Ary Barroso a raconté avoir écrit Aquarela do Brasil au début de 1939, par une nuit de pluie, lorsqu’un orage l’empêcha de quitter sa maison. Le titre fait référence au spectacle depuis sa fenêtre, ainsi que celui de Três Lágrimas (français : Trois larmes) qu’il composa la même nuit, avant que la pluie ne se calme[5]. Dans une interview accordée à Marisa Lira pour le quotidien portugais Diário de Notícias, Barroso a décrit la chanson comme une tentative de « libérer la samba des tragédies de la vie, du scénario sensuel si souvent exploré » ; il a ressenti, en écrivant la chanson « toute la grandeur, la valeur et la richesse de notre pays, [revivant] la tradition des tableaux nationaux »[5]. Les premiers accords furent composés pour réfléchir et amplifier le rythme de la pluie. Le reste, musique et paroles, serait venu naturellement au cours d’un moment d’inspiration intense qui l’aurait laissé transformé[5].
Réception
Aquarela do Brasil fut interprétée pour la première fois le par la chanteuse brésilienne Aracy Cortes, lors de la première d’Entra na Faixa de Barroso et Luís Iglesias. Malgré la popularité de l’interprète, la chanson n'eut aucun succès, n’étant peut-être pas ajustée à la voix de Cortes. Un mois plus tard, le baryton Cândido Botelho l’interpréta au cours de Joujoux e Balangandans, un concert de bienfaisance sponsorisé par Darci Vargas(en), alors Première Dame du Brésil. Elle fut alors enregistrée par Francisco Alves, arrangée par Radamés Gnattali et son orchestre, et produite par Odeon Records en [5],[6].
Malgré ou en raison de son succès, la chanson s’attira de nombreuses critiques sur le fond et sur la forme. Aquarela do Brasil ayant marqué la création du genre samba-exaltação, fortement patriotique et perçu comme favorable à l’Estado Novo du président brésilien Getúlio Vargas, Ary Barroso fut soupçonné de se prosterner devant le régime. Sa famille a fait néanmoins valoir le caractère anti-fasciste d’une autre de ses compositions, Salada Mista, enregistrée par Carmen Miranda en [7]. De plus, le Departamento de Imprensa e Propaganda, organe de censure officiel, avait voulu censurer l’une des lignes du texte, terra do samba e do pandeiro ayant été jugée « désobligeante » pour l’image du pays (Barroso réussit à les en dissuader)[8].
On reprocha par ailleurs à Barroso le choix de termes peu connus du grand public, comme inzoneiro, merencória et trigueiro (français : malin, mélancolique et bistré) ainsi qu’une certaine redondance, notamment dans les vers meu Brasil brasileiro (français : mon Brésil brésilien) et esse coqueiro que dá coco (français : ce cocotier qui donne du coco). Il s’en défendit, arguant de l’effet poétique inséparable de la composition. Néanmoins, lors du premier enregistrement, Alves chanta mulato risoneiro (français : mulâtre rieur) au lieu d’inzoneiro parce qu’il n’aurait pu déchiffrer l’écriture incompréhensible de l’auteur[8].
Enregistrements, reprises et adaptations
La chanson a depuis été reprise adaptée et enregistrée de nombreuses fois, sur des genres allant de la samba au disco.
La chanson figure au générique du film de Terry Gilliam, Brazil, nommé d’après elle. Elle sert de thème principal à la bande originale du film, et de multiples variations en sont proposées dans la partition de Michael Kamen. La bande originale fut interprétée par Geoff Muldaur(en).