Tribute in Light (en français : « Hommage en lumière » ou « Hommage lumineux ») est une installation de 88 projecteurs mise en place pour la première fois le , six mois après les attentats du , sur le toit du Battery Parking Garage, près du site du World Trade Center. Dirigés vers le ciel et disposés en deux carrés, les projecteurs créent deux faisceaux de lumière verticaux dans le ciel rappelant les tours jumelles et rendant hommage aux victimes[1].
Le projet devait à l'origine être nommé "Towers of Light "(« Tours de lumière »), mais les familles des victimes ont estimé que le nom mettait l'accent sur les bâtiments détruits au lieu des personnes tuées[2].
Mis en place chaque année depuis la catastrophe, au mois de septembre, aux alentours de la date des attaques, Tribute in Light devait à l'origine servir de « mémorial » temporaire aux attaques contre le World Trade Center, en attendant la construction du véritable mémorial ; il était dès lors prévu que 2011, date du 10e anniversaire des attentats, soit la dernière année où l'hommage serait rendu de cette manière, le mémorial ayant ouvert depuis. Cependant, l'hommage lumineux est maintenu les années suivantes, pour une journée seulement désormais (du crépuscule du à l'aube du )[3],[4],[5],[6].
Depuis 2008, les générateurs de Hommage lumineux sont alimentés avec du biodiesel à base d'huile de cuisson recyclée[7].
Impact écologique
Oiseaux
L'installation est aussi une source de pollution lumineuse. En 2010, on estime que des milliers d'oiseaux migrateurs, qui étaient en route du Canada vers le climat plus chaud des Caraïbes et de l'Amérique du Sud, ont été piégés par les lumières. Elles ont été éteintes pendant 20 minutes afin de laisser les oiseaux s'échapper[8]. Il s'agit essentiellement d'oiseaux migrateurs, d'espèces très variées (fauvettes, oiseaux marins, grives, rapaces et faucons pèlerins)[9].
En 2017, une équipe pilotée par Andrew Farnsworth (de l'Université Cornell), en utilisant un radar météorologique qui permet de rendre visibles les oiseaux (même hors du faisceau de lumière), a évalué qu'au cours des sept anniversaires précédents, l'installation annuelle avait attiré un total d'environ 1,1 million d'oiseaux[10]. En seulement 20 minutes d'éclairage du ciel, ce sont jusqu'à 16 000 oiseaux qui ont été attirés dans un rayon d'un demi-kilomètre. À l'extinction des faisceaux, le radar montre que le nuage d'oiseau se dissipe très vite. Le phénomène d'intense mortalité d'oiseaux en raison de l'éclairage artificiel a été ensuite confirmé en 2018 à échelle du pays[11] et in situ plus tard par des caméras thermiques. On a montré (grâce au radar) que les éclairages intenses peuvent attirer des oiseaux volant jusqu'à 200 km de distance[12]. Ces données, selon Cornell Benjamin van Doren, « vous donnent vraiment une idée de l'échelle à laquelle la lumière peut avoir un impact sur la migration des oiseaux. Les oiseaux qui tournent en rond brûlent durant ce temps leur précieuse graisse corporelle, sont des proies faciles et, pire que tout, peuvent se fracasser sur les fenêtres des bâtiments voisins[9]. »
Les preuves de la grande capacité de perturbation de l'installation sur les oiseaux sont apparues alors que les scientifiques s'inquiètent de l'effondrement de nombreuses espèces et notamment des oiseaux[9]; ils estiment que la population d'oiseaux a chuté d'environ 3 milliards d'oiseaux entre 1970 et 2019, et la pollution lumineuse est l'un des facteurs connus de l'effondrement de certaines espèces (oiseaux, insectes nocturnes, chauve-souris). Les ornithologues craignent que chaque exacerbation supplémentaire du phénomène rapproche du moment où des populations d'oiseaux autrefois abondantes risquent de basculer vers l'extinction[9].
Pistes de solutions
Les études radar des effets du Tribute in Light sur les oiseaux ont notamment débouché sur un programme baptisé BirdCast, visant à associer au radar météorologique (à échelle du continent américain) un logiciel d'apprentissage automatique pour prévoir les nuits exactes où des centaines de millions d'oiseaux migrateurs survolent les villes américaines[13], données qui permettraient au moins d'éteindre ou atténuer les éclairages au moment des pics de migration.
Chaque 11 septembre, quand les deux faisceaux lumineux sont rallumés, « des défenseurs des oiseaux attendent en bas, comptant et écoutant des pépiements désorientés[9]. Si les observateurs signalent trop d'oiseaux tournant sans but dans les faisceaux, les organisateurs éteignent les lumières »[9].
La ville de New York a récemment adopté une ordonnance obligeant les bâtiments de la ville à éteindre les lumières lors de la saison de migration, et des dizaines de campagnes citoyennes aux États-Unis cherchent à « sauver des dizaines voire des centaines de milliers d'oiseaux par ville chaque année »[9]. En 2019, une étude basée sur le projet BirdCast a aussi montré que les villes où le flux migratoire croise le plus de zones de grave pollution lumineuse sont Chicago, Houston et Dallas. Poussées par les groupes de défenseurs des oiseaux, plusieurs villes ont déjà mis en place des campagnes volontaires Lights Out (extinction volontaire des lumières non-essentielles) durant la saison de migration, dont Toronto (depuis 1990) et 43 autres villes américaines, en 2022[9].
Apparitions dans les médias
L'hommage lumineux est visible dans le clip de la chanson The Color of Love (2002) du groupe Boyz II Men.
↑(en) Benjamin M. Van Doren, Kyle G. Horton, Adriaan M. Dokter et Holger Klinck, « High-intensity urban light installation dramatically alters nocturnal bird migration », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 114, no 42, , p. 11175–11180 (ISSN0027-8424 et 1091-6490, PMID28973942, PMCIDPMC5651764, DOI10.1073/pnas.1708574114, lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Adriaan M. Dokter, Andrew Farnsworth, Daniel Fink et Viviana Ruiz-Gutierrez, « Seasonal abundance and survival of North America’s migratory avifauna determined by weather radar », Nature Ecology & Evolution, vol. 2, no 10, , p. 1603–1609 (ISSN2397-334X, DOI10.1038/s41559-018-0666-4, lire en ligne, consulté le ).
↑(en) James D. McLaren, Jeffrey J. Buler, Tim Schreckengost et Jaclyn A. Smolinsky, « Artificial light at night confounds broad-scale habitat use by migrating birds », Ecology Letters, vol. 21, no 3, , p. 356–364 (DOI10.1111/ele.12902, lire en ligne, consulté le ).