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Benoît XII

Benoît XII
Image illustrative de l’article Benoît XII
Détail de sculpture de Paolo de Siena. Grottes vaticanes (nécropole papale de la basilique Saint-Pierre. 1341. Rome.
Biographie
Nom de naissance Jacques Fournier
Naissance
Saverdun
Ordre religieux Ordre cistercien
Décès
Avignon
Pape de l'Église catholique
Élection au pontificat
Intronisation
Fin du pontificat
(7 ans, 4 mois et 5 jours)

Blason
(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Jacques Fournier, né vers 1285 et mort le , est un inquisiteur et évêque français issu d'une famille modeste du comté de Foix. Il devient le 197e pape de l’Église catholique sous le nom de Benoît XII.

Biographie

Jeunesse et formation religieuse

Jacques Fournier, né à Canté près de Saverdun (Ariège), est d’humble origine, fils d’un boulanger ou plus vraisemblablement d’un meunier.

Son oncle maternel, Arnaud Novel, se charge de l’éducation du jeune Jacques. Cet oncle, moine cistercien, abbé de Fontfroide (Aude), futur cardinal, l’attire dans ce monastère, puis l’envoie au collège Saint-Bernard à Paris. Jacques Fournier fréquente les Universités et devient docteur en théologie.

Il est nommé abbé de Sainte-Marie de Fontfroide de 1311 à 1317, succédant ainsi à son oncle promu cardinal par le pape Clément V et légat en Angleterre. Déjà connu pour son érudition et sa rigueur, il est nommé le , évêque de Pamiers, et le , évêque de Mirepoix.

Inquisiteur

L’épiscopat de Jacques Fournier à Pamiers est caractérisé par l'efficacité avec laquelle il poursuit les hérétiques albigeois, réfugiés dans ces lieux retirés du haut pays ariégeois. Les évêques appaméens ne se sont jusqu'alors guère préoccupés de l’orthodoxie des pensées de leurs ouailles. Il met à profit une décision du concile de Vienne (1312) qui permet à l’évêque de se joindre au tribunal d’inquisition, pourtant du seul ressort des dominicains. Il dirige donc le tribunal d’inquisition en collaboration avec Gaillard de Pomiès et Jean de Beaune, tous deux dominicains à Carcassonne.

Du au , cette cour de justice siège 370 jours, donnant lieu à 578 interrogations et concernant 98 dossiers. Au cours de la comparution, l’évêque pose les questions, fait préciser tel ou tel point. Les interrogatoires qu’il dirige traduisent un inquisiteur expert, arrachant les aveux avec habileté. Cette tâche lui est facilitée par le fait qu’il connaît bien le pays et surtout sa langue contrairement aux inquisiteurs pontificaux, qui sont souvent des Français. L’accusé peut être laissé libre ou mis en prison. Les moyens de pression sont l’emprisonnement et l’excommunication. Jacques Fournier a recours à la torture de façon sporadique[1]. Au terme de cette procédure, cinq comparants sont exécutés par le bûcher : quatre vaudois de Pamiers, et le relaps albigeois Guillaume Fort de Montaillou[2]. Une autre source indique, sur 114 personnes mises en cause, cinq sont remises au bras séculier (bûcher), 48 emprisonnements, le reste, soit plus de la moitié, étant des pénitences diverses et des acquittements[3].

Les interrogatoires ont été transcrits en un certain nombre de volumes. Il subsiste un gros registre en parchemin de 325 p. in folio conservé à la bibliothèque vaticane sous le numéro 4030.

Divers érudits et historiens ont pris connaissance de ce document : Ignaz von Döllinger, Étienne Molinier, Marie-Jean-Célestin Douais, J.M. Vidal[Qui ?] et Jean Duvernoy qui en a fourni la publication intégrale en 3 volumes (1965)[4] ainsi que la traduction de l'ensemble des interrogatoires conservés[5]. Par ces registres est connu le sort réservé à Béatrice de Planisolles, longuement interrogée et condamnée en 1321[6],[7].

Utilisant l’extraordinaire document qu’est ce registre d’inquisition, qui donne une foule de renseignements sur la vie quotidienne d’humbles villageois, Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur au collège de France et membre de l’Institut, a publié un ouvrage historique, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324. Ce livre, publié en 1975, a eu un succès considérable dans plusieurs pays et a été tiré à plus de deux millions d’exemplaires[8].

Cardinal

Pour le récompenser de son zèle, Jean XXII, le , le crée cardinal de Saint-Prisque. Il conserve l’habit blanc de l’ordre des cisterciens auquel il appartient, d’où son nom de cardinal blanc. Il acquiert une entière confiance de la part du pape, qui lui confie des affaires délicates : il est juge dans les procès intentés à l’inquisiteur de Carcassonne, Jean Galand ou au prêtre breton, Yves de Kérinou.

Pontificat

Ce fut le que s’éteint Jean XXII. Le Sacré Collège entre en conclave dès le . Le cardinal de Talleyrand a son candidat, Jean Raymond de Comminges, qu’il défend brillamment. Mais le choix de la résidence pontificale entre Avignon et Rome est l’occasion d’une violente altercation entre les deux princes de l’Église, le cardinal de Comminges refusant de prendre l’engagement de ne pas ramener la papauté à Rome.

Conséquemment, Napoléon Orsini fait passer le sien le . C’est Jacques Fournier, le cardinal blanc[9]. Faux modeste, le nouveau pontife déclare :

« Vous venez d’élire un âne »[10].

À peine désigné par le Collège des cardinaux, le , il condamne spirituels et fraticelles. Après avoir choisi le nom de Benoît XII en l’honneur du patron de l’Ordre des cisterciens dont il était issu, le nouveau pape est couronné en l’église des dominicains d’Avignon, le , par le cardinal Napoléon Orsini, qui a déjà couronné les deux papes précédents[11].

Cet homme, au corps lourd et malade, va se révéler être un pontife austère et prudent, esclave de ses principes, mais ménager des deniers ecclésiastiques. Durant son pontificat, il s’applique à la réforme des ordres religieux, se montre attentif à l’attribution des bénéfices ecclésiastiques, refuse tout népotisme adopté par ses prédécesseurs, et est un grand bâtisseur.

Le réformateur de la curie et des ordres religieux

Le , il commence à s’atteler à la réforme de l’administration pontificale et chargea Jean de Cojardan, son trésorier, de réformer la Curie. Puis il entreprend celle des Ordres monastiques, la discipline et la ferveur dans les différents ordres religieux s'étant relâchées.

Le , le pontife séjourne au palais des papes de Sorgues et date de Pont-de-Sorgues sa bulle Fulgens sicut stella qui fait obligation aux moines de pratiquer pauvreté, mortification et travail manuel.

L'ordre qui attire le plus son attention est celui de Cîteaux, objet de différentes réformes sans grand succès. Benoît XII impose une réforme plus efficace par la bulle Summi magistri dignatis du , dont le principe est de regrouper les différentes abbayes en un certain nombre de provinces, et de les soumettre à une discipline commune. Cette bulle dite « bénédictine » n’a pas tout l’effet souhaité.

Le , à l'intention des franciscains, il émet la bulle Redemptor noster, suivie de Ad decorem ecclesiae sponsae pour les chanoines réguliers en .

L'impossible retour en Italie

Le , Benoît XII fait savoir, lors d’un consistoire, qu’il désirerait retourner en Italie et s’installer à Bologne. Mais le peu d’empressement que marquèrent les Bolonais à l’accueillir lui fait abandonner son projet. Les Angevins de Naples se proposent aussi de l'accueillir. Mais, au cours de cet automne, Robert d’Anjou fait parvenir, en son nom et en celui de la reine Sancia, une demande de privilège au Souverain Pontife autorisant son beau-frère Philippe de Majorque à faire de l'abbaye Santa Chiara de Naples un monastère où serait pratiquée à la lettre la règle de saint François. Le pape refuse[12].

Et pour bien se faire comprendre, sa bulle Redemptor noster du condamne les fraticelles et prescrit aux franciscains l’uniformité des vêtements et l’assiduité aux offices divins.

Refus du népotisme

Parmi tous les papes d’Avignon, Benoît XII se signale par son refus du népotisme. En effet, il hésite longuement, et se décide seulement sur l’insistance de ses cardinaux pour confier le siège archiépiscopal d’Arles à son neveu, l’augustin Jean de Cardone.

Lorsque des parents viennent le voir à Avignon, il se contente de les dédommager de leurs frais de voyage. Seule sa nièce Faiga qui avait perdu son père, frère du pontife, a droit à 2 000 florins d’or, et à un mariage sans aucun faste.

Une croisade compromise par…

Le , à Pont-de-Sorgues, lors d’un consistoire solennel, Benoît XII rend publique sa décrétale Benedictus Dominus Deo in donis suis, condamnant les thèses théologiques de Jean XXII qui estimait que les âmes des saints n'avaient pas accès à la vision béatifique avant le jugement dernier.

Au début du mois de , le roi de France Philippe VI et son fils, Jean de Valois, arrivent à Avignon. Dans leur suite se trouvent le roi Jacques III de Majorque et Philippe d’Évreux. Tous se retrouvent à Villeneuve-lès-Avignon pour traiter du sort de la Navarre alors qu’avait lieu une éclipse de soleil[13]. Ce , un traité est signé réglant définitivement l’appartenance de ce royaume qui revient à Jeanne, fille du Hutin, épouse de Philippe d’Évreux. En contrepartie, la reine cède la Brie et la Champagne à Philippe VI.

À la demande de Hugues IV de Lusignan, roi de Chypre, Benoît XII rappelle à Philippe VI de Valois qu’il se devait d’entreprendre son voyage d’outre-mer. Le , le jour du vendredi-saint, le pape lance l’appel général à se croiser. Quatre cardinaux, conduits par Hélie de Talleyrand-Périgord, doivent assister le roi de France dans sa capitainerie générale. Le Valois demande alors à Benoît XII de convoquer une conférence des princes et des rois chrétiens[14].

Philippe VI resta dans la cité papale jusqu’au , puis se rendit à Aigues-Mortes, Lattes, le port de Montpellier, Narbonne et Marseille pour inspecter la « flotte des Francs » qui devait transporter 60 000 hommes outre-mer. Elle fut jugée insuffisante. Et bien que « la croix estoit en si grand fleur de renommée qu’on ne parloit ni ne divisoit d’autre chose »[15], la croisade tomba à l’eau tandis que la guerre de Cent Ans allait commencer.

… le début de la guerre de Cent Ans

Une étincelle venait de mettre le feu aux poudres, le . Édouard III avait été condamné par le Parlement de Paris, sur plainte de son créancier, le sire de Navailles[16]. Il réplique en interdisant à ses négociants en laine tout commerce avec le comté de Flandre dont le comte Louis de Nevers était l’allié du roi de France. Le plat pays, qui ne vivait que de ses filatures était en passe d’être ruiné. Aussitôt, Philippe VI donne ordre à sa flotte méditerranéenne de rejoindre les ports flamands pour menacer les côtes anglaises.

Benoît XII délègue immédiatement ses légats aux deux rois. La mission des deux prélats, Bertrand de Montfavet et Pedro Gomez de Barrosso, dit le cardinal d’Espagne, va se heurter à des forces économiques énormes. Le lobby anglais de la laine brute, inquiet de la présence maritime française, incita Édouard III à répliquer à Philippe VI de Valois. La contre-attaque sur le plan dynastique sembla la meilleure[17].

Le roi d’Angleterre se posa dès lors en tant qu’héritier direct de la couronne de France[18]. Il attendit jusqu’au pour se rendre à l’abbaye de Westminster afin de réserver son hommage au Valois et revendiquer publiquement le trône de France. À la fin du mois, il en informait le pape par lettre.

Le , la guerre de Cent Ans débutait. En Flandre, les Anglais prennent pied sur l’île de Cadzand, tandis que la flotte française offre bataille à celle du roi d’Angleterre à Southampton. Benoît XII, par ses légats, sollicite une trêve qui est acceptée par les deux parties.

Le palais des papes d’Avignon

Ce ne fut pourtant pas ce conflit franco-anglais qui incite le pape à se faire édifier un palais fortifié en Avignon, mais la crainte d’une intervention armée de l’empereur Louis de Bavière, allié de l’Angleterre. Il en charge, dès le printemps, son architecte Peysson de Mirepoix[19].

Plan du palais des Papes avec la situation des différentes tours et du palais vieux.
Le cloître, œuvre de Pierre Peysson.

C'est dès 1335, que le pontife avait fait venir Pierre Peysson, un architecte qu’il avait employé à Mirepoix, le chargeant de réaménager les tours du palais épiscopal ainsi que la chapelle pontificale. En attendant, il s'était installé dans le palais construit à Pont-de-Sorgues par son prédécesseur, pour y rester les quatre mois d’été. On sait que le était arrivé à Avignon le lion que Benoît XII avait fait venir de Sicile pour garder son palais sorguais[20].

Déjà sur ses ordres, en , Pierre Peysson avait jeté les fondements de la « tour des Anges » et de la chapelle pontificale nord. Ces bâtiments furent consacrés, le , par le camérier Gaspard de Laval. Le 5 du même mois, le pape avait justifié sa décision auprès du cardinal Pierre des Prés :

« Nous avons pensé et mûrement considéré qu’il importe beaucoup à l’Église Romaine d’avoir dans la cité d’Avignon où réside depuis longtemps la Cour romaine et où nous résidons avec elle, un palais spécial où le pontife romain puisse habiter quand et aussi longtemps qu’il lui paraîtra nécessaire. »

Par ce bref, le pape répondait à Pétrarque qui, par deux fois, en 1335 et 1336, lui avait écrit, afin de l’exhorter à retourner à Rome. Du coup, le poète le traita méchamment d’« ivrogne invétéré ».

Le décès du cardinal Arnaud de Via, neveu de Jean XXII, permet à Benoît XII d’acheter la livrée de ce prélat située à l’emplacement de l’actuel Petit Palais pour y loger l’évêque d’Avignon dont le siège est rétabli. Le pape peut ainsi disposer à sa guise de l’ancien palais de l’évêque et entreprendre les travaux qu’il juge nécessaires.

Dans un premier temps, Benoît XII s’installe dans les appartements de son prédécesseur et fait réaliser deux vastes chantiers : la construction d’une nouvelle église au nord et, sur des terrains nouvellement acquis, dans l’aile est, l’édification d’une imposante tour de 46,5 m de haut appelée tour du pape ou des anges ou de plomb à cause de la toiture constituée de feuilles de ce métal.

Benoît XII entreprend ensuite de faire disparaître les trois ailes est, sud et ouest du premier palais de Jean XXII pour les reconstruire en leur donnant plus d’espace. Ainsi est réalisée l’aile du conclave au sud qui comprend également l’appartement réservé aux hôtes de marque. Les travaux se poursuivent par l’aile orientale avec la salle du consistoire, les tours Saint-Jean, de la cuisine neuve et des latrines.

La bibliothèque pontificale est installée dans la « tour des Anges »[21]. L’année 1337 voit en mars le début de la construction des appartements pontificaux ; en novembre, la construction de la grande aile et de l’aile du midi. En 1338, au mois de juillet, sont achevés la « tour des Latrines » et de la petite tour de Benoît XII ; en septembre, les appartements pontificaux sont prêts tandis qu’au mois de décembre, commence la construction du cloître. En , sa structure est terminée.

En août de la même année, débute la construction de la « tour Campane » et de l’aile des familiers ; et dans le dernier semestre on assiste à la fin des grands travaux du palais pontifical, la cuisine et les dépendances étant achevées. En début d’année 1340, la décoration du cloître est réalisée ; en juin, c’est la fin de la construction de l’aile des familiers qui jouxte la « tour Campane ». C’est là que seront logés empereur, rois, princes et ducs. Pour l'instant, dès décembre, cette tour achevée sert de logement aux marchands « à la suite de la Cour de Rome », le plus bas étage étant utilisé pour entreposer leurs marchandises. Enfin en , la tour du Trouillas (pressoir) est mise en chantier.

Malgré son austérité, Benoît XII avait même envisagé, sur les conseils de Robert d’Anjou, d’engager Giotto pour décorer la chapelle pontificale. Seule sa mort en 1336 empêcha ce projet. Ce fut Simone Martini[22], le chef de file de l’École de Sienne, qui vint à Avignon décorer le palais, à la demande du cardinal Stéfaneschi.

L’architecture de ce palais est austère, le décor sobre. En revanche, Benoît XII impose un système défensif efficace : toits de tuiles bordés de créneaux et de mâchicoulis, tours munies de dépôts d’armes et de postes de guet.

L’affaire du Dauphiné

Humbert II, dauphin du Viennois, nomme le , Agoult des Baux, oncle de son épouse, administrateur de ses finances privées. En , le Dauphin, confronté au problème de ses caisses vides, lui donne ordre de poursuivre les Juifs, les Lombards et les Toscans dans ses États. Accusés d’usure et de contrats usuriers, ils furent taxés de fortes amendes[23].

Benoît XII, retrouvant sa jeunesse, envoie aussitôt sur place Johannes de Badis, son Grand Inquisiteur de Provence, pour rechercher les juifs convertis et relaps du Dauphiné[24].

Le rôle politique d’Agoult des Baux s’amplifie lors des négociations de paix entre le dauphin et Vienne, en , à la suite de la révolte des Viennois. Au cours de l’été, Humbert doit emprunter 30 000 florins au pape pour solder ses troupes. Sa dette est gagée sur ses terres et il propose au pontife de lui vendre le Dauphiné contre 452 000 florins.

Sans doute mis au courant des convoitises du roi de France, le pontife lui en offre 150 000, tout en décidant d’enquêter sur les revenus domaniaux du dauphin. Entre et , Jean de Cojordan, trésorier pontifical, et Jean d’Arpadelle, chapelain du pape, parcoururent le Viennois et le Briançonnais. Ils estimèrent les revenus annuels du dauphin à 27 970 florins, ce qui donnait une valeur théorique de vente pour le Dauphiné de 559 400 florins.

La politique delphinale de la France

En effet, Philippe VI et son conseiller l’archevêque de Rouen, Pierre Roger, avaient senti se dessiner une opportunité. Le roi de France engage d’abord à son service le brillant Agoult des Baux[25] puis fait savoir au pontife qu’il accepte l’accession de son conseiller à la pourpre[26]. C’est ce que fait Benoît XII par lettre bullée, en date du . L’archevêque de Rouen arrive à Avignon le et reçoit, le , le chapeau de cardinal.

Au cours de cette année, le Dauphin veut à nouveau mater une « émotion » à Vienne. Il se tourne vers le pape et obtient 15 000 florins qu’il promet de rembourser sous six mois. En , il demande un délai de paiement. En , il est toujours débiteur de 16 200 florins. Le cardinal Pierre Roger intervient auprès de Benoît XII, qu’il persuade d’excommunier le mauvais payeur.

Affolé, le pieux Humbert offre alors au pape de couvrir sa dette en donnant au Saint-Siège quelques-uns de ses fiefs. Toujours conseillé par Pierre Roger, Benoît XII fait une réponse négative à l’ambassade delphinale. Sans héritier, endetté jusqu’au cou, rejeté de l’Église, Humbert II allait être, sous peu, une proie facile pour le royaume de France.

L’échec des négociations d’Avignon

Trêve finie, à la Saint-Michel 1339, la guerre entre la France et l’Angleterre reprend. Pourtant à l’incitation de Benoît XII, Philippe VI envoya de concert avec Édouard III, des plénipotentiaires à Avignon. L’ambassadeur du roi d’Angleterre est le Génois Nicolino Fieschi. Il est attaqué, avec son fils Gabriele, dans sa résidence avignonnaise, le , par un « commando » venu de France qui s’était introduit dans la cité papale.

Une enquête met en cause Béranger Cotarel, le maréchal de Justice pontifical, qui avait laissé ouverte la porte Aiguière. Incarcéré, il est retrouvé empoisonné dans sa cellule. Pour l’exemple, son corps est pendu avant d’être jeté dans le Rhône. C'est alors que, le , Nicolino et Gabriele Fieschi réapparaissent libres dans la rue Carreterie[27]. Le parti français est mis en cause puis blanchi.

Le temps n’était plus à la négociation. Décidé à remettre un bon ordre féodal dans toute cette affaire, le roi de France ordonne à ses bâtiments de cingler vers le port de l’Écluse[28]. Ils s’y présentent le et sont anéantis. Cette défaite navale de l’Écluse coûta très cher au Valois en rendant les Anglais maîtres des mers[29].

La question italienne

Dans la péninsule, Benoît XII pratique une politique conciliatrice. Il accueille favorablement la demande d’Azzone Visconti pour l’annulation de la procédure inquisitoriale intentée contre sa famille, mais la mort du demandeur, le entrave la réalisation de l’accord qui est cependant trouvé le pour les Milanais. Les difficultés sont plus grandes avec Bologne ; n’ayant pas obtenu satisfaction, le pape jette l’interdit sur cette ville et son université le . La levée de l’interdit, le , permet à Beltramino Paravicino, évêque de Côme de recevoir le serment de fidélité des Bolonais.

Décès

Gisant de Benoît XII, métropole de Notre-Dame-des-Doms d'Avignon.

À Avignon, Benoît XII voit ses forces décliner. Atteint de la gangrène, il meurt le .

Son désir d'être enterré comme son prédécesseur à la cathédrale Notre-Dame des Doms est respecté. Une chapelle spéciale est construite par Michel Ricoman et financée par son successeur Clément VI. Avant sa mort, Benoît XII a demandé à son trésorier, Jean de Cojordan, de traiter avec un imagier Jean Lavenier en vue de la construction d’un mausolée sur le modèle de celui de Jean XXII. La statue de Benoît XII repose sur un sarcophage couvert d’un dais à clochetons. Il n’en reste pratiquement rien. Le tombeau actuel est composé de diverses pièces provenant du monument élevé au cardinal Jean de Cros.

Après sa mort, on découvrit que le pape avait laissé 1 117 000 florins dans les caisses de la Révérende Chambre Apostolique. Pour justifier une telle somme, en dépit des dépenses occasionnées par la construction du palais des papes, le bruit courut, à Avignon, que le pontife, en cheville avec la vieille Mourdacaï, avait récupéré le trésor des juifs comtadins[30].

Hommages

La statue de Benoît XII au Vatican

Afin d’honorer la mémoire de Benoît XII, pour s'être occupé de la restauration de l'ancienne Basilique Saint-Pierre de Rome, une statue à son effigie y est placée au-dessus de la porte de l'une des nefs. Enlevée lors de la construction de l'actuelle basilique au XVIe siècle av. J.-C., cette statue se trouve actuellement dans les Cryptes vaticanes. Il s’agit d’un buste en marbre blanc, coiffé de la tiare qui était encore à deux couronnes. Il bénit de la main droite et tient de la main gauche les deux Clefs de S. Pierre, emblème de son pouvoir apostolique[31].

Œuvres

Formulare advocatorum et procuratorum Romane curie et regii parlamenti, 1536.
  • (la) Formulare advocatorum et procuratorum Romane curie et regii parlamenti, Venise, Ottaviano Scoto il giovane, (lire en ligne)

Notes et références

  1. « Emmanuel Le Roy Ladurie : "Ça n’existe pas la Nouvelle Histoire, c’est une blague !" », sur France Culture (consulté le ).
  2. J.M.Vidal, Le Tribunal d'inquisition à Pamiers, Toulouse, 1906.
  3. Jean Dumont, L'Église au risque de l'Histoire, p. 307.
  4. J. Duvernoy, Le Tegistre d'inquisition de Jacques Fournier, évêque de Pamiers (1318-1325), Toulouse, Privat, 3 volumes, 1965.
  5. D'abord par extraits : J. Duvernoy, Inquisitions à Pamiers, Toulouse, éd. Privat, 1966 rééd. 1986 [ce sont ces extraits qu'Emmanuel Leroy-Ladurie a découverts par hasard à Toulouse et lui a fait connaitre ce fabuleux document]. Puis dans leur intégralité : J. Duvernoy, Le Registre d'Inquisition de Jacques Fournier (1318-1325), 3 vol., Toulouse, Privat, 1975 [rééd. Claude Tchou, 2004].
  6. Emmanuel Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, (ISBN 2-07-255456-X et 978-2-07-255456-8, OCLC 1287088502, lire en ligne)
  7. René Weiss et Emmanuel Le Roy Ladurie, Les derniers cathares : 1290-1329, Tallandier, dl 2016 (ISBN 979-10-210-2118-1, OCLC 959972664, lire en ligne)
  8. Jérôme Gautheret, « "Montaillou, village occitan", par Jérôme Gautheret », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  9. Jean XXII avait élevé Jean Raymond de Comminges et Jacques Fournier à la pourpre cardinalice le .
  10. Ce théologien réputé ne se sentait vraiment à l’aise que sur le terrain du dogme. Le Roy Ladurie, qui a longuement analysé son zèle inquisitorial, a dit de lui : « Ce prélat lucide appartient aux nouvelles élites occitanes qui vont prendre le contrôle de la papauté en Avignon… Il redressa les fantaisies théologiques de son prédécesseur Jean XXII relative à la vision béatifique après la mort. Au sujet de la Vierge, il se montra maculiste, autrement dit hostile à la théorie de l’Immaculée Conception de Marie. Ses interventions variées en matière de dogme couronnèrent une longue carrière intellectuelle. Au cours de son existence, il polémiqua avec force, et non sans conformisme, avec les penseurs les plus divers, dès lors qu’ils paraissaient s’écarter de l’orthodoxie romaine : Joachim de Flore, Maître Eckart, Occam ».
  11. À cette occasion, chaque cardinal reçut 100 000 florins et 50 000 florins furent expédiés à Rome pour la restauration de la basilique Saint-Pierre.
  12. Benoît XII s’opposa trois fois à cette requête par ses lettres bullées des , et . Ce monastère regroupait des clarisses et les frères de la Pauvre Vie. Achevé en 1328, il était sous la coupe de Philippe de Majorque. Le monastère de Santa-Chiara ne fut consacré qu’en 1340.
  13. L’éclipse partielle de soleil fut visible à Avignon le .
  14. Mais tout cela était pour la galerie. Benoît XII, dont la diplomatie était fort bien renseignée, confirma à Philippe VI les termes du courrier qu’il avait adressé à son conseiller, Pierre Roger, archevêque de Rouen : « Si vous partez des haines cachées se lèveront contre vous et votre royaume ».
  15. Cette citation est de Jean Froissart.
  16. Le sire de Navailles, auquel Édouard III en tant que duc d’Aquitaine devait de l’argent qu’il tardait à rembourser, avait fait appel au Parlement de Paris. Les magistrats lui donnèrent raison et ordonnèrent la saisie du château ducal de Puymirol au profit de Navailles. Elle fut effectuée au nom du roi de France par Pierre de la Palud, Sénéchal d’Agen.
  17. Le Valois n’était issu que d’une branche cousine de Philippe le Bel et de ses fils ; Édouard III d’Angleterre était, par Isabelle de France, son petit-fils. Ce qui ne l’avait pas empêché, depuis un an, de tenir sa mère recluse dans le château de Risings après avoir fait pendre son amant, le « gentil Mortimer ». Ces arguties féodales n’étaient que l’habillage d’un conflit dont le contrôle des filatures flamandes était le centre.
  18. Au cours du mois de , Henry Burghersh, évêque de Lincoln, se rendit à la cour de Louis de Bavière. Il avait pour mission de négocier, contre 300 000 florins, un traité d’alliance pour une durée de sept ans. Ce fut le , que le roi d’Angleterre fit officiellement appel à l’empereur germanique contre le Valois « qui se prétend roi de France ».
  19. L’édifice voulut par Benoît XII est connu sous le nom de palais vieux.
  20. Cette toute première résidence pontificale sera ruinée et incendiée, en pleine guerre de religions, par le baron des Adrets le .
  21. Sous le pontificat du troisième pape d’Avignon, elle comprenait quatre sections : théologie, droit canon, droit civil et médecine.
  22. Simone Martini arriva avec son épouse Giovanna et son frère Donat. Le plus gothique des peintres italiens avait été l’élève du Ducio de Buoninsegna.
  23. Jacques le Goff a explicité : « Dans ce nouveau monde où l’argent est vainqueur, où la cupidité (avaritia), péché bourgeois, détrône, à la tête des sept péchés capitaux, l’orgueil (superbia), péché féodal par excellence, l’usurier, spécialiste du prêt à intérêt, devient un homme nécessaire et détesté, puissant et fragile à la fois » (La Bourse et la vie, Paris 1986).
  24. Avec l’accord du dauphin, l’inquisiteur Johannes de Badis s’attacha à pourchasser les relaps en particulier le juif espagnol Alfondus Diaz, converti à la foi catholique et qui continuait à pratiquer son ancienne religion.
  25. Agoult des Baux fut d’abord nommé sénéchal de Beaucaire par Philippe VI, le , puis sénéchal de Toulouse et d’Albi, le .
  26. Lors de la nomination annuelle des nouveaux membres du Sacré Collège en 1335, au début de son pontificat, Benoît XII proposa le chapeau de cardinal à Pierre Roger. Le roi de France l’informa, qu’en l’état actuel des choses, il ne désirait pas se séparer de son conseiller et la promotion fut repoussée.
  27. La rue Carreterie (Carriera Cadrigerarium ou rue des Charretiers) était la principale artère avignonnaise menant du palais des papes à la porte Saint-Lazare.
  28. Le port de l’Écluse se nomme Sluys en flamand.
  29. La flotte française était commandée par Quieret et le financier Nicolas Béhuchet. Elle était renforcée par les galères génoises du capitaine Barbavera. L’incompétence de Béhuchet fit bloquer les cent quarante navires français par les deux cents bâtiments anglais de Robert Morley. Au cours de ce combat naval, 20 000 hommes furent noyés ou tués. Quant à Nicolas Béhuchet, il fut pendu au mât de son navire pour avoir giflé le roi Édouard.
  30. Il avait surtout entreposé dans une des tours de son palais le trésor papal qu’avait convoyé de Pérouse à Avignon le cardinal Gentile Partino da Montefiore dell’Asso en 1312.
  31. Georges Daumet, le monument de Benoît XII dans la basilique de Saint-Pierre, Mélanges de l'école française de Rome, Manuel d'archéologie et d'histoire, t. 16, 1896. Numérisé par Persée, portail des revues scientifiques, créé par le ministère de l'Éducation nationale Persée.

Voir aussi

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Bibliographie

Chroniques contemporaines
  • G. de. Nangis, Chronique latine de Guillaume de Nangis de 1113 à 1300 avec les continuations de cette chronique de 1300 à 1368, t. I et II, Société de l’Histoire de France, Paris, 1843.
  • J. Froissart, Chroniques, texte et notes de Kervyn de Lettenhove, Bruxelles (cf. t. IV à VIII), 1868.
  • J. Froissart, Chroniques, texte et notes de Siméon Lucé, Paris (cf. t. IV à VIII), 1873 – 1874.
  • J. Le Bel, Chronique de Jean le Bel (1326-1361), texte et notes de J. Viard et E. Deprez, t. I et II, vol. 1, 1326-, vol. 2, -1361, Société de l’Histoire de France, Paris, 1904-1905.
Études générales
  • É. Baluze, Vitae paparum Avenionensium, sive collectio actorum veterum, vol. I et II. Paris, 1693.
  • Tessier, Histoire des souverains pontifes qui ont siégé dans Avignon, Avignon, 1774.
  • Abbé André, Histoire de la monarchie pontificale au XIVe siècle ou la Papauté à Avignon, Paris, 1845
  • J. B. Christophe, Histoire de la papauté pendant le XIVe siècle avec des notes et des pièces justificatives, t. I & II, Paris, 1853.
  • J. B. Joudou, Histoire des souverains pontifes qui ont siégé à Avignon, Avignon, t. I et II, 1855.
  • Guillaume Mollat, Les papes d’Avignon (1305 – 1378), Éd. Letouzey & Ané, Paris, 1949.
  • Y. Renouard, La Papauté à Avignon, Paris, 1954.
  • B. Guillemain, La Cour pontificale d’Avignon 1309-1376, Éd. de Boccard, Paris, 1966.
  • D. Paladilhe, Les Papes en Avignon, Éd. Perrin, Paris, 1975.
  • B. Guillemain, Les Papes d’Avignon (1309 – 1376), Paris, 1998.
Études particulières

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