L'indo-européen commun, proto-indo-européen (PIE) ou indo-européen (IE) est une langue hypothétique considérée comme l'origine unique des langues indo-européennes actuelles. Cette possible protolangue est partiellement reconstruite par les linguistes à partir des similitudes entre langues souvent disparues mais réelles et connues et partiellement à partir des schémas de transformation notamment phonologiques bien identifiés. Le proto-indo-européen n'est pour le moment qu'une hypothèse tentant d'expliquer des ressemblances qui se manifestent avec régularité, sa principale contre-hypothèse étant le modèle de l'aire linguistique[1]. Cependant, le consensus considère l’indo-européen comme une langue ayant réellement existé, caractéristique d’un peuple. Il ne le considère pas comme un pur « artefact » de la recherche, construit par induction et déduction, qui tire toute sa valeur de cela.
La connaissance de l'indo-européen repose donc sur la linguistique comparée, notamment sur la morphologie et la phonétique étudiées dans leur perspective historique. On peut reconstruire quelques aspects, sinon vraisemblables, du moins puissamment explicatifs du point de vue de la linguistique historique, de sa phonologie, de son lexique et de sa morphologie. L’indo-européen connaît deux tendances[2]: les comparatistes philologues privilégient l'emploi de façon algébrique et mécanique de formules et de règles phonétiques alors que les comparatistes linguistes visent d'abord une proto-langue réaliste et acceptable, c'est-à-dire un état de langue possible. Les évolutions des études indo-européennes visent à concilier ces deux tendances, à la fois en améliorant l'efficience de l'emploi de formules et de règles et en renforçant le réalisme. Des recherches actuelles tentent de reconstituer quelques traits de sa syntaxe.
Selon l'évolution supposée par la très grande majorité des linguistes, cette langue commune a ensuite connu un phénomène de dialectalisation expliquée notamment par la dispersion géographique des locuteurs donnant les différentes langues indo-européennes, comparable à la dialectalisation que connaîtra le latin bien des siècles plus tard.
Découverte et reconstruction
Quand et où l'indo-européen a-t-il été parlé ?
La localisation géographique et temporelle du « peuple indo-européen » a donné lieu à diverses hypothèses. L'hypothèse kourgane est le modèle le plus reconnu dans le monde universitaire[3],[4]. Il postule que la culture kourgane est celle des hypothétiques locuteurs de l'indo-européen reconstruit.
Le processus de « satemisation », à l'origine de la séparation entre langues satem et langues centum, a probablement commencé dès le IVe millénaire av. J.-C.[5], et la seule chose tenue pour sûre est que cette proto-langue a dû se diversifier en dialectes sans rapports directs les uns avec les autres vers la fin du IIIe millénaire av. J.-C.
La plupart des linguistes estiment que l'intervalle entre la période où existait effectivement de l'indo-européen et les premiers textes attestés (autour du XIXe siècle av. J.-C., voir les tablettes de Kültepe) varie entre 1 500 et 2 500 ans, avec des propositions extrêmes qui vont jusqu'à 5 000 ans.
Plusieurs modèles de datation et de localisation existent :
Dès la fin du XVIe siècle, des savants constatent certaines ressemblances dans les langues européennes avec le persan ou le sanskrit. Dans les années 1640, deux professeurs de l'université de Leyde, Marcus Zuerius van Boxhorn[7] et Claude Saumaise[8], développent chacun la thèse selon laquelle toutes ces langues descendraient d'un ancêtre commun, qu'ils baptisent le « scythique »[9]. En 1686[10], le philologue suédois Andreas Jäger(it) propose, sur fond de comparatisme, que la plus vieille langue de l’Europe proviendrait du Caucase[11].
L'idée de la parenté de ces langues est plusieurs fois reprise dans les temps qui suivent. Elle est notamment soutenue avec vigueur par l'Anglais William Jones qui, lors d'une conférence en 1786[12], intègre le sanskrit à l'ensemble constitué par les langues européennes et le persan. Toutefois, c'est au début du XIXe siècle que l'étude de la question connaît un tournant méthodologique. En particulier, le Danois Rasmus Rask[13] et l'Allemand Franz Bopp[14] mènent chacun des études plus approfondies et plus systématiques qui portent notamment sur les parentés structurelles et morphologiques entre les différentes langues[15]. Dès lors, la linguistique historico-comparative prend un essor considérable, principalement en Allemagne.
Cependant, Nicolas Fréret récuse l’existence d'une « ancienne langue commune » postulée par Leibniz, au nom de la « différence essentielle et radicale » qui sépare les parlers européens[16]. Par exemple, il indique que le nom de la « mère », dans les langues du nord, a été emprunté au latin mater. Fréret pense que les racines communes aux deux langues celtique et germanique viennent d'un mélange de population.
La phase « classique » du comparatisme indo-européen va donc de la Grammaire comparée[17] (1833-1849) de Franz Bopp au Compendium[18] d'August Schleicher (1861), jusqu'aux années 1880, où commence la publication du Grundriss der vergleichenden Grammatik der indogermanischen Sprachen[19] de Karl Brugmann. Néogrammairien, Brugmann réexamine le sujet surtout sous l'angle axiomatique de la régularité des lois phonétiques. Ensuite, l'élaboration de la théorie des laryngales de Ferdinand de Saussure[20] peut être considérée comme le point de départ des études « contemporaines » sur l'indo-européen.
L'indo-européen commun, tel qu'on le décrivait au début des années 1900, est en général toujours accepté aujourd'hui. Les travaux ultérieurs sont pour la plupart des peaufinages et des systématisations, ou des incorporations de nouvelles informations, comme la découverte des langues anatoliennes et tokhariennes, inconnues du XIXe siècle. Le contre-modèle que constituerait un Sprachbund (aire linguistique), c'est-à-dire un ensemble de langues originellement indépendantes qui auraient convergé par influence mutuelle, est écarté au vu de la nature des phénomènes observés[21].
La théorie laryngaliste notamment, dans sa formulation primitive, discutée depuis les années 1880, s'impose comme le courant dominant après 1927[22] où Jerzy Kuryłowicz annonce la découverte de la survivance de certains de ses phonèmes hypothétiques dans des langues anatoliennes. L'Indogermanisches etymologisches Wörterbuch, de Julius Pokorny, paru en 1959, donne un aperçu des connaissances sur le lexique accumulées jusqu'au début du XXe siècle, mais néglige les tendances contemporaines de la morphologie et de la phonologie, et ignore en grande partie les groupes anatolien et tokharien. Le linguiste Arnaud Fournet[2] constate que le dictionnaire étymologique de l’indo-européen de Pokorny est atomisé en une myriade d'entrées (c'est-à-dire de racines) de forme proche et de sens proche et que ces entrées pourraient être regroupées par une méthodologie d’analyse différente.
La génération d'indo-européanistes active dans le dernier tiers du XXe siècle (comme Calvert Watkins(en), Jochem Schindler(en) et Helmut Rix) a approfondi la compréhension de la morphologie, et de l'alternance vocalique dans la vague de L'apophonie en indo-européen[23] de Kuryłowicz (1956). Depuis les années 1960, les connaissances sur le groupe anatolien sont suffisamment élargies pour établir sa filiation par rapport à l'indo-européen.
D'une manière générale, toutes les concordances entre les langues sont régulières et toute exception apparente à la régularité établie exige une explication particulière. Elles obéissent à ce que les linguistes nomment le caractère régulier des changements phonétiques. C'est cette régularité qui rend possible une reconstruction de l'état antérieur de la langue[24].
Diachronie : lois phonétiques
Entre parenthèses : aire d'extension de la loi ; les lois non qualifiées s'appliquent à la totalité des langues indo-européennes.
Plusieurs liens entre l'indo-européen et d'autres familles linguistiques ont été proposés, mais ces connexions spéculatives sont hautement controversées. L'hypothèse la plus largement acceptée est peut-être celle de la proximité avec la famille des langues ouraliennes, ce qui conduirait à la formation d'un groupe encore plus vaste, celui des langues indo-ouraliennes(en). Les preuves habituellement citées en faveur de cette hypothèse sont la proximité des Urheimaten(en) (lieux d'origine) des deux familles, la typologie morphologique similaire, et un nombre de morphèmes apparemment partagés. Frederik Kortlandt, tout en plaidant pour une connexion, concède que « le trou entre l'ouralien et l'indo-européen est énorme », alors que Lyle Campbell, spécialiste en langues ouraliennes, refuse toute relation entre les deux groupes.
L'existence de certaines spécificités typologiques de l'indo-européen dans les langues abkhazo-adygiennes peut amener à considérer l'hypothèse d'un Sprachbund (union linguistique) ancien des deux langues[25] ou d'un substrat commun qui se trouvait géographiquement dans le foyer indo-européen[5],[26]. Ce type de langues identiques, avec des verbes complexes et dont les langues abkhazo-adygiennes actuelles pourraient être les seules survivantes, est, pour Peter Schrijver(en), l'indication d'un lexique local et d'une réminiscence d'un possible substratnéolithique (hypothèse d'une « créolisation néolithique(en) »[27]).
Les récentes découvertes réalisées dans le domaine de la paléogénétique ont amené certains linguistes à repréciser des hypothèses anciennes concernant le processus de formation de l'indo-européen. Allan R. Bomhard, propose une hypothèse, fondée sur la glossologie, selon laquelle le proto-indo-européen serait le résultat d’une interférence entre un substrat linguistique originaire du nord du Caucase et une langue dominante liée elle à l'ouralien, voire au pré-ouralien. Ce type d’interférence aurait impliqué une longue période de bilinguisme parmi les locuteurs des deux langues. Frederik Kortlandt lie cette période du proto-indo-européen à un premier foyer situé au nord de la Caspienne. Cette hypothèse serait en accord avec les études génétiques qui montrent que le génome des individus de la culture Yamna provient pour moitié des chasseurs-cueilleurs de l'Est et pour moitié des chasseurs-cueilleurs du Caucase. La culture de Khvalynsk (c. 4900 - 3500 avant notre ère) sur la moyenne Volga aurait été le point de jonction et de mélange de ces deux populations[28].
Typologie et évolution
La typologie de l'indo-européen a varié au moins sur trois points essentiels : l'indo-européen de la période récente est une langue flexionnelle comme toutes les langues indo-européennes dans leur totalité. Au contraire l'indo-européen reconstruit a vraisemblablement connu une phase agglutinante[29] et une phase isolante[30] à constructions sérielles[31].
Par ailleurs, l'indo-européen de la dernière période est une langue accusative, comme le sont l'ensemble des langues indo-européennes, mais dans une phase antérieure, elle semble avoir été une langue active dans laquelle on faisait la différence entre le sujet actif et le sujet non actif[32],[33]. Thomas V. Gamkrelidze et Viatcheslav Vsevolodovitch Ivanov ont été parmi les premiers à démontrer de manière convaincante que le proto-indo-européen a été une langue active, suivis notamment par Winfred P. Lehmann(en)[34],[35] Cette thèse demeure néanmoins discutée[36].
Ces différences typologiques majeures suggèrent que la formation de l'indo-européen s'est étendue sur une longue période.
*b est très rare[24]. On le rencontre notamment dans *píbeti « il boit », píbati en sanskrit[38], issu de *pí-ph3-e-ti, redoublement de la racine *peh3- « boire »[24].
Pour expliquer notamment cette rareté du *b et la loi de Bartholomae, Viatcheslav V. Ivanov et Tamaz V. Gamkrelidze ont proposé la théorie glottalique en 1973, sans obtenir de consensus. Elle propose que[37] :
les sonores aspirées (*bh, *dh, *gh...) seraient des sonores simples (*b, *d, *g...) avec un allophone aspiré (*bh, *dh, *gh...).
La fricative *s pourrait avoir plusieurs articulations de [s] à [ʃ]. Devant une occlusive sonore, elle se sonorise en [z], par exemple dans *nizdó-s « nid », dérivé de *ní-sed- « se poser »[24]. Ainsi en lituanienlìzdas « nid » et sėdėti « il s'assied », en vieux slavegnĕzdo « nid » et sĕdĕti « il s'assied »[38].
Exemples
Labiales
Dentales ou coronales
Palatales
Vélaires
Labio-vélaires
Laryngales
Occlusives sourdes
*pṓds (gén. *pḗds) « pied »
*ters- « sec » (lituanien tirštas « raide »)
*ḱḗr (gén. *ḱrd-ós) « cœur »
*leuk- « lumière » (grec leukós)
*kʷí-s « qui ? », *kʷó-d « quoi ? »
Occlusives sonores
*bel-os « fort » (serbo-croate bolji « meilleur »)
*déḱm̥t « dix » (lat. decem)
*ǵenu-s « genou » (lat. genū)
*h₂eug- « accroître, augmenter » (lat. augeō)
*gʷih₃wós « vivant » (lituanien gývas)
Occlusives aspirées
*bʰer- « porter » (arménien berem)
*médʰ-yos « central, moyen » (lat. medius)
*h₂enǵʰ- « serrer » (lat. angō)
*gʰostis « hôte » (angl. guest)
*gʷʰer-mós « chaud » (lat. formus, angl. warm)
Nasales
*mṛt-ós « mort » (sanskrit mr̥tás)
*neh₂-s (gén. *nh₂-s-ós)[39] « nez, narine » (lat. nārēs)
Fricatives
*sed- « être assis » (lat. sedere « s'asseoir »)
*h₂weh₁- « venter, souffler » (hittite ḫuwai- « courir »), *deh₃- « donner » (lat. dare), *h₃ep- « travailler » (lat. opus « œuvre, travail »)
Sonantes
*pró-, *preh₃- « devant » (lat. pro-), *legʰ- « être couché, coucher » (néerl. liggen « s'allonger »)
*h₂éy-es « métal » (avestique aiiah « métal, fer »)
Allophones vocaliques de laryngales, nasales, liquides et semivoyelles
*h̥₁, *h̥₂, *h̥₃, *m̥, *n̥, *l̥, *r̥, *i, *u
Variantes longues de ces allophonesd
*m̥̄, *n̥̄, *l̥̄, *r̥̄, *ī, *ū
Notes :
a : il est très souvent suggéré[40] que tous les *a et *ā sont des dérivés de la séquence *eh₂ ou *h₂e, mais Manfred Mayrhofer(en)[41] pense que l'indo-européen a en réalité un *a et un *ā, indépendamment d'un h₂.
Chaque mot ne possède qu'un seul ton et ce ton peut occuper n'importe quelle place dans le mot. Si deux mots juxtaposés dans la phrase sont unis par le sens, l'un des deux est atone[Quoi ?][43], de même un mot composé ne reçoit qu'un seul ton[24]. Le sanskrit est la langue qui a le mieux conservé la place et les fonctions du ton indo-européen[44]. On le note avec un accent aigu.
Le ton a parfois une fonction distinctive[24]. Par exemple *tómos « coupure », substantif masculin à valeur d'action ou d'objet accompli, d'où le grec τόμος, s'oppose à *tomós « coupant », adjectif, en grec τομός. En sanskrit váraḥ « choix » et varáḥ « prétendant »[43].
En l'absence de ligateur de phrase, la tonicité du verbe indique la subordination ; le verbe personnel n'est pas accentué dans une proposition principale ou indépendante[24].
Correspondances phonétiques
Cette section présente des correspondances phonétiques régulières qu'on observe entre les langues issues de l'indo-européen commun.
Consonnes
Voici les correspondances les plus courantes entre les consonnes des langues indo-européennes[38]
*ḥ est la vocalisation d'une consonne et donne naissance à des voyelles dans les langues indo-européennes[24]. *i et *u peuvent être analysés comme la forme à degré zéro d'une diphtongue ou comme des voyelles simples[37].
Le système morphologique des langues indo-européennes se caractérise par son extrême complexité. Un seul et même signifiant peut correspondre à plusieurs signifiés et, inversement, un même signifié peut s'exprimer par divers signifiants[24].
L'indo-européen est une langue flexionnelle, c'est-à-dire une langue dans laquelle les relations grammaticales entre les mots sont signalées par des modifications des mots (habituellement par des terminaisons spécifiques). Le radical dans l'indo-européen est le morphème de base, qui porte par lui-même un sens lexical. Par l'addition de suffixes, les morphèmes forment des thèmes, et par addition de désinences (habituellement finales), ils forment des flexions ou déclinaisons de substantifs ou de verbes.
Les radicaux indo-européens sont considérés comme étant en majorité monosyllabiques, avec une base type consonne-voyelle-consonne (consonne) (CVC(C)). Cette forme de base du radical est parfois modifiée par l'alternance vocalique. Beaucoup de spécialistes pensent que les radicaux à voyelle initiale commençaient originellement par une série de consonnes, perdues par la suite dans toutes les langues, sauf dans les langues anatoliennes, où elles sont appelées laryngales, habituellement précisées par un nombre inférieur (en indice) *h₁, *h₂, *h₃ (ou *H lorsque indéterminée). Ainsi, une forme verbale telle que le latinagunt, « ils agissent », à laquelle correspondent le grec ancienágousi (ἄγουσι) et le sanskritajanti (अजन्ति), serait reconstruite *h₂eǵonti, avec l'élément *h₂eǵ- constituant le radical lui-même.
Le radical ne peut pas à la fois commencer et se terminer par une occlusive sonore non aspirée, par exemple *gwod- n'existe pas, de ce fait le sanskrit gádati « il dit » n'a pas de correspondant dans d'autres langues. Un radical qui commence par une occlusive sonore aspirée ne finit pas par une sourde, et inversement, il n'y a donc pas de racines telles que *bheut- ou *teubh- ; toutefois, un radical qui commence par *s plus consonne sourde peut se terminer par une sonore aspirée[43] : *steigh- « aller, marcher, s'avancer, gravir » d'où le sanskrit stighnoti « il monte », le grec ancien στείχω (steíkhô) « je vais, je m'avance », le vieil irlandais tíagu « je vais », le gotique steigan « monter »[38]...
Le radical connaît deux formes de redoublement, préfixées à la racine[43] :
Le redoublement normal (pour des verbes) : composé de la consonne ou de la sonante inititale du radical + une voyelle (*i au présent, *e au parfait, *i ou *u au parfait si le radical comprend les sonantes *y ou *w). Par exemple, la racine *pel(h1)- « remplir » produit *pí-pel-mi d'où le sanskrit pí-par-mi « j'emplis », *pí-pleh1-mi d'où le grec ancien πί-πλη-μι (pί-plê-mi).
Le redoublement intensif (pour des verbes et des substantifs) : composé de la consonne ou de la sonante initiale du radical + une voyelle + le cas échéant la sonante qui suit les voyelles du radical. Par exemple la forme simple de la racine *wert- « tourner » : *wért-eti « il tourne » devient vártati en sanskrit et vertit en latin ; forme redoublée : várvarti (contraction de *vár-vart-ti) « il tourne », en avestique vár-vṛt-ati « ils tournent ».
Le redoublement s'emploie pour des substantifs de caractère affectif ou technique avec une valeur expressive. Pour les verbes, il sert à renforcer le sens, à marquer la répétition ou la durée de l'action ou son achèvement.
Le phénomène d'alternance vocalique est un des aspects distinctifs de l'indo-européen. L'alternance vocalique, ou apophonie, est une variation d'une voyelle qui change, se modifie en *o, *e ou disparaît (Ø, aucune voyelle). Ces variations dépendent peut-être des sons adjacents et de l'emplacement de l'accent dans le mot. Ils trouvent un écho dans les langues indo-européennes modernes, où ils en sont venus à refléter des catégories grammaticales. Ces timbres vocaliques sont habituellement nommés timbre e, timbre o, appelés collectivement degré plein ; degré zéro (aucune voyelle, Ø) ; degré long (*ē ou *ō). Les différentes formes du verbeanglaissing (sing, sang, sung) sont un exemple de l'alternance vocalique ; elles reflètent une séquence proto-germanique*sengw-, *songw-, *sngw-. Certains spécialistes pensent que les affixes flexionnels de l'indo-européen reflètent des variations de l'alternance vocalique, habituellement un degré zéro, de radicaux indo-européens plus anciens. Parfois le degré zéro apparaît là où l'accent du mot s'est déplacé, depuis le radical vers un des affixes. Ainsi, l'alternance du latinest, sunt, « il est, ils sont », ramène à l'indo-européen *h₁és-ti, *h₁s-ónti.
Dérivation
Le radical de substantifs et des verbes peut être suivi par la voyelle thématique et par un ou plusieurs suffixes[24],[43].
La voyelle thématique
La voyelle *e alterne avec *o. Pour les noms et les adjectifs, elle est à l'origine de la deuxième déclinaison du latin et du grec. Par exemple, *yug-ó-m est devenu jugum en latin, ζυγόν (zugόn) en grec ancien, yugám en sanskrit, yokäm en tokharien A, yukan en hittite... Pour les verbes, la conjugaison thématique, désinence *-ō à la première personne du singulier du présent de l'indicatif qui s'oppose à la désinence -mi de la conjugaison athématique.
L'infixe nasal
Il n'existe qu'un seul infixe, qui se place avant le dernier élément phonétique du radical : *-ne- / *-n-. On le trouve dans des verbes ou dans des substantifs. Par exemple la racine *yeug- « atteler », avec infixation *yu-ne-g-, *yu-n-g-« lier, joindre » : sanskrit yunákti (de *yu-né-g-ti) « il joint », yuñjánti (de *yu-n-g-énti) « ils joignent », latin jungō « je joins ». Racine *wed- « eau » sans infixe : sanskrit udán, hittite wātar, anglais water / avec infixe : latin unda, lituanien vanduõ.
Dérivation nominale
De très nombreux suffixes s'ajoutent aux substantifs, aux adjectifs, forment des participes. Quelques exemples :
Suffixes
Signification
Exemples
*-yo-
appartenance (adjectifs)
latin pater « père » – patrius « paternel »
*-ey-o-
composition (adjectifs)
latin aurum « or » – aureus « en or, doré »
*-tó-, *-nó-
participe passé passif
*ǵerh₂- « moudre » → *ǵr̥h₂-nó- « moulu ; grain » → latin grānum, vieux slave zrŭno, gotique kaúrn *stoih₂-nó-s « gelé » → anglais stone « pierre »
Plusieurs suffixes comme *-ye/o- ou *-yo-/-i- qui forment des présents à partir de thèmes nominaux, *-ske/o- qui fournit des présents de d'aspect déterminé *-ne/o- qui tire des présents d'aspect déterminé de thèmes radicaux.
Il existe des suffixes modaux : *-e/o- forme le subjonctif, *-yeh1-/-ih1- et *-oi- forment l'optatif[24].
Substantifs et adjectifs
Genre
Il y a trois genres : masculin, féminin et neutre. Le hittite a conservé un état de la langue qui opposait le neutre au genre animé (sans distinction du masculin et du féminin)[24].
La distinction entre masculin et féminin est stricte pour les adjectifs mais moins nette pour les substantifs[24].
Le neutre s'emploie de préférence pour les choses inanimées alors que le masculin et le féminin pour les êtres vivants et les choses en mouvement[24]. De plus, le neutre est aussi utilisé pour des êtres qui ne sont pas considérées comme des personnes (les esclaves...), très souvent aussi pour des diminutifs[43]. L'opposition entre inanimé et animé peut résulter d'un ancien système d'ergatif[24]. Outre la notion de sexe, l'opposition entre masculin et féminin s'étend à ce qui est conçu comme mâle (par exemple le ciel) ou femelle (par exemple la terre, les arbres)[43].
Déclinaisons
Les substantifs indo-européens sont déclinés suivant huit ou neuf cas[N 1],[24]. Il y a peut-être un cas directif, ou allatif[46]. Aux cas directs (nominatif, vocatif et accusatif), les désinences divergent entre les genres animés et le neutre alors qu'aux autres cas, dits obliques, elles servent à tous les genres[24].
Concordances fragiles entre le vieil indien et le vieux slave. L'avestique distingue le locatif du génitif
Ablatif / Datif / Instrumental
*-bh-
Variante en *-m- dans les langues baltiques et slaves. La terminaison varie d'une langue à l'autre.
Pluriel
Nominatif / Vocatif animé
*-es
Accusatif animé
*-ns
Réduit à *-s dans les thèmes terminés par une laryngale. Remplacé par une forme pronominale *-us en anatolien.
Nominatif / Vocatif / Accusatif neutre
*-e(h2) / *-h2
Variante : absence de désinence mais allongement de la dernière voyelle du thème.
Locatif
*-su
Génitif
*-om, *-oom
*-on, *-oon dans les langues qui substituent *n final à *m final. Le gotique -ē peut provenir de *-eem
Ablatif / Datif
*-bhos, *-bhyos
Variante : *-mos
Instrumental
*-bhis
Variante : *-mis
Vocalisme et ton
Le degré des voyelles du thème et la place du ton peuvent varier au cours de la flexion[43].
Il existe deux types majeurs de déclinaisons : thématique et athématique. Les déclinaisons thématiques des substantifs sont formés avec un suffixe*-o- (*-e au vocatif), et n'a pas d'alternance vocalique. Les flexions athématiques sont plus archaïques, et elles sont classifiées par leur comportement dans l'alternance vocalique : « acro-statique », « protéro-dynamique », « hystéro-dynamique », et « holo-dynamique », après le positionnement de l'accent premier indo-européen (« dynamis ») dans le paradigme.
acro-statique
protéro-dynamique
Racine
Suffixe
Désinence
Racine
Suffixe
Désinence
cas forts
Ton vocalisme *é *h₂éw-i-s (lat. avis « oiseau »)
Ton vocalisme *é *péh₂-wr̥ (hittite. paḫḫur « feu »)
cas faibles
Ton vocalisme *é *h₂éw-i-s (Gén. latin avis « de l'oiseau »)
Ton vocalisme *é *ph₂-wén-s (Gén. hittite. paḫḫuenaš « du feu »)
hystéro-dynamique
holo-dynamique
Racine
Suffixe
Désinence
Racine
Suffixe
Désinence
cas forts
Ton vocalisme *é (Acc.Sing.; Nom.Sing. avec vocalisme *ḗ) *ph₂-tér-m̥ « père »
Ton vocalisme *é *h₂éws-ōs « aurore »
vocalisme *ō (Nom.Sing.) vocalisme *o (Acc.Sing.)
cas faibles
Ton vocalisme *é *ph₂-tr-és (Gén.)
Ton vocalisme *é *h₂us-s-és (Gén.)
Pronoms
Les pronoms indo-européens sont difficiles à reconstruire à cause de leur variété dans les langues-filles. C'est particulièrement le cas pour les pronoms démonstratifs. L'indo-européen a des pronoms personnels pour les première et deuxième personnes, mais pour la troisième, des démonstratifs sont utilisés. Les pronoms personnels ont leur propre radical et leurs propres terminaisons, et certains ont même deux radicaux ; cela reste visible en français, où deux formes demeurent pour le pronom personnel de la première personne : « je » (sujet), « me » (objet). Pour Beekes[47], il y a aussi deux formes pour le pronom à l'accusatif, au génitif et au datif : une forme accentuée (ou tonique) et une forme enclitique (ou atone).
Comme pour les démonstratifs, on parvient à reconstruire un système avec seulement deux pronoms : *so / *seh₂ / *tód, « cela », et *h₁éi / *h₁ih₂ / *h₁id, « ceci », « le » anaphorique. On postule aussi l'existence de plusieurs particules adverbiales *ḱis, « là », *h₁idh₂, « ici », *h₂en, « là-bas », et *h₂eu « encore », desquels les démonstratifs ont été construits dans plusieurs langues-filles.
Les verbes sont conjugués à au moins trois temps : présent, aoriste et parfait, qui a au départ une valeur aspectuelle. À l'indicatif, un imparfait et un plus-que-parfait (bien que ce soit moins évident pour ce dernier) ont pu exister. La conjugaison est aussi marquée par un système très développé de participes, un pour chaque combinaison de temps et de mode, et une série de noms verbaux et de formations adjectivales.
Terminaisons reconstruites de l'indicatif présent actif
Voici un exemple, selon Ringe[49], de la conjugaison athématique d'un verbe, avec infixe nasal au présent, thème d'aoriste et redoublement au parfait. Deux séries de terminaisons sont fournies pour les désinences primaires médio-passives (au subjonctif et à l'indicatif primaire) : les dialectes centraux (indo-iranien, grec, germanique, balto-slave, albanais et arménien) utilisent des désinences en *y, alors que les dialectes périphériques (italique, celtique, hittite et tokharien) ont conservé les désinences en *r, qui sont généralement considérées comme les formes originelles.
Les hypothèses suivantes de Ringe sur la phonologie de l'indo-européen commun ne sont pas universellement acceptées :
La loi de Sievers s'applique à toutes les sonantes (*i, *u, *r, *l, *n, *m) quelle que soit leur position.
En fin de mot, *-t devient *-d lorsque le mot suivant commence par une voyelle ou par une consonne sonore.
Les effects de la loi boukólos, largement acceptée, sont indiqués. Cette loi stipule que *kʷ se transforme en *k s'il est suivi par *u ou *w.
Voici un exemple, selon Ringe[49], de la conjugaison thématique d'un verbe, simplement au présent. Les deux séries de terminaisons citées précédemment pour les désinences primaires médio-passives, sont de nouveau employées, de même que les théories précitées sur la phonologie.
Ici s'ajoute une règle sur la disparition des laryngales présentes dans la séquence -oRHC ou -oRH#.R représente une sonante quelconque, H une laryngale indéterminée, C une consonne quelconque, # la terminaison d'un mot. Elle fait disparaitre la plupart du temps le *h₁ à l'optatif.
Racine : *bʰer-« porter »
Thème de présent
Voix active
Présent de l'indicatif
Prétérit
Subjonctif
Optatif
Impératif
1 sg.
*bʰéroh₂
*bʰérom
*bʰérōh₂
*bʰéroih₁m̥
—
2 sg.
*bʰéresi
*bʰéres
*bʰérēsi
*bʰérois
*bʰére
3 sg.
*bʰéreti
*bʰéred
*bʰérēti
*bʰéroit
*bʰéretu
1 du.
*bʰérowos
*bʰérowe
*bʰérōwos
*bʰéroiwe
—
2 du.
*bʰéretes
*bʰéretom
*bʰérētes
*bʰéroitom
*bʰéretom
3 du.
*bʰéretes
*bʰéretām
*bʰérētes
*bʰéroitām
*bʰéretām
1 pl.
*bʰéromos
*bʰérome
*bʰérōmos
*bʰéroime
—
2 pl.
*bʰérete
*bʰérete
*bʰérēte
*bʰéroite
*bʰérete
3 pl.
*bʰéronti
*bʰérond
*bʰérōnti
*bʰéroih₁end
*bʰérontu
participe
*bʰéronts, *bʰérontos; *bʰérontih₂, *bʰérontyeh₂s
Voix médio-passive
Présent de l'indicatif
Prétérit
Subjonctif
Optatif
Impératif
1 sg.
*bʰéroh₂er, -oh₂ei
*bʰéroh₂e
*bʰérōh₂er, -ōh₂ei
*bʰéroih₂e
—
2 sg.
*bʰéreth₂er, -eth₂ei
*bʰéreth₂e
*bʰérēth₂er, -ēth₂ei
*bʰéroith₂e
?
3 sg.
*bʰéretor, -etoi
*bʰéreto
*bʰérētor, -ētoi
*bʰéroito
?
1 du.
*bʰérowosdʰh₂
*bʰérowedʰh₂
*bʰérōwosdʰh₂
*bʰéroiwedʰh₂
—
2 du.
?
?
?
?
?
3 du.
?
?
?
?
?
1 pl.
*bʰéromosdʰh₂
*bʰéromedʰh₂
*bʰérōmosdʰh₂
*bʰéroimedʰh₂
—
2 pl.
*bʰéredʰh₂we
*bʰéredʰh₂we
*bʰérēdʰh₂we
*bʰéroidʰh₂we
*bʰéredʰh₂we
3 pl.
*bʰérontor, -ontoi
*bʰéronto
*bʰérōntor, -ōntoi
*bʰéroiro
?
participe
*bʰéromnos (< *-o-mh₁no-s)
Nombres
Le système indo-européen de numération est décimal. Les nombres de l'indo-européen sont en général reconstruits ainsi :
*kʷetwr̥̄ḱomt- ; peut-être au départ *kʷetwr̥dḱomt-
*kʷeturdḱomth₂
cinquante
*penkʷēḱomt- ; peut-être au départ *penkʷedḱomt-
*penkʷedḱomth₂
soixante
*s(w)eḱsḱomt- ; peut-être au départ *weḱsdḱomt-
*ueksdḱomth₂
soixante-dix
*septm̥̄ḱomt- ; peut-être au départ *septm̥dḱomt-
*septmdḱomth₂
quatre-vingt
*oḱtō(u)ḱomt- ; peut-être au départ *h₃eḱto(u)dḱomt-
*h₃eḱth₃dḱomth₂
quatre-vingt-dix
*(h₁)newn̥̄ḱomt- ; peut-être au départ *h₁newn̥dḱomt-
*h₁neundḱomth₂
cent
*ḱm̥tom ; peut-être au départ *dḱm̥tom
*dḱmtóm
mille
*ǵheslo- ; *tusdḱomti
*ǵʰes-l-
Lehman[51] pense que les nombres plus grands que 10 sont construits séparément dans les groupes de dialectes et que *ḱm̥tóm signifiait à l'origine « un grand nombre », plutôt que spécifiquement « cent ». Il faut remarquer que la numération reconstituée de l'indo-européen présente beaucoup d'analogies avec celle du latin.
De 5 à 10, les nombres cardinaux sont indéclinables et sans distinction de genre, contrairement aux nombres 1 à 4[43].
Particules
Beaucoup de particules peuvent être utilisées à la fois comme adverbes et postpositions, comme *upo, « sous ». Les postpositions deviennent des prépositions dans la plupart des langues-filles. Parmi les autres particules qu'on peut reconstruire, il y a[24] :
Les négations : *ne négation simple, peut se préfixer en *ṇ-, *né tonique en négation de phrase. La prohibition s'exprime par *mḗ (*méh1 ?).
les conjonctions*kʷe, « et », à l'origine postposée à chacun des termes associés, souvent disparue après le premier terme, parfois après le second. *wē, « ou », utilisée de la même façon.
En général, le déterminant précède le déterminé, qu'il s'agisse d'un adjectif qualificatif, d'un génitif d'appartenance, d'un adverbe, mais l'adjectif différenciateur est postposé.
Dans une phrase, les formes atones remontent en deuxième position. Le verbe personnel, atone en proposition principale ou indépendante, figure en deuxième position, après son objet ; tonique dans une subordonnée, il se place généralement en fin de phrase. Le sujet est d'ordinaire au début, suivi par les circonstants, les actants, enfin l'accusatif d'objet. Si le sujet est à l'origine du procès, les éléments sont placés dans l'ordre chronologique[24].
Dès le XIXe siècle, les linguistes ont établi de nombreuses correspondances dans le lexique : ainsi, ils ont montré que, depuis l'Inde jusqu'à l'Irlande, les noms de la parenté par exemple se correspondent rigoureusement. Un emprunt étant exclu entre langues aussi séparées dans l'espace et dans le temps, ils ont conclu qu'une telle concordance ne pouvait s'expliquer que par un héritage commun[24]. Des linguistes comme Émile Benveniste ont pu reconstruire une grande partie du vocabulaire de l'organisation ethnique et sociale et de nombreux termes institutionnels, en particulier juridiques[52]. La désignation des principaux organes internes et externes de l'être humain est concordante et les formes reconstituées particulièrement archaïques[24].
Les étymons indo-européens doivent être précédés d'un astérisque, qui indique le caractère supposé et non attesté de la forme. Il existe plusieurs manières de noter les étymons, selon le degré de précision ; par exemple, le mot signifiant « mère » est noté *mātēr ou, plus précisément (et si l'on suit les thèses laryngalistes, méħ2tēr) (ou bien, avec d'autres conventions typographiques, méH2tēr, méh2tēr). Cela se constate d'autant mieux avec l'étymon pour « soleil », séh2-ul, *séħ2-ul, *sāul-, etc.
Voici quelques exemples d'étymons indo-européens reconstitués et de mots dont ils sont l'origine :
On observe dans les langues traditionnelles une très grande stabilité dans le domaine du style. Cette stabilité est telle qu'elle permet une reconstruction. Des spécialistes comme Rüdiger Schmitt ont ainsi mis au jour les vestiges d'un important formulaire poétique indo-européen[54]. Certaines expressions sont indissociables des conceptions religieuses : les dieux sont « célestes », « immortels », « donneurs de biens »[24].
Dès 1864, Adalbert Kuhn relevait des traits communs dans les formules magiques ou curatives germaniques et védiques. Par la suite, de nombreuses études ont constaté des similitudes remarquables entre des textes littéraires de l'ensemble du domaine indo-européen[24]. L'emploi d'un vocabulaire spécial pour la poésie est fréquemment attesté. Cette création lexicale peut s'obtenir de différentes façons dont la périphrase à valeur métaphorique, la kenning de la poésie germanique[24].
Textes de démonstration
Comme l'indo-européen a été parlé par une société préhistorique, aucun vrai témoignage écrit n'existe, mais depuis le XIXe siècle, des spécialistes ont essayé plusieurs fois de composer des « textes de démonstration » pour montrer leurs thèses en application. Ces textes sont des hypothèses éclairées au mieux ; Calvert Watkins(en) en 1969 a fait observer que, malgré quelque cent cinquante années de pratique, la linguistique comparée n'est pas en mesure de reconstruire une seule phrase correcte en indo-européen. Malgré tout, ces textes ont le mérite de donner une impression de ce à quoi un énoncé cohérent en indo-européen pourrait ressembler.
Deux exemples de ces « textes de démonstration » :
Usages de ce modèle arboré à ramifications simples
La méthodologie des linguistes
Ce que fournit la méthode de la grammaire comparée n'est pas une restitution de l'indo-européen, tel qu'il a été parlé : c'est un système défini de correspondances entre des langues historiquement attestées[43]. Une langue aussi « une » que celle qui est supposée par les concordances observées entre les langues attestées ne peut se concevoir s'il n'a pas existé, durant une certaine période de temps, une nation qui présentait une unité[43]. Mais les ressemblances de structure générale qu'on observe entre les langues indo-européennes actuellement parlées proviennent d'innovations parallèles et indépendantes plutôt que de la conservation du type indo-européen[43].
L'indo-européen commun reconstitué n'est pas du tout un ordre figé et originel, le matériel reconstitué se situe sur différents plans chronologiques. Par exemple, certains suffixes de l'indo-européen commun sont restés productifs dans les langues actuelles, parfois en changeant de signification, alors que d'autres ont cessé de créer des mots nouveaux dès l'époque commune[24]. Ainsi, les « élargissements », d'anciens suffixes qui apparaissent à la fois à la suite de racines verbales et nominales sans qu'on puisse en déterminer le rôle[43].
Allan Bomhard a tenté de reconstituer 4 étapes dans l'évolution de l'indo-européen[37] :
Un pré-indo-européen, que l'on ne peut reconstituer que par la comparaison avec d'autres familles de langues (si l'on admet l'hypothèse du nostratique).
L'indo-européen à accent tonique d'intensité. Les voyelles atones disparaissent progressivement. Des voyelles deviennent longues. Le système des sonantes se met en place. Les postpositions demeurent d'usage étendu. Les conjugaisons sont simples, distinguent l'aspect. L'ergativité a un rôle fondamental pour noms et verbes.
L'indo-européen à accent tonique de hauteur. L'accent tonique change de nature et de place dans les mots, le védique l'a en partie conservé ainsi[24]. L'ergativité commence à céder la place à l'emploi de l'accusatif. Les adjectifs se différencient des substantifs. Apparition des désinences primaires pour les verbes. Des temps commencent à remplacer l'aspect dans les conjugaisons.
L'indo-européen tardif en voie d'éclatement, lorsque les langues anatoliennes se sont séparées du tronc commun. L'ordre des mots privilégié passe de SOV à SVO. Les déclinaisons se complexifient, les formes thématiques se multiplient, le pluriel est mieux marqué. Le genre animé se scinde en masculin et féminin. Le duel apparaît. Les conjugaisons s'apparentent à celles du grec classique. Plusieurs formes de participes se forment. Cette dernière étape est largement acceptée par les linguistes depuis les enseignements fournis par le déchiffrement du hittite et la théorie des laryngales[24].
Pour l'archéologue Jean-Paul Demoule, les apports les plus connus de l'indo-européen se limitent le plus souvent à des facettes transitoires du modèle sous-jacent, à une analyse comparée des racines indo-européennes, ce qui est certes pratique pour un apprentissage des mots dans plusieurs langues. Mais le modèle est pauvre et peut être contredit[55]. Plusieurs linguistes ont pointé les erreurs de l'ouvrage de Jean-Paul Demoule dans le domaine de la linguistique[56],[57],[58],[59].
Notes et références
Notes
↑L'ordre de présentation est purement conventionnel.
↑(en)In Search of the Indo-Europeans, p. 185
: « The Kurgan solution is attractive and has been accepted by many archaeologists and linguists, in part or total. It is the solution one encounters in the Encyclopaedia Britannica and the Grand dictionnaire encyclopédique Larousse. »
↑(en) Ph. Strazny (éd.), Dictionary of Historical and Comparative Linguistics, Routledge, 2000, p. 163 : « The single most popular proposal is the Pontic steppes (see the Kurgan hypothesis)… »
↑ a et b(en) Frederik Kortlandt, The Spread of the Indo-Europeans, 1989, [PDF] [lire en ligne] : « the satemization process can be dated to the last centuries of the fourth millennium ».
↑(nl) Marcus Zuerius van Boxhorn, Antwoord van Marcus Zuerius van Boxhorn, gegeven op de Vraaghen, hem voorgestelt over de Bediedinge van de afgodinne Nehalennia, onlancx uytghegeven, in welcke de ghemeine herkomste van der Griecken, Romeinen ende Duytschen Tale uyt den Scythen duydelijck bewesen, ende verscheiden Oudheden van dese Volckeren grondelijck ontdekt ende verklaert worden, Leyde, Willem Christiaens vander Boxe, , 112 p..
↑(la) Claude de Saumaise, De hellenestica commentarius contraversiam de lingua hellenestica decidens et plenissime pertractans origines et dialectos graecae linguae, Leyde, éd. Ioannis Maire, 1643.
↑Bernard Sergent, Les Indo-européens. Histoire, langues, mythes, Paris, Payot, 1996, p. 22.
↑(la) Andreas Jäger, De lingua vetustissima Europae, Scytho-Celtica et Gothica, Wittenberg, 1686.
↑(en) Carlos Quiles et Fernando López-Menchero, A Grammar of Modern Indo-European, Indo-European Association, , p. 50
↑(en) Sir William Jones, Third anniversary discourse: on the Hindus [discours livré le 2 février 1786], Asiatick Researches, 1798, n⁰ 1, p. 415–31.
↑(da) Rasmus Rask, Undersøgelse om det gamle Nordiske eller Islandske Sprogs Oprindelse, Copenhague, Gyldendal, 1818.
↑(de) Franz Bopp, Über das Conjugationssystem der Sanskritsprache in Vergleichung mit jenem der griechischen, lateinischen, persischen und germanischen Sprache, Francfort-sur-le-Main, Andreäische Buchhandlung, 1816.
↑Daniel Droixhe, « Souvenirs de Babel. La reconstruction de l'histoire des langues de la Renaissance aux Lumières », Souvenirs de Babel, , p. 208 (lire en ligne, consulté le )
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1970 live album by US band The Beach Boys Live in LondonLive album by The Beach BoysReleasedMay 1970RecordedDecember 1, 1968VenueThe Palladium, LondonGenreRockLength34:03LabelCapitolProducerCarl Wilson, Stephen DesperThe Beach Boys chronology 20/20(1969) Live in London(1970) Sunflower(1970) Alternate cover1971 release Alternate coverBeach Boys '69 album cover Professional ratingsReview scoresSourceRatingAllMusic[1]Blender[2]Encyclopedia of Popular Music[3]The Rolli...
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MinisailMinisail Monaco Mk 1 MS10 hull profileDevelopmentDesignerIan ProctorYear1959NameMinisailBoatCrew1 + 1HullTypeScowConstructionVariants: GRP, plywood, mixedLOA3.96mBeam1.11mRigRig typeUnstayed BermudaSailsTotal sail area7.4 sq mRacingRYA PN1225[edit on Wikidata] Minisail Monaco Mk 1 from 1959/60 after light restoration. Wooden Minisail Mk.1 Monaco from 1959/60, built by Bossoms Boatyard in Oxford, England. The Minisail is a 13-foot single-handed dinghy[1] which was designed ...
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