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Palais Jacques-Cœur

Palais Jacques-Cœur
Image illustrative de l’article Palais Jacques-Cœur
Façade intérieure du Palais Jacques-Cœur et tour d'escalier principal avec ses allèges décorées[1].
Nom local Hôtel Jacques-Cœur
Période ou style Gothique Flamboyant
Type hôtel particulier
Architecte Pierre Jobert et Jacquelin Collet, aidé à partir de 1447 par Guillot Trépan
Début construction 1443
Fin construction 1451
Propriétaire initial Jacques Cœur
Destination initiale Lieu d'habitat
Propriétaire actuel État français
Destination actuelle En restauration
Protection Logo monument historique Classé MH (1840)
Coordonnées 47° 05′ 05″ nord, 2° 23′ 39″ est
Pays Drapeau de la France France
Région historique Berry
Région Centre-Val de Loire
Département Cher
Commune Bourges
Géolocalisation sur la carte : Cher
(Voir situation sur carte : Cher)
Palais Jacques-Cœur
Géolocalisation sur la carte : Centre-Val de Loire
(Voir situation sur carte : Centre-Val de Loire)
Palais Jacques-Cœur
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Palais Jacques-Cœur
Site web http://www.palais-jacques-coeur.fr/

Le palais Jacques-Cœur est un hôtel particulier du XVe siècle situé sur la commune de Bourges dans la région historique du Berry et le département français du Cher, en région Centre-Val de Loire.

Caractéristique de l'hôtel « à la française » qui existe depuis le Moyen Âge, il est considéré, de par l'élégance de son architecture, la richesse et la variété de sa décoration, comme l'un des plus somptueux édifices civils de style gothique flamboyant.

L'édifice fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1840[2].

Localisation

Le palais Jacques-Coeur est situé au centre de la ville de Bourges entre la ville haute et la ville basse sur un flanc de coteau au 10 bis rue Jacques-Coeur. En contrebas la rue des arènes longe l'ancienne enceinte gallo-romaine d'Avaricum tandis que l'actuelle rue Jacques-Coeur préexistante à la construction en définit la limite supérieure et donne un accès facile au reste de la ville dont le palais royal (aujourd'hui disparu), les marchés et la cathédrale.

Historique

Le fief de la Chaussée

Fils d'un marchand né à Bourges vers 1400, Jacques Cœur connaît une ascension sociale fulgurante dans les années 1430. Après une période de faux monnayage et différents petits arrangements fiscaux il est finalement à la tête d'un négoce prospère en Méditerranée qui conduit le roi Charles VII à l'anoblir en 1441.

Désormais Grand Argentier du royaume de France et Maitre des monnaies il devient l'homme le plus riche du Royaume et cherche à asseoir son autorité tout en marquant sa réussite par l'édification d'une "Grand' Maison" dans sa ville natale de Bourges, par ailleurs cité royale.

C'est ainsi qu'en 1443, Jacques Cœur achète pour 1 200 écus d'or le fief de la Chaussée[3], terrain de 5 000 m2 qui appartenait à Jean Belin, chanoine de la Sainte-Chapelle de Bourges, et deux maisons voisines qui dominaient la ville sur une centaine de mètres[4].

La construction de l'hôtel de la Chaussée coûta 100 000 écus d'or et semble avoir été terminée en 1453.

Disgrâce et confiscation

En 1451, Jacques Cœur tombe en disgrâce et finit emprisonné.

Charles VII, jaloux de cette première résidence de plaisance qui préfigure les hôtels particuliers qui fleuriront à la Renaissance, plus raffinée et confortable que son propre palais (aujourd'hui disparu), confisque la bâtisse et tout son mobilier.

Jacques Cœur n'y aurait séjourné que huit nuits au long de sa vie ; il s'évade et meurt dans l'île grecque de Chios en 1456.

Le palais L'Aubespine

Ne trouvant pas d'acquéreur, le roi rend finalement la maison aux fils de Jacques Cœur, Henri, Ravan et Geoffroy en 1457.

Geoffroy, dernier des fils en hérite, et le lègue finalement à son propre fils qui par revers de fortune à la suite de la perte de plusieurs bateaux le revend en 1501 à un notable local, Antoine Turpin. Ce dernier qui lui-même le cède en 1552 à Claude de L'Aubespine, secrétaire d'État aux finances[5].

Le palais connut alors pendant plus de cent ans la vie animée et brillante des gens de pouvoir qui y tiennent cour, salons, affaires et banquets.

Palais administratif et judiciaire

De mains en mains, la maison est finalement adjugée par décret judiciaire au ministre Jean-Baptiste Colbert le . Il rétrocède l'édifice à la municipalité de Bourges le et celle-ci y installe divers services administratifs et judiciaires[5] dont le Palais de Justice qui associé au nom de Jacques Coeur lui donne son nom actuel.

De la Révolution à Mérimée : la lente destruction évitée

Porte principale du palais
Portail dessiné par Eugène Viollet-le-Duc, 1856.
Le palais en 1890.

La Révolution occasionne la destruction de bas-reliefs divers et notamment celle de la statue équestre de Charles VII, qui occupait le dais du porche d'entrée depuis l'origine.

L'installation de la Cour d'appel et du tribunal de première instance en 1820 entraînèrent les plus graves destructions architecturales dans le bâtiment : l'intérieur fut remodelé au fur et à mesure des besoins d'espace, sans aucun respect pour les décorations existantes : ouverture de fenêtres, partage des galeries, division de la chapelle, destruction de sculptures et de cheminées, dont la cheminée monumentale[6] lors de la transformation de la salle des Festins en salle d'audience de la Cour d'appel, etc.

Cependant, dès 1837, Prosper Mérimée signale ces modifications et classe le bâtiment monument historique en 1840.

En 1858, la ville décida de le revendre à l'État et au département. Une campagne de restauration partielle commença alors sous la direction de l'architecte des monuments historiques Auguste Bailly puis Paul Boeswillwald, se poursuivant jusqu'en 1885. Malgré une réfection importante des façades et une reconstitution ambitieuse de l'intérieur, cette restauration ne fut pas exempte d'erreurs, comme la suppression arbitraire de la toiture conique du donjon de la façade ouest par l'architecte Boeswillwald[7].

Les restaurations

En 1920, le département revendit à son tour à l'État la partie qui lui appartenait, la Cour d'appel et les tribunaux quittant le bâtiment. L'hôtel Jacques Cœur continue à porter l'appellation de palais en référence à cette ancienne utilisation.

L'État se porta acquéreur de l'ensemble du bâtiment en 1923 et une restauration reposant sur des bases historiques sérieuses fut menée de 1927 à 1937 sous la direction des architectes Henri Huignard et Robert Gauchery. L'état actuel des bâtiments en est le résultat direct.

Le Palais est géré, animé et ouvert à la visite par le Centre des monuments nationaux.

En 1999 une campagne de nettoyage des façades précède la reprise de toutes les parties extérieures qui sont restaurées aux alentours des années 2010[8].

Description

Façade extérieure avec la double porte centrale, l'entrée se faisant aujourd'hui par une porte de service à droite.
Fenêtre de la chapelle.

Le palais comprend des espaces privés (chambre des Galées, salle du Trésor) et des espaces publics parmi lesquels des pièces à fonction sociale (salle des Festins) et des pièces utilitaires (office avec passe-plats, salle de chauffe et cuisine, étuves, vestiaire), un donjon, trois cours, une chapelle, huit escaliers à vis hors œuvre, un pigeonnier sous les combles et une cour intérieure encadrée sur trois côtés par des galeries ouvertes à arcades en anse de panier[9].

Les bâtiments, serrés entre une rue dont l'alignement ne peut être modifié et l'enceinte gallo-romaine que Jacques Cœur se voit contraint de conserver, se déploient autour d'une cour intérieure. Ils s'élèvent, du moins pour le corps principal, sur trois étages, le premier séparé du rez-de-chaussée par un cordon en larmier, le dernier pris dans la toiture et éclairé par d'imposantes lucarnes. L'élévation obéit déjà à un quadrillage régulier, fondé sur un jeu marqué de verticales (baies superposées et sommées, sur les travées, par une arcade richement ornée) et d'horizontales[10].

La façade avant à l'ouest, qui donne sur la rue, est de style gothique flamboyant. Son premier étage se termine par une corniche, formée de choux frisés, et par une balustrade, où réapparaît l'ordinaire motif emprunté au nom même de Jacques Cœur, les cœurs et les coquilles. Cette façade externe comporte une double porte centrale (porte piétonne étroite[11] et porte charretière à deux battants[12]) percée sous un pavillon rectangulaire et surmontée d'une statue équestre de Charles VII sous un dais, martelée à la Révolution. Cette statue est encadrée par deux fausses fenêtres qui représentant probablement Jacques Cœur et sa femme, Macée de Léodepart (une hypothèse minoritaire y voit une servante et d'un servant de Jacques Cœur)[13]. La façade extérieure donne sur une place où trône la statue en marbre de Jacques Cœur, commande d'État réalisée par Auguste Préault et donnée à la ville de Bourges en 1874 (manifestation de l'historicisme régional), le maire Eugène Brisson l'inaugurant le [14].

La façade arrière interne est bâtie sur le rempart gallo-romain de l'oppidum de Bourges, dont elle incorpore trois tours, avec leurs courtines, sur une centaine de mètres[4].

La chapelle se trouve au-dessus de l’entrée ; le tympan de la fenêtre de cette chapelle est orné d'une grande fleur de lys accostée de deux cœurs, un des signes d'hommage au roi[15].

La galerie sud comporte deux cheminées monumentales : l'une, appelée « Les loisirs de la noblesse », a son manteau divisé en trois arcades aveugles[16] et dont la frise est interrompue par les pinacles des arcs en accolade fleuronnée[17].

La grande salle d'apparat, appelée salle des Festins, possède une cheminée monumentale qui occupe toute la surface du mur sud, et une tribune où s'installaient les musiciens qui accompagnaient les banquets. La balustrade de cette tribune est ornée des emblèmes de Jacques Cœur : le cœur et la coquille et sa devise : « dire, faire, taire, de ma joie »[10]. À noter également la présence d'étuves à hypocauste[18].

Certains adeptes d'ésotérisme ont cru voir en Jacques Cœur un initié en alchimie[19]. Son palais comporterait ainsi de nombreux symboles alchimiques, mais ces interprétations laissent les historiens dubitatifs[20].

Le palais Jacques-Cœur dans la littérature

« J'aimais profondément cet édifice. […] Sa division entre deux mondes, d'un côté l'ancien, qui l'apparent à une demeure seigneuriale, de l'autre un air d'Italie et déjà des raffinements orientaux. Partout, des souvenirs de mes voyages, ces palmiers sculptés sur la porte, les naves dessinés sur les vitraux et ces figures en pierre de mon régisseur et notre plus ancienne servantes qui m'attendent, penchés à la fenêtre… »

— Jean-Christophe Rufin, Le Grand Cœur[24].

Notes et références

  1. Décor de losanges quadrilobés, avec les trumeaux percés de niches peu profondes se terminant par des arcs en accolade fleuronnée.
  2. Notice no PA00096686, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  3. Le nom de La Chaussée, terrain accolé au rempart de la ville, était celui de propriétaires antérieurs.
  4. a et b Jean-Yves Ribault, Le palais Jacques-Cœur, Éditions du Patrimoine, , p. 24.
  5. a et b Pierquin de Gembloux, Histoire monétaire et philologique du Berry, Ménagé, , p. 166.
  6. Cette cheminée don le manteau représente un château fort a été reconstituée dans ses grandes lignes grâce à des morceaux retrouvés dans les années 1930.
  7. Jean-Yves Ribault, Le palais Jacques-Cœur, Éditions du Patrimoine, , p. 35.
  8. Bourges, palais Jacques-Cœur.
  9. Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, t. 6, A. Morel, , p. 280.
  10. a et b Alain Erlande-Brandenburg, Art Gothique, Citadelles & Mazenod, , p. 581.
  11. Cette porte est surmontée d'un tympan dominé par un ange qui tient un phylactère de sa main droite, un vase de sa main gauche duquel sort une tige feuillue couronnée de trois fleurs de lys, et effleure du pied un écu posé à terre et portant les armoiries de Jacques Cœur.
  12. Les vantaux restaurés portent, dans leur partie supérieure, des trèfles sculptés, et dans leur partie inférieure, de fausses fenêtres étroites semées de cœurs. Le vantail de droite comporte un guichet.
  13. La façade du Palais Jacques Cœur est-elle authentique ?, sur jacques-coeur-bourges.com
  14. Inventaire général des richesses d'art de la France, E. Plon, , p. 99.
  15. Jean-Yves Ribault, Le palais Jacques-Cœur, Éditions du Patrimoine, , p. 12.
  16. Ces arcades encadrent une fausse fenêtre à meneaux. Dans l'embrasure de la fenêtre centrale, un couple de bourgeois ou nobles joue aux échecs. Dans les fenêtres de part et d'autre, apparaissent un couple analogue qui prend des fruits dans une corbeille. La partie supérieure du manteau, partagée en six compartiments par l'extrémité fleuronnée des accolades et par des clochetons, représente des paysans montés sur des ânes et protégés par des boucliers d'osier.
  17. Georges Hardy, Alfred Gandilhon, Bourges et les abbayes et châteaux du Berry, Librairie Renouard, , p. 61
  18. Nicolas Mengus, Châteaux forts au Moyen Âge, Rennes, Éditions Ouest-France, , 283 p. (ISBN 978-2-7373-8461-5), p. 243.
  19. Propriétaire de mines, il aurait fréquenté les alchimistes férus de métallurgie. Il a beaucoup commercé avec les pays arabes et « infidèles », l'alchimie trouvant son origine dans ces contrées. Sa richesse serait due à sa découverte de la pierre philosophale.
  20. Roland Narboux, Les Alchimistes de Bourges, CPE Éditions, , p. 47.
  21. Autour de la marmite, pendue à la crémaillère : un homme, armé d'un pilon, broie dans un mortier quelque épice, un marmiton tourne la broche et une femme nettoie un plat circulaire.
  22. Sous l'arc en accolade se trouve une angelote portant la devise de Jacques Cœur.
  23. [Hiver 1868] Alfred Hiver de Beauvoir, « Le bas-relief de la chambre du trésor de hôtel Jacques-Cœur », Mémoires de la Société des antiquaires du Centre 1868, vol. 2,‎ , p. 1-20 (lire en ligne), dessin
  24. ,Jean-Christophe Rufin, Le Grand Cœur, éd. Folio, 2014, p. 470.

Voir aussi

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Bibliographie

Par ordre chronologique de publication.

  • [Hazé 1834] François-Alexandre Hazé, « Hôtel Jacques-Cœur », dans Notices pittoresques sur les antiquités et les monumens du Berri, Bourges/Paris, Just Bernard libraire/Just Tessier libraire, (lire en ligne sur Gallica), p. 20-48, planches 10 à 37
  • [Gauchery 1917-1918] Paul Gauchery, « L'Hôtel Jacques-Cœur de Bourges : Nouveaux documents sur son état primitif, ses restaurations, ses mutilations », Mémoire de la Société des antiquaires du Centre, vol. 38,‎ 1917-1918, p. 155-188 (lire en ligne sur Gallica)
  • [Hardy 1926] Georges Hardy et Alfred Gandilhon, Bourges et les abbayes et châteaux du Berry, Librairie Renouard, (lire en ligne), p. 53-66
  • [Grandilhon 1931] Alfred Grandilhon et Robert Gauchery, « Hôtel Jacques Cœur », dans Congrès archéologique de France. 94e session. Bourges. 1931, Paris, Société française d'archéologie, (lire en ligne sur Gallica), p. 56-104
  • [Mérindol 1985] Christian de Mérindol, « La Piétà de Nouans et le triptyque de l'hôtel Jacques-Cœur à Bourges », Revue de l'Art, no 67,‎ , p. 49-58 (lire en ligne)
  • [Pérouse de Montclos 1992] Jean-Marie Pérouse de Montclos (dir.), « Hôtel Jacques-Cœur », dans Le guide du patrimoine Centre Val de Loire, Paris, Hachette, , 733 p. (ISBN 978-2-01-018538-0), p. 213-220
  • [Ribault 2001] Jean-Yves Ribault, Le palais Jacques-Cœur, Paris, Éditions du Patrimoine, (ISBN 978-2-85822-609-2)
  • [Mesqui 2001] Jean Mesqui, « L'étuve du Palais Jacques Cœur de Bourges (Cher) », Bulletin Monumental, vol. 159, no 1,‎ , p. 29-31 (lire en ligne)
  • [Bourges 2011] Collectif, « Hôtel Cujas-Musée du Berry », dans Le guide Bourges ville d'art et d'histoire : Musées, Monuments, Promenades, Paris, Éditions du patrimoine, , 152 p. (ISBN 978-2-7577-0131-7), p. 82-85
  • [Salamagne 2017] Alain Salamagne, « Le palais Jacques-Cœur de Bourges », dans Congrès archéologique de France. 176e session. Cher. Gothique flamboyant et Renaissance en Berry. 2017, Paris, Société française d'archéologie, , 413 p. (ISBN 978-2-901837-81-7), p. 215-233

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