Avec près de quarante millions de voyageurs par an en 2023, il s'agit de la cinquième gare de Paris[2]. Son activité, qui avait été affaiblie par la création du RER E, a augmenté depuis la mise en service du TGV Est, avec un surplus de 22 % de voyageurs grandes lignes[3].
Pour toutes les catégories de trains, ses voies et aiguilles sont praticables à la vitesse maximale de 30 km/h[4].
Histoire
À l'époque de la mise en place du réseau national, il existe une opposition entre les compagnies ferroviaires, qui veulent limiter les coûts d'exploitation en utilisant une seule gare terminus pour desservir plusieurs lignes, et les ingénieurs de l'État, qui estiment que des gares séparées améliorent la qualité de l'exploitation. Pour la ligne Paris – Strasbourg, la décision de créer une gare séparée de la gare du Nord a été notamment défendue par l'ingénieur Cabanel de Sermet[5]. La gare n'est pas située à l'est de Paris, car la ligne de Strasbourg contourne par le nord le relief qui s'étend de Belleville (Seine), Romainville à Fontenay-sous-Bois[6]. Lors des débats sur le tracé de la ligne Paris-Strasbourg, il avait aussi été question d'aboutir à la gare d'Austerlitz ou à la gare de Lyon[7].
Elle comprend alors deux voies à quai pénétrant sous un grand hall. Cette partie la plus ancienne correspond au hall Grandes Lignes actuel (moitié ouest de la gare). Ses plans sont dus à l'architecteFrançois-Alexandre Duquesney et à l'ingénieur Pierre Cabanel de Sermet ; les travaux, qui vont coûter dix-huit millions de francs[9], commencent en 1847, et le président Louis-Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III) l'inaugure en 1850. Elle prendra le nom de « gare de l'Est » en 1854, après un premier agrandissement consécutif à la mise en service de la ligne de Mulhouse dont la compagnie, devenue Compagnie des chemins de fer de l'Est, avait obtenu la concession. Cet agrandissement s'étend sur une partie des terrains des Frères de la doctrine chrétienne et entraîne la disparition du marché au fourrage Saint-Martin, et de la majeure partie de l'impasse des Abattoirs (le reste, à l'ouest de la rue d'Alsace, étant intégré à la rue de Dunkerque)[10]. La gare compte alors quatre voies à quai, dont deux nouvelles à l'extérieur du hall, et la ligne est elle-même dédoublée, de deux à quatre voies, jusqu'à la bifurcation de Noisy-le-Sec, point où les lignes de Strasbourg et de Mulhouse se séparent.
Elle connaît d'importantes transformations en 1885, puis en 1900. À cette date, les seize voies à quai sont décalées et ne pénètrent plus dans le hall[11]. Deux halls latéraux ont été construits sur le côté est du bâtiment d'origine[12].
Enfin, entre 1926 et 1931, elle est dédoublée sur les plans de l'architecte en chef de la « Compagnie des chemins de fer de l'Est » Jules Bernaut[14],[15],[16],[17], prenant sa physionomie actuelle. Pour conserver la symétrie du bâtiment d'origine, la nouvelle partie située à l'est est identique à la première, et ces deux parties sont disposées de part et d'autre d'un bâtiment central qui remplace les halls latéraux. La gare compte alors trente voies à quai. Cet agrandissement entraîne une profonde modification du quartier : la rue du Faubourg-Saint-Martin est déplacée de 65 mètres vers l'Est et 40 immeubles sont démolis ; en conséquence, 550 appartements de relogement ont été construits à proximité (10 rue du Terrage et 37 rue du Château-Landon).
Cette gare, tête d'une ligne stratégique vers l'est de la France, est aussi une importante étape des grandes mobilisations, et ce, au début des deux conflits mondiaux (1914[18] et 1939).
Pendant la Première Guerre mondiale, pour tromper l’aviation ennemie qui bombarde parfois la capitale, l’état-major français imagine un projet de réplique de Paris. Ce projet n'aboutira pas en raison de la fin du conflit ; cependant, des structures censées représenter la gare de l’Est sont mises en place au nord-est de Paris.
Dans le cadre du programme de défense passive, un poste de régulation souterrain a été construit sous les voies 2 et 3, peu avant la Seconde Guerre mondiale, pour assurer la continuité du service en cas de bombardement[19],[20]. Il permet d'abriter 70 personnes, sur une surface de 120 m2. Ce bunker est achevé le , par les Allemands[21]. Il est resté depuis en l'état, y compris son mobilier[22].
Dans le hall Grandes Lignes, une peinture monumentale, Le Départ des poilus, août 1914, offerte par le peintre américain Albert Herter, « en souvenir de son fils mort » devant l'ennemi en 1918, près de Château-Thierry (dans l'Aisne), était exposée depuis 1926 en présence du maréchal Joffre. Cette peinture monumentale de cinq mètres de haut sur douze de longueur, décrochée début mars 2006 pour être transférée, en vue de sa restauration, à la Cité du train de Mulhouse, a été réinstallée en 2008.
En 1962, est mise en service l'électrification 25 kV – 50 Hz de la section Paris – Château-Thierry de la ligne Paris – Strasbourg. De cette électrification jusqu'à la mise en service du TGV Est, la gare n'a pas connu d'évolutions significatives, exception faite de la désaturation de son trafic de banlieue en 1999, par la création de la ligne E du RER.
La gare, pour ses façades et toitures, ainsi que les deux halls d'arrivée et de départ, fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [14]. Elle a été longtemps réputée comme la plus belle du monde, par son esthétique et ses qualités techniques[23].
La SNCF a rénové la gare de l'Est, pour une dépense de soixante millions d'euros, à l'occasion de l'arrivée de la grande vitesse ferroviaire (en 2007). Le cœur de gare, autrefois destiné uniquement au traitement des bagages, devient une passerelle intermodale avec la station du même nom du métro de Paris, rénovée elle aussi pour l'occasion. Cette rénovation a été récompensée par un Brunel Award en 2008[24].
Cette nouveauté risque d'influer sur le public : les voyageurs TGV ont globalement un pouvoir d'achat plus élevé que celui des voyageurs de la banlieue Est ; la SNCF a même d'ores et déjà prévu un agrandissement de la zone commerciale de la gare de trois mille deux cents à cinq mille cinq cents mètres carrés[25].
En 2010, dans le cadre de l'année France-Russie, et à l'occasion de l'arrivée du « Moscou express » Paris – Moscou, elle est jumelée avec la gare de Biélorussie à Moscou[26]. Toutefois, ce train ne circule plus depuis 2020[27].
Le buffet de la gare de l'Est, nouvellement installé dans l'ancienne consigne de style Art-déco, est exploité par le groupe Flo et propose, notamment, des spécialités alsaciennes.
Autres événements
Le , le Trans-Europ-Express (TEE) L'Arbalète est créé entre Paris-Est et Zurich via Troyes, Mulhouse et Bâle, assuré avec du matériel RGP1 TEE (X 2770 + RGP1 X 2700) de la SNCF. La rame était composée d'une RG1 TEE rouge Paris – Bâle à laquelle était rattachée en queue une RGP1 verte, limitée au parcours Paris – Mulhouse.
En 1962, la section Paris-Est – Château-Thierry de la ligne Paris – Strasbourg est électrifiée en 25 kV – 50 Hz.
Le , le TEE L'Arbalète voit son matériel RGP1 TEE (X 2770 + RGP1 X 2700) de la SNCF remplacé par une rame diesel hollando-suisse (CFF/NS).
Le , une liaison Intercités 100 % Éco est créée entre Paris et Strasbourg via Nancy. Elle est néanmoins supprimée en [28].
Le , des liaisons Ouigo sont créées, initialement entre Paris et Metz, Nancy, Strasbourg et Colmar[29].
Le , une liaison Nightjet est créée entre Paris et Vienne ; elle n'existait plus depuis (suppression effectuée lors de la mise en service du TGV Est)[30].
Le , Nightjet lance une liaison entre Paris et Berlin ; elle avait été supprimée (par CityNightLine) en [31].
Le , une liaison ICE Paris – Berlin sera créée[32].
Architecture
Le bâtiment est de style néo-classique, avec une façade en pierre de taille ; les multiples ajouts apportés à la gare d'origine conservent ce style en façade, à l'exception de la grande halle transversale et de ses deux accès, rue d'Alsace et rue du Faubourg-Saint-Martin, qui sont de style Art déco.
La façade de l'aile ouest (la plus ancienne) est éclairée par une demi-rosace, dotée d'une pendule flanquée des sculptures représentant la Seine et le Rhin par Jean-Louis Brian. Le pignon de ce hall est en bâtière avec motifs de bandes lombardes ; il est couronné d'une statue allégorique de la ville de Strasbourg, œuvre d'Henri Lemaire. Il s'agit d'un bâtiment symétrique dès sa construction, muni de deux pavillons sous toiture à croupes encadrant la demi-rosace, laquelle est disposée en retrait des pavillons, avec une colonnade de neuf arcades en arc en plein cintre au rez-de-chaussée. Les deux premiers niveaux des pavillons latéraux, ainsi que les percements derrière la colonnade, emploient l'arc en plein cintre ; les fenêtres du second niveau sont rectangulaires, avec un encadrement décoratif à arc bombé.
L'aile est fut bâtie en 1931 sur le même modèle. Henry Frédéric Varenne sculpta les statues représentant la Marne et la Meuse entourant l'horloge, ainsi que celle allégorique de la ville de Verdun au sommet[33].
La partie centrale, qui relie ces deux bâtiments, est composée de trois volumes, avec une avancée de neuf travées encadrée par deux groupes de quatre travées ; le tout surplombe une colonnade de treize arcades qui répond au style des bâtiments latéraux. Cette partie du bâtiment, peu profonde, sert à masquer une grande cour intérieure dotée d'une verrière Art déco[34] et de façades d'aspect fonctionnel, en brique et en béton.
Les façades latérales ne sont pas parfaitement symétriques ; elles comportent plusieurs pavillons et une entrée de style Art déco donnant sur une grande verrière transversale, qui court de la rue d'Alsace à la rue du Faubourg-Saint-Martin. Côté est, cette verrière est flanquée de deux pavillons identiques dont la façade imite les pavillons du bâtiment d'origine ; côté ouest, il n'y a qu'un seul de ces pavillons, à droite de l'entrée Art déco. Des accès souterrains en rampe, pour les voitures[35], ont été réalisés sous ces pavillons dès leur construction[12].
Service des voyageurs
Accueil
La gare dispose de guichets « Grandes Lignes » et « Île-de-France », ouverts tous les jours. En complément, différents automates sont disponibles pour l'achat de billets.
Elle est équipée de nombreux commerces (restauration, tabac, journaux, etc.) et d'un poste de police, situé du côté de la rue du Faubourg-Saint-Martin (en face des voies 29 et 30). Un « Salon Grand Voyageur », situé du côté de la rue d'Alsace, est accessible tous les jours.
Desserte
Grandes lignes
Le trafic des grandes lignes est réparti sur deux zones, séparées par celle affectée aux lignes de banlieue[36] :
la zone jaune, située en face de la halle voyageurs Alsace, correspond aux voies 2 à 12. Elle dessert principalement les trains en direction de l'ancienne région administrative Alsace et de l'étranger ;
la zone bleue, située en face de la halle Saint-Martin, créée lors de l'extension de 1930, correspond aux voies 23 à 30. Elle est essentiellement destinée aux trains vers les anciennes régions administratives Champagne-Ardenne et Lorraine.
Les relations au départ ou à destination de la gare assurées par la SNCF et certaines autres compagnies comprennent :
Les relations assurées par la Deutsche Bahn sont des ICE (dans le cadre de l'accord commercial « DB SNCF en coopération ») vers Stuttgart et Francfort-sur-le-Main, qui empruntent la LGV Est.
Banlieue
Les relations de Paris à Chelles - Gournay et de Paris à Villiers-sur-Marne - Le Plessis-Trévise, qui avaient leur terminus à la gare de l'Est, ont été transformées en pour constituer la ligne E du RER. La relation de Paris à Tournan y a également été intégrée en 2003. Les trains desservent désormais la gare souterraine de Magenta, située à faible distance de la gare de l'Est, et circulent ensuite en direction d'Haussmann - Saint-Lazare ; les missions ferroviaires complémentaires de la grande banlieue Est sont assurées par la ligne P du Transilien :
En cas de grève, de travaux ou de problème d'exploitation dans le tronçon souterrain du RER E, les trains en provenance de Chelles - Gournay, Villiers-sur-Marne et Tournan ont pour terminus la gare de l'Est.
De par son accès de plain-pied depuis la rue d'Alsace et son plus faible trafic, cette gare figure souvent ses sœurs parisiennes pour des prises de vue, parfois quelques plans avec raccord, ou des scènes en totalité.
1983 : Le Marginal de Jacques Deray ; lorsque Jean-Paul Belmondo (commissaire Philippe Jordan) attend Freddy le Chimiste, qui se fait assassiner dans cette gare au milieu de la foule.
1984 : Les Ripoux de Claude Zidi ; au début du film, lorsque Thierry Lhermitte arrive d'Épinal : vue sur l'ensemble des quais, puis un seul d'entre eux.
2011 : À la maison pour Noël de Christian Merret-Palmair ; la gare de l'Est joue le rôle de la gare Saint-Lazare, avec un départ de train pour Versailles, mais également un autre pour Coulommiers (cette dernière destination est habituelle à Paris-Est) sur le même quai.
2014 : Elle l'adore de Jeanne Herry[42] ; l'accès par la rue d'Alsace est utilisé par une courte scène. Le panorama sur les abris filants de la gare, depuis la même rue, apparaît aussi.
2014 : L'Affaire SK1 de Frédéric Tellier ; l'accès par la rue d'Alsace, ainsi qu'un quai, sont utilisés par de courtes scènes. Comme précédemment, le panorama sur les abris filants de la gare apparaît également.
Le siège de l'association française des amis des chemins de fer (AFAC), fondée en 1929, se situe au sous-sol de la gare. Celle-ci a aménagé plusieurs réseaux de modélisme ferroviaire à diverses échelles : H0 (1/87e), 0 (1/43,5e) et I (1/32e), ainsi qu'une bibliothèque sur la thématique du chemin de fer[50],[51]. L'accès aux locaux se réalise par la rampe d'accès à la cour souterraine, à l'ouest du bâtiment voyageurs[52],[35]. L'accès au public est autorisé certains jours[35].
Notes et références
↑« Histoire : à la découverte de la gare de l'Est », sur francetvinfo.fr, article du (consulté le ) : « Mais derrière son immuable façade de 1850, elle a beaucoup de choses à vous raconter. Son nom d'origine ? La gare de Strasbourg. ».
↑Document vidéo : « Strasbourg to Paris – Driver's eye view », parcours en cabine de conduite de la rame TGV Réseau 511 assurant le train 2424 ; publié par Video 125 en 2011.
↑[PDF] La Gare de l'Est, p. 73, Karen Bowie in Polarisation du territoire et développement urbain : les gares du Nord et de l'Est et la transformation de Paris au XIXe siècle, 1999.
↑Paris et ses chemins de fer, Paris, Action artistique de la ville de Paris, , 286 p. (ISBN2-913246-46-X et 9782913246461), p. 185.
↑Aude Henry-Gobet, Le 10e arrondissement : itinéraires d'histoire et d'architecture, Paris, Action artistique de la ville de Paris, , 142 p. (ISBN2-913246-10-9 et 9782913246102), p. 41.
↑Gary Sheffield, La première Guerre mondiale en 100 objets : Ces objets qui ont écrit l'histoire de la grande guerre, Paris, Elcy éditions, , 256 p. (ISBN978 2 753 20832 2), p. 10-11.
↑(en) Mark Smith, « Paris - Moscow Express… », sur seat61.com(en) (consulté le ) : « All trains to/from Russia were suspended in 2020 due to Covid-19 and now remain suspended until further notice due to sanctions. ».
↑Danielle Chadych et Dominique Leborgne, Paris pour les nuls : Son histoire, ses quartiers & ses monuments, France, First Editions, coll. « Pour les Nuls », , 459 p. (ISBN2-75400-168-9), p. 267.