-7aC et n6-7aU dans la carte géologique) à l'Albien supérieur (n7b-cS et n7b-cF)[5].
Des tronçons fossiles de la cavité sont situés à différents niveaux sur 200 m de dénivellation, marquant les étapes de la surrection au fur et à mesure de l'abaissement de la perte[6].
Hydrographie
Cette « grotte-tunnel » est un système de perte-résurgence avec une rivière hypogée, dans un karst imperméable à l'amont (dit « karst binaire »). Un substratum étanche recueille l'eau de pluie, qui ruisselle et crée un réseau hydrographique[7]. La rivière de la grotte draine un bassin d'environ 6 km2 qui reçoit des précipitations supérieures à 1 000 mm/an[6].
Les eaux qui se perdent dans ces grottes ressortent notamment à la résurgence de l'Echourdidet, alias résurgence de l'Ayguette, sur le territoire de la commune d'Esparros[8].
La grotte des Chevaux
La littérature scientifique la désigne souvent par le nom générique de « grotte de Labastide ».
Son ouverture est au bas d'une grande falaise, au fond d'un entonnoir, dans un éboulis. Elle débouche sur un gouffre aujourd'hui colmaté[9].
Une cavité de plus de 500 m d'extension; un diverticule orienté au nord s'ouvre sur la droite de la galerie principale, à 190 m de l'entrée. Au bout de 7 m, il se resserre en une étroite chatière au-delà de laquelle il reprend sa largeur initiale; cette galerie prend fin quelques mètres plus loin par un puits qui plonge vers l'étage inférieur. La grotte était fréquentée jusqu'au fond comme l'attestent des vestiges de gravures sur les parois, aux abords du puits[11].
Elle a livré au moins 14 inhumations dont trois enfants, localisées dans les 190 premiers mètres (avant la partie inondée de la galerie). Ce sont des dépôts de corps, une incinération partielle, une crémation de corps in situ[9].
Art pariétal
Son art pariétal comporte des gravures et des peintures représentant chevaux et bisons mais aussi bouquetins et rennes, ainsi qu'une figure humaine et une tête de félin. Le site a également livré de nombreuses plaquettes gravées et des contours découpés représentant des têtes de bouquetin[12].
Dans la grotte des Chevaux se trouve un diverticule contenant des niches et des points rouges ; une niche montante, en forme de trône, y fait directement face au panneau aux lions[14]. Cette dernière est sonore : les échos y sont importants. Or de nombreuses études ont maintenant démontré la concordance entre les images et les lieux de résonance, ces lieux étant par ailleurs généralement indiqués par des points rouges (avec un indice de corrélation de l'ordre de 80 % ou 90 %, jusqu'à 99 % pour certains lieux). L'usage de la voix en ce lieu, et peut-être musical, est certain. Il y a une forte probabilité qu'il ait été utilisé pour des rituels associés aux images qui y sont représentées[15].
De plus, la grotte des Chevaux de Labastide est l'une de ces grottes paléolithiques qui présentent un effet de résonance d'un lieu à un autre, avec des liens sonores privilégiés entre certains endroits. Autrement dit, un son émis dans un endroit résonne dans un autre endroit de la grotte. Cet effet se retrouve au Portel ; à Oxocelhaya[16] où la densité des points rouges dans la partie inférieure de la grotte, associée à la riche sonorité de ce lieu, est exceptionnellement élevée[17] ; à Kapova[16] où l'on ne trouve qu'un seul point rouge isolé à l'étage supérieur, où il semble servir de repère à la fois sonore et de direction - mais à l'étage inférieur la plupart des images ont été dégradées et les points rouges qui ont pu y exister ont vraisemblablement disparu[18].
Outillage lithique
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Vers 1950, G. Simonnet[11] trouve dans la grotte des Chevaux une lampe[19],[20] faite d'un fragment de stalagmite « entièrement naturelle » (sans façonnage)[21] arraché à un gour. Elle est de forme allongée, très calcitée ; sa surface est irrégulière et son revers est convexe, ce qui amène un basculement de l'objet. Elle mesure 104,5 × 71 mm, pour une épaisseur de 30 à 32 mm. Elle porte deux cavités naturelles irrégulières qui communiquent entre elles : l'une fait 50 × 36,2 mm pour une profondeur de 20 mm ; l'autre fait 40 × 16 mm pour une profondeur de 17 mm[11]. Elle porte d'abondantes traces de carbonisation et de rubéfaction[21] sur les versants des cuvettes et la margelle, et les flancs et pourtour du revers sont noircis et rubéfiés[11] ; ces traces sont donc localisées de façon telle qu'elles démontrent son usage comme luminaire[21]. La dimension assez réduite de cette lampe est assez petite et ses couvettes ouvertes ont fait que la graisse a débordé et marqué le pourtour du revers et les flancs[11].
Les résidus charbonneux présents sur la margelle[11] ont été analysés par le laboratoire du bois de Zurich, qui n'y a pas trouvé de structure fibreuse ; donc le matériau de la mèche utilisée n'était pas du bois mais plutôt des lichens ou des mousses, matériaux efficaces pour cette fonction (ils sont encore utilisés par les Esquimaux)[22].
Elle se trouvait à 200 m de l'entrée, juste avant la chatière précédant le puits ; donc dans une zone obscure[23],[24].
François Rouzaud (1978) signale un foyer en grotte profonde, comme au Mas-d'Azil, à Montespan, au Portel, au Tuc d'Audoubert, à Labouïche[25], à Fontanet (des occupations magdaléniennes). Les grottes pyrénéennes comprennent le plus d'aires de combustion interprétées comme foyers domestiques[26].
Les foyers en grotte profonde sont relativement fréquemment allumés dans les Pyrénées[n 1] mais sont moins importants que les foyers des zones habitées et témoignent peut-être de passages rapides mais répétés[30]. Certaines lampes sont en relation avec une structure particulière, un foyer ou une œuvre d'art[30]. Ici, la cuvette étant marquée par l'action du feu, « on peut supposer que la lampe a été « préchauffée » dans un foyer ou bien qu'elle a été abandonnée après usage à proximité ou dans le feu »[31].
↑Les foyers en grotte sont plus rares en Dordogne (salle des Peintures à Villars[27],
galerie principale près de la salle des petits bisons à Font-de-Gaume[28], ou les nombreux charbons de bois présents dans le paléosol de toutes les galeries de Lascaux et signalés par Glory (1961) et Breuil[29]).
Références
↑[Guillot 2009] Florence Guillot, « Des hommes et des grottes, réflexions et questionnements pour une histoire médiévale du troglodytisme en France », Spelunca Mémoire, no 34, , p. 135-148 (lire en ligne [sur hal.archives-ouvertes.fr], consulté le ), p. 14 du compteur de pages d'Adobe.
↑[Viré 1898] Armand Viré, « Les Pyrénées souterraines (1re campagne, 1897) (Les Grottes de Bétharram, Escalère, Labastide, etc.) », Mémoires de la Société de Spéléologie, vol. 3, no 14, , p. 59-96.
↑[Reznikoff 2012 (a)] Iegor Reznikoff, « La dimension sonore des grottes paléolithiques et des rochers à peintures », dans Jean Clottes (dir.), L’art pléistocène dans le monde (Actes du Congrès IFRAO, Tarascon-sur-Ariège, 2010. Symposium « Art pléistocène en Europe »), (lire en ligne [PDF] sur blogs.univ-tlse2.fr), p. 49.
↑[Reznikoff 2012 (b)] Iegor Reznikoff, « L'existence de signes sonores et leurs significations dans les grottes paléolithiques », dans Jean Clottes (dir.), L’art pléistocène dans le monde (Actes du Congrès IFRAO, Tarascon-sur-Ariège, 2010. Symposium « Art pléistocène en Europe »), , sur blogs.univ-tlse2.fr (lire en ligne), p. 1745.
↑[Ferrier et al 2014] Catherine Ferrier, Évelyne Debard, Bertrand Kervazo, Aurélie Brodard, Pierre Guibert, Dominique Baffier, Valérie Feruglio, Bernard Gély, Jean-Michel Geneste et Frédéric Maksud, « Les parois chauffées de la grotte Chauvet-Pont d’Arc (Ardèche, France) : caractérisation et chronologie », Paléo, no 25, , p. 59-78 (lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté le ), paragr. 1.
↑[Prat et Sonneville-Bordes 1969] Frat Prat et Denise de Sonneville-Bordes, « Découvertes récentes de paléolithique supérieur dans la grotte de Font-de-Gaume (Dordogne) », Quaternaria, vol. 11, , p. 115-132. Cité dans Beaune 2000, p. 23.
[Beaune 1987a] Sophie A. de Beaune, « Lampes et godets au Paléolithique », Gallia préhistoire, no 23 « suppl. », (lire en ligne [sur persee]).
[Beaune 2000] « Les techniques d'éclairage paléolithiques : un bilan », Paléo, no 12, , p. 19-27 (lire en ligne [sur persee]).
[Clot & Omnès 1979] André Clot et Jacques Omnès, « Premiers datages radiocarbone du Magdalénien des Hautes-Pyrénées », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 76, nos 10-12 « Études et Travaux », , p. 324-339 (lire en ligne [sur persee]).
[Glory, Simonnet & Simonnet 1947] André Glory, Robert Simonnet et Georges Simonnet, « Une cachette magdalénienne de grandes lames en silex dans les Hautes-Pyrénées (grotte de Labastide) », Bulletin de la Société préhistorique de France, t. 44, nos 5-6, , p. 174-178 (lire en ligne [sur persee]).
[Omnès & Clot 1982] Jacques Omnès et André Clot, La grotte ornée de Labastide (Hautes-Pyrénées) : avec une étude paléontologique de André Clot (les illustrations sont de J. Omnès, sauf mention contraire), Lourdes, , 352 p. (présentation en ligne).
[Omnès 1984] Jacques Omnès, « Le sanctuaire magdalénien de la grotte de Labastide (Hautes-Pyrénées. France) », Munibe, no 36, , p. 19-26 (lire en ligne [sur aranzadi.eus], consulté le ).
[Simonnet 1947] Georges Simonnet, « Une nouvelle plaquette de pierre gravée magdalénienne de la grande Grotte de Labastide, commune de Labastide (Hautes-Pyrénées) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 44, nos 1-2, , p. 55-64 (lire en ligne [sur persee]).
[Simonnet 1988] Robert Simonnet (Responsable d’opération), « Labastide – Grotte des Chevaux. Relevé d'art rupestre », AdlFI, (lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté le ).
[Varana 20009] Nathalie Vanara, « La grotte-tunnel de Labastide, quelques éléments de réflexion », Spéléoc, no 121, , p. 13-15 (lire en ligne [sur cdsc65.org], consulté le ). (dont coupe est-ouest du système karstique)