Rabah Belamri perd la vue en 1962 (année d'indépendance de l'Algérie). Après des études au lycée de Sétif, à l'École des jeunes aveugles d'El Biar (Alger), à l'École normale d'instituteurs de Bouzareah et à l'Université d'Alger, il arrive en 1972 à Paris où il soutient un doctorat sur L'œuvre de Louis Bertrand, Miroir de l'idéologie coloniale qui fut publié par l'Office des Publications Universitaires (OPU) en 1980. Il acquiert la nationalité française.
Il est l'auteur de plusieurs recueils de poèmes, de contes et de romans inspirés de son enfance algérienne. « Présents dans mes romans, les thèmes de l’enfance sont au centre du "Soleil sous le tamis" et de "Mémoire en archipel". Ces deux récits, situés dans l’univers de l’enfance, se présentent à la fois comme une exploration des soubassements de mon être et comme une archéologie de la mémoire collective. » Dans ses œuvres, Belamri situe ses personnages dans des lieux de son enfance d'une Algérie en guerre et post-indépendance, et les fait parler en arabe dialectal en puisant leurs expressions dans le terroir local[2]. Ainsi dans "Femmes Sans Visage", il décrit l’euphorie d’alors : « Les salves du fusil, les klaxons en folie, les vibrations de tambour… une rumeur de youyous ou de chants patriotiques diffusés par haut-parleurs. » Conteur émérite, il empruntait à la culture populaire algérienne « des symboles, des métaphores, des tournures de phrase, des rythmes de langage, des modes de narration »[3].
Mais plus qu’un conteur, Belamri s’intéressait naturellement aux problèmes algériens ; ainsi, s’agissant de la condition féminine, pour lui : « Notre société sera condamnée à l’erreur et à l’impuissance tant que la femme ne sera pas prise en compte », car « symbole de liberté et de vie ». Il dit non aux « idéologies de la régression. » Quant à la place des écrivains algériens de graphie française dans la culture nationale : « Voilà plus de quarante ans que la littérature algérienne de langue française a acquis une légitimité en Algérie et hors de l’Algérie. Imposée par l’histoire, elle est, qu’on le veuille ou pas, une réalité nationale. Vouloir chasser de notre mémoire littéraire Jean Amrouche ou Jean Sénac (poète), Kateb Yacine ou Mouloud Mammeri : un comportement d’automutilation. L’anathème jeté sur cette part de notre culture est franchement scandaleux. Il constitue une atteinte à la liberté d’expression et de création. » Son rapport à la langue française qui « ne s’oppose pas à la langue de la mère, mais entretient avec elle un rapport d’échange créatif »[4].
Touché par l'œuvre de Jean Sénac (poète) à qui il consacra un essai et qu'il considérait comme un guide. Pour Rabah Belamri, questionneur infatigable du monde, la poésie n'est sans doute qu'un moyen qui participe, avec d'autres, à une quête de clarté et de plénitude. Un besoin de lumière comme d'une eau longtemps refusée mais aussi une dénonciation de tout ce qui grève le quotidien et l'espérance : la femme aliénée ou marchandée, le bonheur séquestré[5].
Il meurt le 28 septembre en 1995 à Paris la suite d'une intervention chirurgicale, laissant son œuvre inachevée[4].
Citation
« Il est temps de recueillir les trésors de notre culture orale, menacés de disparition par le tumulte de la télévision. Aujourd'hui, en Algérie, les veillées s'organisent autour du petit écran et les conteurs n'ont plus le temps ou ne trouvent plus l'occasion et la nécessité de conter. (...) j'ai tenté, dans la mesure de mes moyens, de sauver de l'oubli une parcelle de notre patrimoine culturel. (...) Ces contes recueillis en arabe dialectal, je dus les traduire en français (...). Il ne fait pas de doute que cette langue les sort de leur isolement et les propulse dans la sphère du patrimoine culturel universel. »
— Rabah Belamri, Veillées d'antan, in El Moudjahid, Alger, 30 septembre 1982
Jugements
« Pour Rabah Belamri, questionneur infatigable du monde, la poésie n'est sans doute qu'un moyen qui participe, avec d'autres, à une quête de clarté et de plénitude. Un besoin de lumière comme d'une eau longtemps refusée mais aussi une dénonciation de tout ce qui grève le quotidien et l'espérance : la femme aliénée ou marchandée, le bonheur séquestré. »
— Tahar Djaout, Les mots migrateurs : une anthologie poétique algérienne, Alger, Office des publications universitaires, 1984
« Il a du souffle, de la force, une violence dans la chaleur comme dans la tendresse qui témoignent d'une autre terre, d'un autre soleil que les nôtres, bref d'une autre tradition. »
« Son œuvre parlait de la difficulté d'être, de l'exil, de la solitude. Mais elle nous parlait aussi de tendresse, elle nous emportait dans son élan vers les humiliés, vers tous ceux que la violence contemporaine broyait, abandonnait. »
La Rose rouge, contes populaires algériens, Publisud, Paris, 1982
Le Soleil sous le tamis, récit d'enfance autobiographique, préface de Jean Déjeux, Publisud, Paris, 316 p. 1982 (ISBN 2-86600-020-9) édité erroné (BNF34716965). Réédition Alger, El Kalima, 2019, sans la préface
Le Bélier de la montagne, illustrations de Mireille Vautier, Giboulées-Gallimard jeunesse, 2004
Hamel, suivi de La Falaise. Présentation de René de Ceccatty. Alger/Lunel, El Kalima/ASPAME, coll. PIM n° 19, 2022
Anthologies
Les Mots migrateurs, Une anthologie poétique algérienne, présentée par Tahar Djaout, Office des Publications Universitaires, Alger, 1984
Anthologie de la littérature algérienne (1950-1987), introduction, choix, notices et commentaires de Charles Bonn, Le Livre de Poche, Paris, 1990 (ISBN2-253-05309-0)
Des Chèvres noires dans un champ de neige ? 30 poètes et 4 peintres algériens, Bacchanales n°32, Saint-Martin-d'Hères, Maison de la poésie Rhône-Alpes - Paris, Marsa éditions, 2003 ; Des chèvres noires dans un champ de neige ? (Anthologie de la poésie algérienne contemporaine) , édition enrichie, Bacchanales, n° 52, Saint-Martin-d'Hères, Maison de la poésie Rhône-Alpes, 2014
Ali El Hadj Tahar, Encyclopédie de la poésie algérienne de langue française, 1930-2008 (en deux tomes), Alger, Éditions Dalimen, 956 p. 2009 (ISBN978-9961-759-79-0)
Une anthologie des poésies arabes, images de Rachid Koraïchi, (poèmes choisis par Farouk Mardam-Bey et Waciny Laredj, calligraphies d'Abdallah Akkar et Ghani Alani), Paris, Éditions Thierry Magnier, 2014 [poème: Les fenêtres sont vides...] (ISBN978-2-36474-536-0)
Sur Rabah Belamri
Christiane Chaulet Achour, « Belamri, Rabah », dans Christiane Chaulet Achour, avec la collaboration de Corinne Blanchaud (dir.), Dictionnaire des écrivains francophones classiques : Afrique subsaharienne, Caraïbe, Maghreb, Machrek, Océan Indien, H. Champion, Paris, 2010, p. 48-51 (ISBN978-2-7453-2126-8)
Jean Déjeux, Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, Paris, Editions Karthala, 1984 (ISBN2-86537-085-2).