Cet article concerne le peuple amérindien contemporain. Pour leur langue, voir Purépecha. Pour l'État précolombien, voir Royaume tarasque. Pour la bête imaginaire, voir Tarasque.
Les Purépechas actuels se désignent eux-mêmes, en langue purépecha, sous le nom de « P'urhépecha »[3], qui est retranscrit en espagnol et en français avec l'orthographe Purépechas.
Selon Eduardo Ruíz, ce nom était utilisé longtemps avant la conquête espagnole par les Tarasques eux-mêmes pour désigner l'ensemble des habitants des quatre provinces du royaume de Michoacán, et peut se traduire par « ceux qui rendent visite » ou « les alliés »[4].
Pour d'autres, il n'apparaît au contraire que dans la seconde moitié du XVIe siècle , et résulte d'une incompréhension culturelle entre les Espagnols et les Tarasques : les premiers cherchèrent à savoir sous quel ethnonyme s'identifiaient les seconds, alors que, comme les autres Mésoaméricains, ils ne se désignaient qu'en tant que membre d'une cité et non d'une nation (Duverger, 2003). L'une des raisons évoquées vient de ce que chaque culture préhispanique se caractérisait par une grande diversité linguistique : les Tarasques parlaient non seulement le purépecha, mais aussi le nahuatl (parlé dans toute la Méso-Amérique), l'otomi, le mazahua et le matlatzinca[réf. nécessaire]. Plusieurs de ces groupes pouvaient vivre dans une même cité mais dans des quartiers séparés. Pour compliquer le tout, les traits culturels de la civilisation tarasque étaient nahuas[réf. nécessaire] mais la langue du pouvoir était le tarasque (la structure étatique était d'esprit nahua).
Selon la Comisión Nacional para el Desarrollo de los Pueblos Indígenas, un consensus général s'est dégagé au début du XXIe siècle pour considérer que le terme actuellement en usage (aussi bien pour les Purépechas contemporains eux-mêmes que dans les publications spécialisées récentes en espagnol) est « P'urhépecha » (en français, Purépechas) et non « Tarascos » (en français, Tarasques), qui désormais ne sert essentiellement qu'à désigner leur culture d'origine et leurs ancêtres avant l'indépendance du Mexique[5].
Tarasques
L'ethnonyme «Tarasque» apparait à la fin de la première moitié du XVIe siècle. Ce sont les Espagnols qui donnèrent ce nom aux Indiens du Michoacán. Les sources ethno-historiques de l'époque coloniale divergent quant à son étymologie :
Pour la Relation de Michoacán[8], le dictionnaire Espagnol / Tarasque de F. Maturino Gilberti ou la Relation de la Cité de Pátzcuaro (1581) de B. J. Martínez... l'ethnonyme tarascue désignerait en purépecha soit le gendre, soit la belle-fille, soit les beaux-enfants des deux sexes, soit le beau-père, soit les beaux-parents.
Michoaques
Les Aztèques appelaient le pays tarasque Michoacán que l'on peut traduire par : « le lieu des poissons » ou « le pays des pêcheurs ». Ce nom nahua est composé d'un radical - Mich - (de Michin : "le poisson") + un suffixe possessif -oa- : « qui à, qui possède...» + un suffixe locatif -can-. Les Nahuas appelaient donc les habitants de ce territoire les Michoaques (« ceux qui ont du poisson »)[9].
Géographie
La population purépecha est principalement répartie sur 22 communes des 113 de l'État de Michoacán : Coeneo, Charapan, Cherán, Chilchota, Erongarícuaro, Los Reyes, Nahuatzen, Nuevo Parangaricutiro, Paracho, Pátzcuaro, Peribán, Quiroga, Tancítaro, Tangamandapio, Tangancícuaro, Tingambato, Tingüindín, Tocumbo, Tzintzuntzan, Uruapan, Zacapu et Ziracuaretiro[10]. La plus peuplée est Uruapan avec 315 350 habitants.
Cette « région purépecha », zone d'origine de l'ethnie purépecha, peut être divisée en trois sous-régions que sont les bassins des rios Lerma et Tepalcatepec et la cordillère néovolcanique.
La limite septentrionale du royaume tarasque se caractérise par une succession de vallées que séparent des chaînes montagneuses. L'altitude générale tourne autour de 1500 - 2000 m. L'ensemble est irrigué par le bassin du rio Lerma, fleuve qui prend sa source dans l'État de Mexico et se déverse dans le lac de Chapala (1524 m) après un parcours de 515 km.
La cordillère néovolcanique
Immédiatement au sud, on trouve la cordillère néovolcanique qui traverse le centre du Michoacán d'est en ouest. Le volcan Paricutin (2800 m) est un des phénomènes naturels les plus connus de cette entité géographique de 880 km de long. Le relief se présente sous la forme d'une suite interminable de montagnes entre lesquelles s'insèrent de petites vallées et des lacs entre 1500 et 2600 m d'altitude. De par sa superficie, 111 km², le lac de Pátzcuaro (2035 m) est le plus vaste. Il se rattache au système hydrographique du rio Lerma.
La dépression du rio Tepalcatepec
Une dépression inférieure à 1000 m borde la façade méridionale de l'Axe Néo-Volcanique. Cette limite méridionale du pays tarasque est constituée de petite collines qui délimitent en partie une plaine où coule le rio Tepalcatepec, principal affluent du rio Balsas.
Le climat
Un climat tempéré caractérise les hautes terres du pays tarasque: les hivers sont froids et secs, les étés chauds et humides. Les variations thermiques annuelles se situent entre 0° et 22°. La végétation est dominée par les pins, les chênes et les agaves.
Une atmosphère tropicale règne sur le bassin du rio Tepalcatepec: Les températures annuelles qui ne descendent pas en dessous de 20° permettent la culture du coton, du cacao, du melon, de la mangue, de la vanille, de l'ananas, de la papaye ...
La région est sujette à la déforestation[11], notamment en raison de la forte augmentation de surfaces de culture de l'avocat[12].
La langue tarasque n'appartient à aucune des familles de langue américaines connues. Elle est considérée comme un isolat.
Certains chercheurs ont tenté de trouver des liens avec d'autres langues, notamment en faisant appel à la lexico-statistique, c'est-à-dire en comparant le pourcentage de racines communes entre le vocabulaire purépecha et celui de plusieurs autres langues, mais leurs conclusions sont divergentes et ne sont pas considérées comme concluantes par la majorité des spécialistes. M. Swadesh a découvert des points communs entre le tarasque et l'aymara (parlé sur les rives du lac Titicaca), le quechua (parlé dans toutes les Andes centrales) et le zuñi (parlé dans le sud-ouest des États-Unis). Selon les conclusions de J. H. Greenberg, la langue tarasque appartiendrait au contraire au sous-groupe Chibcha de la famille de langues Chibcha-Paeza.
La préhistoire du Michoacan est relativement mal connue. Des indices laissent à penser que des populations ethniquement tarasques et parlant tarasque auraient occupé la région dès 1500 av. J.-C.[13].
Une source ethnohistorique, la Relación de Michoacán, écrite peu après la conquête espagnole, relate le récit traditionnel de la formation du royaume tarasque à l'époque postclassique : un groupe de Chichimèques venant du nord, s'appelant les Uacúsecha ("les aigles"), se serait installé dans la région du lac de Zacapu vers 1200, puis autour du lac de Pátzcuaro, dominant les populations locales depuis sa capitale Tzintzuntzan, et constituant progressivement un vaste et puissant État centralisé, principal rival de l'Empire aztèque.
Lorsque le conquistador Cristóbal de Olid mena ses troupes en territoire tarasque en 1522 après la fin du siège de Tenochtitlan, le cazonci(en)Tangaxoan II(en), impressionné par la rapide conquête de l'Empire aztèque par les Espagnols et leurs alliés, accepta de se soumettre à la couronne espagnole sans opposer de résistance[14]. Cela n'empêcha pas Nuño Beltrán de Guzmán de le faire exécuter en 1530 pour mettre un terme définitif au pouvoir indigène.
Après la mort du dernier Cazonci, le territoire tarasque fut intégré à la Nouvelle-Espagne. Le diocèse de Michoacán fut créé en 1536. L'économie de la région fut réorganisée en fonction des nouveaux besoins des Espagnols. De nombreux Tarasques furent envoyés vers le nord pour y travailler dans les mines d'argent du Querétaro, du Guanajuato et du Zacatecas. L'élite tarasque parvint d'abord à conserver quelque pouvoir en collaborant avec les Espagnols. La capitale fut déplacée de Tzintzuntzan vers Patzcuaro en 1540 et ensuite vers l'actuelle Morelia en 1580.
Au XVIIe siècle il ne restait plus de la population tarasque que des communautés rurales dans le centre et le nord du Michoacan.
Époque contemporaine
Au XIXe siècle, après la Guerre d'indépendance du Mexique, les communautés de langue et de culture purépecha ne constituaient plus que 20 % de la population[réf. nécessaire]. Les meilleures terres étaient occupées par de grandes haciendas. Sous le gouvernement de Porfirio Diaz, le développement de l'exploitation forestière ouvrit la région au monde extérieur[15], entraînant la création de voies de chemin de fer et l'établissement de mestizos et diminuant encore la proportion de Tarasques dans la population du Michoacan.
Au XXe siècle, la révolution mexicaine toucha durement la région, entraînant une émigration purépecha vers les États-Unis. Au cours de la Guerre des Cristeros (1927), de nombreux paysans purépechas soutinrent la rébellion et le mouvement d'émigration s'accéléra.
Au début du XXIe siècle, des villages demandent le droit à l'autogestion sans représentants politiques, et certains comme Arantepacua l'obtiennent[16].
Démographie
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En 2015, le nombre de locuteurs de purépecha de 3 ans et plus était estimé à 141 177 personnes[17] ; lors du dernier recensement, en 2010, l'INEGI en avait comptabilisé 124 494 de plus de 5 ans[4].
Économie
La pauvreté est une caractéristique générale et constante de la population purépecha, notamment en raison de la dégradation environnementale et de l'action croissante des cartels de drogue[4], liés à l'essor de l'industrie de l'avocat dans la zone purépecha (voir l'article sur Uruapan). L'indice de développement humain de la région indigène purépecha était de 0,7665 en 2006, soit 0,0479 de moins que celui de l'ensemble du pays, mais était le cinquième meilleur par rapport aux autres régions indigènes du Mexique[18], et supérieur à la moyenne et la médiane mondiale, au niveau des pays à haut développement humain (mais inférieur au niveau des pays à très haut développement humain).
Près des trois quarts de la population purépecha active est masculine. Selon le recensement de 2010, dans le Michoacan, sur 55 033 hommes purépechas, 41 358 étaient actifs et 13 137 inactifs ; en comparaison, sur un total de 63 041 femmes purépechas, seulement 15 702 étaient actives et 46 939 inactives[4].
Les purépechas actifs travaillent principalement dans le secteur primaire de la production agricole (ouvriers journaliers de plantations d'avocat (Uruapan est la capitale mondiale de production d'avocat[19]), de café, de récolte de résine), de la pêche et de l'exploitation forestière ; cette activité est peu organisée, dispose de faibles ressources et d'un marché restreint[4]. La production artisanale est la principale activité économique purépecha du secteur secondaire ; elle se caractérise par l'archaïsme de la technologie des ateliers artisanaux, par manque de ressources financières[4]. Un autre secteur important de l'activité économique purépecha est celui, tertiaire, des services, le plus souvent temporaires (vente de produits manufacturés sur les marchés informels ou dans des locaux commerciaux déclarés)[4].
↑(es) Gunther Dietz, La comunidad P'urhépecha es nuestra fuerza: etnicidad, cultura y región en un movimiento indígena en Michoacán, México, Abya Yala, 1999, chapitre 6.1.1.5. « Emigraciones y remigraciones », p.218-220.
↑Jarco Amézcua Luna et Gerardo Sánchez Díaz, P´urhépecha : Pueblos Indígenas de México en el Siglo XXI, Comisión Nacional para el Desarrollo de los Pueblos Indígenas, (lire en ligne), p. 50
↑Bernardino de Sahagún, Historia general de las cosas de Nueva España, éd. Pedro Robredo, 1938, p.135 : « Su dios que tenían se llamaba Taras, del cual tomando su nombre los michoaques, también se dicen tarasca; y este Taras en la lengua mexicana se dice Mixcóatl, que era el dios de los chichimecas » (« Leur dieu s'appelait Taras, dont les Michoaques ont tiré leur nom, et ils se nomment aussi Tarasques ; et ce Taras, dans la langue mexicaine, s'appelle Mixcoatl, qui était le dieu des Chichimèques »).
↑Jerónimo de Alcalá, Relación de Michoacán, Moisés Franco Mendoza (coord.), paléographie de Clotilde Martínez Ibáñez et Carmen Molina Ruiz, El Colegio de Michoacán, Gobierno del Estado de Michoacán, 2000, p.328.
↑Arturo Oliveros, Tzintzuntzan: Capital del reino purépecha, Fondo de Cultura Economica, 2016, p.19.
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